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EAN : 9782072954764
256 pages
Gallimard (03/03/2022)
3.42/5   30 notes
Résumé :
Avril 1950. Gringoire Centon est traducteur pour la Série Noire. Parlant mal l’anglais, il fait traduire son épouse en cachette et se contente de transposer le résultat dans un argot approximatif qu’il apprend dans des bistrots mal famés. Désireux de devenir écrivain lui-même, il se laisse entraîner par un drôle d’Américain dans une rocambolesque affaire de truands lettrés, de faux manuscrits et de vrais gangsters, sur fond de guerre culturelle Est-Ouest et de lutte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
L'argot du ricain !
En 1950, les traducteurs des polars amerloques pour la Série Noire devaient coloriser l'English façon patois de zinc. Il fallait inventer une langue des rues sans avoir jamais mis ses petits petons chez l'oncle Sam et tata flingueuse. Parfois, ils « Statisaient » même les noms d'auteurs bien de chez nous pour vendre du rêve américain. Traverser l'Atlantique avec des romans de gare force le respect.
Grégoire Centon est une de ces plumes de l'ombre au service du grand patron du polar de chez Gallimard, Marcel Duhamel.
Pas très doué pour les langues vivantes mais à l'aise avec les morts violentes, c'est son épouse qui traduit de façon académique les romans et il se charge ensuite de la réécriture pour répondre au cahier des charges de la boutique : Argot, Violence, Humour. La psychologie reste aux vestiaires. Freud est bâillonné avec le torchon du barman pour laisser causer les brèves de comptoir.
Pour trouver l'inspiration des bas-fonds, Grégoire se met à fréquenter les bas-côtés et à fricoter avec des gens du Milieu. Oxymore et balles au centre. Les personnages semblent sortir des romans d'Albert Simonin, hauts en couleur et haut les mains face à une flicaille qui a recyclé de l'ancien collabo.
Grégoire compte les balles comme un arbitre de Roland Garros sans filet (oui, j'écris ce billet tout en suivant la petite balle jaune à la télé), se fait « otager » par des bandes rivales, embauché de force pour traduire les mémoires d'un truand en quête d'une postérité littéraire.
Plus un hommage qu'un pastiche de ces romans populaires, cette merveille d'humour aux dialogues qui sont des fusillades de bons mots, raconte aussi les tourments et les états d'âme des traducteurs. Sébastien Rutés connait d'ailleurs son sujet car il est lui-même décodeur de plumes latino-américaines.
Seul bémol au formol, l'auteur m'a parfois un peu perdu dans ses personnages infréquentables. Avec tous ces alias, je ne savais plus qui poursuivait qui et je mélangeais les porte-flingues. Certains sont un peu trop restés incognitos.
C'est chercher la petite bébête car j'ai vraiment apprécié de sentir à quel point l'auteur avait pris du plaisir à écrire ce roman. Joie communicative qui s'échappe de ses métaphores. Traits de plume et traits d'esprit.
Ne pas se fier au titre ! C'est de la littérature.
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Tu as la flemme de lire Steiner et Derrida? Tu veux tout connaitre des affres de la traduction, de la trahison du texte, de la complexité du langage, à travers le parcours d'un romancier sans succès qui cachetonne en traduisant des polars américains sans bien connaître l'anglais et qui met à jour son argot dans des bistrots auprès de truands parigots?
Lis donc le dernier roman de Sébastien Rutès, l'une des voix les plus singulières du noir français (dont je recommande chaleureusement le beau Monarques) qui a assez d'humour pour placer dans cet opus une allusion à l'un de ses romans « Une histoire alambiquée de toilettes publiques dont j'imputais l'échec aux circonstances historiques exceptionnelles ainsi qu'au sort qui s'acharnait contre ma vocation » (La Vespasienne, que je recommande chaleureusement).

La traduction est la fois impossible et nécessaire, comme disait Jacques D., et c'est là qu'est l'os. Dans les années 50, Gringoire Centon -alias Gregor G. Senton pour faire américain- tente de traduire, pour ne pas dire réécrire des polars pour Marcel Duhamel, mythique créateur de la Série noire chez Gallimard. « Vous en faites un beau, d'agent double ! Et même triple. Un traducteur, ça fait cocu deux langues. Vous, vous réussissez à trahir l'anglais, le français et l'argot. Vous êtes le Mata-Hari des langues vivantes ! »
Le monde est en pleine mutation, c'est le début de la Guerre Froide, la France à la papa se prend de plein fouet une vague d'American Way of Life, et Boris Vian écrit des polars sous pseudonyme anglo-saxon. « La langue évolue, le monde aussi. Traduire, c'est rendre compte du temps qui passe ».

