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Marie Hermet (Traducteur)
EAN : 9782226444271
256 pages
Albin Michel (31/03/2021)
3.57/5   54 notes
Résumé :
« Ce livre m’a longtemps habité. Je me demande si nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature. » Jonathan Franzen

Devenu une voix incontournable des lettres irlandaises depuis Le Cœur qui tourne, Donal Ryan s’éloigne pour la première fois de son décor familier du comté de Limerick pour embrasser un territoire plus vaste.

Fuyant les bombardements, Farouk, un médecin syrien, décide de traverser la Méditerrané... >Voir plus
Que lire après Par une mer basse et tranquilleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Trois destins d'hommes dont les histoires semblent initialement n'avoir aucun rapport les unes avec les autres. Trois chapitres pour mettre à nu leurs traumatismes émotionnels. Farouk, un réfugié ayant fui la Syrie pour l'Irlande ; Lampy, un jeune au coeur brisé vivant avec sa mère et un grand-père gouailleur qui fait office de père ; John, un vieil homme qui revit les erreurs de sa vie au crépuscule de la sienne.

Donal Ryan déploie ses portraits en adaptant son écriture aux personnages. Il a un talent fou pour raconter des vies ordinaires, que ce soit pour rendre l'état d'esprit d'un jeune coincé dans une petite ville, aspirant à y échapper mais sans savoir comment y parvenir ; ou pour dérouler la confession du pénitent John, un sale type qu'il parvient toutefois d'éclairer de lumière lorsqu'il raconte son enfance d'enfant mal-aimé.

Mais c'est la première section, celle de Farouk, qui m'a marquée, déchirante et lyrique, baigné d'un rythme délibérément lent avec ses phrases longues. Cette ouverture de roman est tellement belle que la présence du Syrien plane au-dessus des deux autres chapitres, dans l'attente de découvrir comment l'auteur va nouer son destin à celui des deux autres.

Le triptyque est suivi d'un dernier acte, celui qui va relier ces vies dans une scène de bus construite comme une tragédie grecque. Bien sûr, cela tient toujours un peu de l'artifice que de faire ainsi s'entrecroiser des personnages que l'auteur a délibérément tenu à distance des autres tout du long. Bien sûr, un personnage de réfugié syrien n'était pas nécessaire pour faire avancer l'action à proprement parler. Mais toutes ces objections volent en éclat face à la narration magistrale de l'auteur dans ce dernier chapitre qui prend par surprise le lecteur dans son dénouement, limpide et évident tant l'ensemencement romanesque a été subtil, a pris et m'a complètement prise.

Ce roman a une âme, il souffle de la vie dans chacun de ses personnages avec une bienveillante humanité qui touche profondément. Avec simplicité aussi. Et ce roman prend encore plus vie lorsqu'on le relit, lorsqu'on connaît les connexions. C'est ce que j'ai fait, à la recherche des échos de ma première lecture, et cette deuxième rencontre n'en a été que plus forte.
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« Il y a des histoires dont un homme peut tirer de la gloire», fait dire Donal Ryan à Pop, l'un de ses personnages. Difficile de s'empêcher de penser qu'il sait de quoi il parle. Spécialiste d'histoires de vies irlandaises, distingué dès son premier roman « Le coeur qui tourne », Donal Ryan a suscité une vague de critiques dithyrambiques à l'étranger avec ce quatrième livre, Jonathan Franzen allant jusqu'à évoquer un livre qui l'a longtemps habité, se demandant « si nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature ».

Donal Ryan risque pourtant d'étonner ses lecteurs assidus en situant son premier personnage en Syrie. Il le développe dans une prose au rythme lent, à l'image de l'introspection du personnage, Farouk, un médecin syrien prêt pour la traversée de la Méditerranée avec sa femme Martha et sa fille Amira. Plongez un tel personnage plutôt réfléchi dans la démence d'une migration clandestine, ça laisse forcément des traces. Vous obtenez des doutes, des réflexions, des questionnements, des projections anxieuses. Une anxiété pouvant même déboucher sur des formes plus graves de troubles psychiques. Un superbe personnage inoubliable, qui continuera d'habiter le roman, le lecteur se demandant comment il le retrouvera en dernière partie.
Le deuxième, Lampy, a les pieds bien ancrés dans son Irlande natale depuis 23 ans, vivant avec sa mère et son grand-père Pop, la tête déboussolée par ses incertitudes familiales. « Petit, il ignorait qu'il y avait une différence. Mam était Mam et Pop était Pop. Mari, femme, mère, père, grand-père, fils, fille et petit-fils n'étaient que des mots, et les seuls mots qui se soient jamais concrétisés pour lui étaient Mam et Pop. Mais un jour quelqu'un lui avait expliqué la signification du mot « bâtard ».
Le troisième s'appelle John. S'il y a une figure du mal dans ce roman, elle lui revient sans hésiter. Un comptable qui se dit lobbyiste, ou un financier avide de fric et de puissance, manipulateur pervers, détenteur d'une théorie infaillible pour détruire par des ragots : « […] toute chose a son origine ; rien ne peut venir de rien ». Il a pourtant ses blessures intimes lui aussi, et on le retrouve âgé au moment du récit, dans le questionnement, la rédemption et le dégoût de lui-même : « N'est-ce pas ma contrition qui compte, mon rejet de moi-même, ma prosternation devant la possibilité d'une miséricorde ? »