Gringoire se retrouve à son corps défendant plongé dans un imbroglio politico-truandesque, auprès d'un vrai malfrat à l'ancienne mais fin lettré qui n'est pas sans rappeler l'un des personnages des Tontons Flingueurs.
Cette histoire foutraque est prétexte à un festival sémantique réjouissant via la confrontation des univers, des langages, des bonnes et des « mauvaises"  littératures, des vocations (traduction versus création), et à un hommage au roman noir. Sébastien Rutès, lui même traducteur, a le style truculent, on pourrait citer des passages entiers de Pas de littérature!
Moralité: « Il faut toujours mentir sur ses lectures. Les lectures, c'est comme des aveux signés. Pas besoin d'interrogatoire, c'est le sérum de vérité. Rien ne vous trahit autant qu'un livre. »
Je remercie Gallimard et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique.
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"Pas de Littérature "- le 17 avril 2022

Un immense Merci à Babelio , à une Masse critique privilégiée ainsi qu'aux Editions Gallimard… pour cette lecture légère et facétieuse !
Une pause bienvenue de dérision et de fantaisie, après un certain nombre de lectures passionnantes mais éprouvantes !...

Avril 1950… Gringoire Centon gagne péniblement sa vie comme traducteur de policiers américains pour la Série Noire. Ce “Gringoire”, il faut le dire est un bien piètre traducteur , pour ne pas dire un véritable “glandeur”, véléitaire à souhait; heureusement, son épouse le sauve en l'aidant énergiquement dans ses traductions et dans les corrections, pour rendre sa "copie" dans les temps.

Lui, rêve indéfiniment au Livre qu'il voudrait écrire; en attendant je ne sais quoi..., il lui faut trouver un moyen de se distinguer dans ses modestes travaux de traducteur, en truffant exagérément ses “translations”, d'argot… qu'il va enrichir dans des bistrots glauques, pour " faire plus vrai"... !

S'ensuivent évidemment des aventures et mésaventures, dont les principales sont occasionnées par “un détective” aussi amateur et “glandeur” que lui, dans son domaine !

Une sorte de comédie déjantée, pétrie d'humour, de dérision, de “pieds de nez”, de loufoqueries … autant sur la société française d'après-guerre, que sur l'Eldorado que représente l'Amérique pour les français, que sur le métier ingrat de traducteur, que sur les mirages véhiculés par la Littérature…Une flopée de thématiques abordées !

Dans cette véritable sarabande, allant dans tous les sens, nous croisons un grand nombre d'individus louches, interlopes, fictifs que de personnages véritables; en tout premier, Duhamel, le créateur de cette célébrissime Série Noire de Gallimard, et patron de notre médiocre traducteur, avec les coulisses de la “Rue Sébastie Bottin”!...Sans oublier, Jean Meckert, Boris Vian, que notre auteur égratigne en passant…

La passion de Grégoire pour l'Argot nous vaut quelques pages savoureux sur François Villon

En arrière-fond, nous “relisons” l'actualité très mouvementée de cette période d'après-guerre, où il faut reconstruire, et fermer les yeux sur certains comportements détestables des années de conflit avec l'Allemagne , collaboration, résistants de la dernière heure, repentances plus ou moins sincères,prolifération de voyous en tous genres, etc.

Avec cet ouvrage, je découvrais pour la toute première fois Sébastie Rutés, au parcours fort riche… ainsi que très habité par le genre policier, l'argot… la traduction…le monde de l'édition, et la Littérature dans son ensemble...

Un texte, à plus d'un titre, qui offre de nombreuses réflexions sur le Monde de la Littérature, des éditeurs, de l'Ecriture comme des subtilités du rôle du Traducteur…mais aussi sur tous les flottements existant dans un pays, après une guerre mondiale, et des profondes fractures au sein de l'état de ce même pays !

Un bémol, cependant, qui ne concerne que mes attirances toutes personnelles : il y a “surenchère” dans les “délires argotiques”...dans la dérision; comme si l'auteur , en voulant “amuser son public”, en rajoutait trop !!

En dépit de l'ensemble qui reste réjouissant, j'ai senti monter comme une sorte de lassitude et de décrochage...vis à vis des rebondissements aussi rocambolesques que surabondants, à mon sens ?!.

Je n'étais visiblement pas “le bon public”…; Ce qui m'a le plus intéressé ce sont les multiples digressions pleines de dérision, d'humour noir ou de lucidité... sur les livres, les bibliothèques particulières, sur le réel et la fiction, sur le genre du “Polar”,sur le dur métier très fantasmé d'écrivain, etc.

Pour conclure cette chronique "mitigée", j'ai choisi un extrait amusant mettant en parallèle le "Polar"... et ce que toute bibliothèque peut révéler d'intime:

"-Pourquoi m'avoir menti ?
-Il faut toujours mentir sur ses lectures.Les lectures c'est comme des aveux signés. Pas besoin d'interrogatoire,c'est le sérum de vérité. Rien ne vous trahit autant qu'un livre.Alors,si on lit peu,il faut faire croire qu'on lit beaucoup,pour que l'adversaire vous surestime. Si on lit beaucoup, c'est le contraire, pour qu'il vous sous-estime. (...)Il faut garder dans sa bibliothèque des livres qu'on ne lira jamais et brûler ceux qu'on aime,pour tromper l'ennemi."(p.229)
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Je suis généralement bon client pour les livres hommages, les pastiches, les « à la manière de », les « livres dans le livre », les énièmes degrés… Et c'est à quoi s'attaque Sébastien Rutès dans Pas de littérature.

Dans les pas de Gringoire Centon, traducteur d'auteurs US – bien aidé par son épouse - pour la flamboyante Série Noire en train de forger sa légende en ce début des années 50, Rutès nous entraîne dans une double spirale d'intrigue polardesque et d'exercice de style.

Côté polar, la quête d'un manuscrit disparu va le plonger au coeur d'un conflits de malfrats et le voir se confronter pour de vrai à ceux qu'il décrit pour de faux livre après livre.

Côté style, il tente le tour de force de flirter avec tous les genres déjà décrits plus haut, de placer son personnage au coeur de tous les codes des livres de l'époque, d'écrire le livre de son livre au fil de l'eau, et de livrer quelques réflexions bien senties sur les auteurs et le monde de l'édition.

« La Série Noire, c'est la littérature sans auteur. Une arnaque parfaite. »

C'est à la fois touchant, tellement les clins d'oeil sont nombreux, confusant dans le fil de l'intrigue qui m'a vite échappé et étourdissant face à la profusion d'allusions dont je n'ai probablement pas saisi le quart de la moitié d'entre-elles.

Pas convaincu donc, même si l'ambiance générale du livre vaut assurément le détour pour les fans de la Noire. Et je vous laisse sur cette réflexion qui m'a un peu occupé l'esprit…

« Voler un voleur n'est pas voler, dit le proverbe, mais corriger un traducteur ? »
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Traduire c'est trahir”, cet aphorisme qui court chez Gallimard, Gringoire Centon aurait peut-être dû le prendre au mot.

L'obscur traducteur de romans de la Série Noire, la nouvelle collection littéraire chère à Duhamel, lui, Gringoire Centon va se retrouver dans un mic-mac de trahison en pleine guerre froide et des gang en même temps.

Des ricains et de la vodka, des cocos et du coca, du Jazz et quelques truands qui ont de la littérature dans le coeur.

Sébastien Rutès, qu'on avait découvert d'humeur plus sombre avec son précédent roman, Mitclan, connait son sujet sur le bout des doigts.

Vrais truands, faux traducteurs, détectives et espions, François Villon et Boris Vian en guest, entre humour et légèreté, nostalgie d'une époque où la géopolitique faisait tout son possible pour éviter une troisième guerre mondiale.

« C'est comme la traduction, intervins-je. La langue évolue, le monde aussi. Traduire, c'est rendre compte du temps qui passe . Ce sont les voitures qu'on fabrique à la chaine, pas les traductions. D'accord pour introduire la littérature américaine en France, pas les méthodes de travail. Dites à Duhamel que le taylorisme n'est pas un courant littéraire! “

Pur essai bibliophile et argotique, “ Pas de littérature” est un hommage aux romans mythique de la Série noire,

traduction approximative, jargon de Belleville, louchebem des Halles en prime.