Trois hommes que rien ne semble relier de prime abord. On pourrait s'arrêter là avec la sensation d'avoir lu le recueil de trois nouvelles, celles d'un auteur inégalable pour nous mettre dans la tête de ses personnages, à fleur de peau de leurs émotions, avide de leur épopée, réussissant à chaque fois à créer le mini page-turner d'une psyché. On remarquerait l'omniprésence de Dieu et des éléments naturels comme la lune, une petite citation et ça en serait terminé : « La lune apparaît à la lucarne au-dessus du palier, baignant l'escalier de sa lumière blême, et il ressent une haine soudaine pour cette chose morte qui tourne autour de la terre en présentant toujours le même visage et gouverne les marées, sans la moindre émotion.»
On pourrait ne pas lire la dernière partie mais ça serait dommage, pour ne pas dire farfelu. En plus d'unifier avec virtuosité les trois destinées, elle fait grimper le livre un étage au-dessus encore, là où il n'en reste plus beaucoup. Cette dernière partie sonne le réveil des personnages secondaires. Ils s'y révèlent, parfois sous un jour différent, reléguant au second plan les trois premiers. Et c'est ainsi, avec d'autres points de vues, que les liens se tissent, les vérités se disent, l'action se délite, que l'ensemble se cimente avec maestria, avec un final à couper le souffle. Même si derrière tout ça il reste encore une autre histoire, plus difficile à raconter celle-là, concernant l'auteur et sa prose ensorcelante et magique, qui tient en haleine de bout en bout. On a du mal à cerner, à tenir le fil de ce qui fait sa puissance et sa force, pourquoi elle aimante à ce point. L'empathie de Donal Ryan n'y est sûrement pas étrangère, traduite par sa capacité insensée à faire vivre ses personnages dans la tête du lecteur. Et puis son écriture évidemment, qui s'adapte aux caractères, à la fois précise et libre dans l'espace comme le temps, capable de s'éloigner des personnages pour nous parler de la lune ou d'une mouette, de Dieu ou des anges, d'un souvenir ou d'un éphémère qui s'achemine dans le décor ou l'action, tout en nous maintenant sur le qui-vive des destinées. Mais peut-être que tout n'est pas définissable. Comme si au fond de tout ça il y avait une petite chose essentielle à ne pas déranger. Une petite chose à la fois inaccessible et omniprésente, qui ressemblerait au souffle perpétuel d'une âme sachant écrire les vies et esquissée dans une voix unique, à écouter car elle nous raconte tout simplement l'humanité, et à travers elle un peu de ce que nous sommes.
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Donal Ryan est devenu, suite à son tout premier roman « le Coeur qui tourne » paru chez Albin Michel en 2015, un des auteurs irlandais les plus incontournable. Chacun de ses livres est attendu, impatiemment, par de très nombreux lecteurs. Celui-ci, « Par une mer basse et tranquille » ne déroge pas à cette règle et il vient tout juste de paraître aux Editions Albin Michel. C'est un évènement littéraire parce que des auteurs de la trempe de Donal Ryan on n'en compte, finalement, pas énormément. Parlons de la forme tout d'abord, l'écriture est ciselée, profonde, délicate et sensible. On est, dès les premières pages, emporté par le souffle et