Sebastien Rutes sera présent lors de la prochaine édition de Quais du Polar du 1er au 3 avril 2022.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (1)
LeFigaro
22 avril 2022
En signant un roman noir «old school», Sébastien Rutés ressuscite l?art d?un Albert Simonin et met en scène des gangsters hauts en couleur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
(Conversation entre un boucher et un traducteur de romans policiers pour la Série Noire):
"Tout de même, monsieur Centon, vous ne trouvez pas bizarre que ces gens parlent comme nous,"
Il prononçait Sainton, comme du saindoux.
"Quels gens?
- Les personnages de vos romans.
- Je n'en ai écrit qu'un.
- Ceux que vous traduisez.
- Ils parlent comme nous?
- J'en ai connu des Amerloques pendant la guerre. Ils ne jactaient pas du tout comme ça!
- Ils parlaient comment?
- Trois mots de français à peine. Et la prononciation, je vous dis pas!"
Dans l'arrière boutique où elle embossait les saucisses, sa femme était intervenue:
"Ils parlaient aussi beaucoup avec les mains; si vous voyez ce que je veux dire....
-Si je veux entendre causer faubourg, pas besoin de lâcher cent cinquante balles pour un bouquin: je sors sur le trottoir. Imaginez un peu l'inverse, qu'on se mette à l'anglais, nous autres?"
(...)
" Vous ne pouvez pas vous débrouiller pour qu'ils aient un air un peu plus américain, vos Américains?
- Je suis obligé de traduire. C'est soit en anglais, soit en français...
- Une fois, à la Libération, j'ai cuisiné un bourguignon avec du corned-beef. C'était pas bon, mais c'était ni américain, ni français: c'était entre les deux. Vous ne pourriez pas mitonner quelque chose entre les deux?
- C'est difficile, vous savez, la langue est en perpétuelle évolution.
- Comme le prix de la viande. Et ça n'arrête pas de baisser.
- D'un point de vue linguistique, une traduction est déjà obsolète à sa publication.
- Moi, si je vendais de la viande périmée..."
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" J'ai pensé que vous réveiller dans une bibliothèque atténuerait un peu le choc, dit-il en entrant.
- Trop aimable ! Et ce choc-là ? répliquai-je en désignant ma bosse à la tête.
- Franchement, vous espériez quoi en vous débattant ? Vous avez lu trop de polars.
- C'était un réflexe de survie.
- Les réflexes de survie, beaucoup en sont morts."
(page 135)
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...Partons du principe que l'écrivain ne dit jamais la vérité sur lui-même. Il y a les circonstances et des intentions qu'on ne connaît pas toujours. Villon écrivait sans doute pour se disculper des accusations portées contre lui ou pour justifier ses écarts. Pas étonnant qu'il joue les victimes. Il se montre tel qu'il voudrait qu'on le voie.Tous les écrivains font ça. Un texte est un masque qu'on présente au lecteur pour de bonnes raisons. (..)
On dit: l'oeuvre c'est l'homme, comme si l'homme était une chose très cohérente et qui ne change pas.Est-ce qu'on n'a pas le droit de changer, quand on est écrivain ou voyou ?
(p.173)
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C'est toi la spécialiste de l'argot.Moi,je me contente de traduire de l'anglais.Raison pour laquelle il y a ton nom sur les livres et pas le mien."
A vrai dire,les raisons, il y en avait deux.La première : le monde du roman noir est un monde d'hommes,il est nécessaire d'entretenir l'illusion que les histoires arrivent tout droit d'une arrière-salle de tripot sans passer par des mains vernis dans des bureaux feutrés de Saint-Germain-des-Prés.Les romans doivent sentir la sueur,pas le parfum pour dames.Mes collègues du beau sexe en étaient réduites à prendre des pseudonymes masculins,sous peine de voir leur nom chaperonné par celui du patron sur les couvertures, question de crédibilité. (p.17)
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"On peut savoir ce que vous faites ?
- De la graphologie.
-Les traducteurs en ont besoin ?
-Non,mais les détectives, oui"
Elle me regarda déconcertée. Ou bien la traduction à la chaîne de romans policiers avait eu raison de mon sens des réalités, ou bien j'essayais de me mettre dans la peau d'un personnage pour le rendre plus crédible en français. Drôle de méthode, mais Martine connaissait les bizarreries des traducteurs. Qu'attendre de gens qui s'expriment avec les mots des autres ? (p.99)
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