le soin apporté au récit. Donal Ryan interroge les méandres des vies, leur sinuosité, la condition d'homme ployant sous le fardeau, le poids, de la destinée, de la fatalité. Trois destins, trois chemins appelés à se croiser de façon impromptu ou, bien au contraire, qui suivent un fil d'Ariane soufflé par Dieu si l'on est croyant. Donal Ryan nous laisse libre de supposer, de penser ce que l'on veut. Il suit un schéma narratif très limpide. Trois hommes, trois parties dans un même roman avec en plus un épilogue qui donne son sens à l'ensemble. L'auteur s'intéresse en premier lieu, à Farouk, médecin syrien contraint de quitter son pays à l'arrivée de Daech. Il a une épouse, Martha, biologiste et une fille, Amina. La crucifixion d'un jeune homme et autres atrocités qui sont la marque de fabrique du système totalitaire de Daech, tous ces éléments lui font prendre conscience que lui et sa famille ne sont plus en sécurité en Syrie. Donal Ryan décrit dans des pages poignantes le départ de Farouk et sa famille, dans un bateau de fortune, afin de rejoindre l'Europe. La souffrance de la guerre, de la violence aveugle de Daech, d'un pays qu'il ne reconnaît plus. Que va t'il advenir de Farouk et de sa famille ? Vont-ils pouvoir rejoindre l'Irlande ? C'est incontestablement, la partie du livre que j'ai préféré. Elle est sublime et d'une rare sensibilité, humanité. En second lieu, nous retrouvons Lampy, il vit en Irlande avec sa mère et son grand père goguenard surnommé Pop. Lampy a vingt trois ans et ignore qui est son père. Il travaille dans une maison de retraite. Son coeur est brisé le jour où Chloé, sa petite amie, part étudier à Dublin. Chloé est d'un milieu beaucoup plus aisé que le sien et Lampy n'a pas de diplôme, autant d'éléments qui poussent Chloé à partir. Cette seconde partie est plus cocasse, avec davantage d'humour, du fait du personnage très attachant du grand père, et toujours ce regard empreint d'humanité. Lampy veut tout plaquer, comment se reconstruire après une rupture ? Enfin, dans une troisième partie, nous rencontrons John qui sentant la mort approcher, souhaite obtenir la rédemption après sa vie passée à faire le mal. John a perdu son frère aîné, très jeune. Ce frère était le préféré de ses parents et John n'était que le pâle reflet de la réussite insolente de son aîné à l'école et en sport. Son père était un grand propriétaire terrien. le jour de la mort de son frère, son père brûle tous les symboles chrétiens de la maison. Là encore, il est question de bâtir une vie, sans avoir eu l'amour et l'attention suffisante, pour être heureux. Alors, le mal apparaît être une voie comme une autre, un choix par défaut. Que serait-il advenu de John s'il avait été aimé ? Vous l'aurez compris, il s'agit de trois hommes à la croisée de leurs destins, trois parcours singulier mais qui vont converger. Comment ? Je vous en laisse la saveur intacte et nulle volonté de ma part de dévoiler davantage d'éléments du récit. C'est un beau roman, très bien écrit, sensible et humaniste, questionnant le champ des possibles de nos vies. C'est incontestablement un roman à découvrir. « Par une mer basse et tranquille », s'est publié chez Albin Michel et s'est signé par l'écrivain irlandais Donal Ryan.

Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel pour cette lecture et leur confiance !

Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Deux ans après Tout ce que nous allons savoir, l'écrivain irlandais Donal Ryan revient en France avec Par une mer basse et tranquille.
Comme d'habitude, c'est chez Albin Michel et encore une fois servi par la traduction impeccable de Marie Hermet.
Au centre de l'histoire, trois personnages que pas grand chose ne semble rapprocher et qui, dans la grande tradition des récits chorals, vont pourtant converger vers un même lieu, l'Irlande.
Divisé en trois parties et terminé par un épilogue inattendu, Par une mer basse et tranquille traque de nouveaux les ombres du passé et les fêlures des uns et des autres.

De la fuite à la confession
C'est par l'histoire de Farouk que commence Par une mer basse et tranquille, l'histoire d'un médecin syrien contraint de fuir son pays devant l'avancée des terroristes afin de mettre à l'abri sa femme et sa fille. Donal Ryan raconte l'horreur islamiste et la peur qu'elle sème dans le coeur des hommes, il exprime aussi le doute enraciné dans la culture, la tentation de rejoindre les « barbus » pour garder femme et fille sous clé, dicter leur vie et en finir avec cette petite voix jalouse qui murmure une misogynie ordinaire si tentante. Farouk casse le cliché du Syrien pauvre et sans éducation qui vient parasiter le pays étranger où il échoue, ce cliché commode créé et entretenu à dessein par l'extrême-droite. Il montre que la majorité des migrants sont mus par le désespoir et la crainte, piégés dans leur propre pays par des horreurs qui prennent le pas sur le quotidien. Malheureusement, ce qui les attend ailleurs n'est pas forcément plus reluisant. Abusé et moqué par les « passeurs », Farouk devient une épave à la dérive, un témoignage vivant de l'injustice et du cauchemar qui s'est abattu sur le peuple syrien…et sur bien d'autres.
Puis le récit change complètement avec Lampy, un irlandais pur jus qui vit dans une famille ordinaire ou presque. Avec Pop, son grand-père blagueur un peu lourd et Mam, sa mère discrète mais toujours présente, le jeune homme travaille en faisant le chauffeur pour une maison de retraite. Lampy n'a pas grand chose du grand génie et sa vie amoureuse frôle le désastre entre Chloé et Eleanor. Mais Lampy est courageux, du moins c'est ce qu'il veut croire lorsqu'il résiste à ses idées noires. Ce qu'il manque surtout à Lampy, c'est une origine, un père dont il ne sait rien, un amour qui ne s'est pas noyé mais n'a jamais été. Donal Ryan change son fusil d'épaule, oubliant l'extraordinaire et le tragique de Farouk pour un drame plus intimiste encore mais un peu moins percutant sans doute. Cette seconde partie constitue le ventre mou mais nécessaire d'une histoire où les non-dits s'accumulent dans un but bien précis.
Avec le dernier récit, l'irlandais renverse la table. Sous la forme d'une longue confession à la première personne d'un lobbyiste à la morale plus que floue.
John n'a rien d'un saint et son portrait sans concession montre les épreuves qui l'ont façonné, de la mort de son frère, Edward, à sa rencontre avec une jeune fille dont il changera pour toujours l'existence. Par ce personnage, Donal Ryan renoue avec l'ambiguïté morale, avec le portrait en nuances de gris qui lui sied le plus. John fascine autant qu'il écoeure, pur produit de son époque, manipulateur et profiteur, victime et bourreau.

Survivre et reconstruire
Par une mer basse et tranquille pourrait ressembler à une succession de portraits centrés sur les blessures de l'intime, les non-dits et les catastrophes, de la mort à la vie, de la vie à la mort. Seulement voilà, Donal Ryan n'en reste pas là et finit par un épilogue qui rassemble les fils narratifs pour en faire un bouquet à la fois amer et apaisé, une conclusion en forme de rédemption et de vengeance, ou quelque part entre les deux.
Tout entier construit sur des évènements qui vont détruire et remodeler la vie de ses personnages, les privant d'amour par la même occasion, le roman arrive à capter l'influence du traumatisme sur l'existence, parvenant à montrer les contradictions et les sales petits secrets de ses héros qui comprennent trop tard qu'ils n'en sont pas.
Pourtant, Par une mer basse et tranquille peut paraître inégal de prime abord, la faute à une première et une troisième partie si puissantes qu'elles occultent la tristesse sourde émanant de la vie simple de Lampy…jusqu'à cette conclusion qui ressert les liens et organise une conjonction des blessures pour tenter un tour de passe-passe narratif brillant où la mort peut finalement rassembler et offrir une seconde chance aux hommes comme aux femmes.
C'est beau, brillamment nuancé et particulièrement émouvant. Comme tout ce qu'écrit Donal Ryan en somme.

Récits brisés, vies bouleversées, personnages blessés, voilà ce que promet Par une mer basse et tranquille qui cherche la peine et la rédemption des contrées syriennes aux villes irlandaises.
Donal Ryan livre un roman à trois vitesses et un carambolage final qui laisse des traces.
Lien : https://justaword.fr/par-une..
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Pas facile de faire une chronique à la hauteur de ce livre... et moi qui croyais connaître beaucoup de la littérature irlandaise ! La claque ! Donal Ryan est vraiment une voix puissante de l'Irlande, je viens de m'en rendre compte avec ce livre.
Le roman s'ouvre sur Farouk, medecin syrien qui a décidé de s'exiler de son pays régi par des lois liberticides, et sur lequel tombent les bombes. Il veut que sa femme Martha et sa petite fille Amira à qui il tient plus que sa propre vie, vivent dans un pays où elles pourront vivre libre, sans dépendre des hommes, s'habiller comme elle le voudraient, et vivre en paix. Et là ils ont passé le point de non retour. Pendant qu'il laisse sa femme (oh qu'il en souffre) régler la moitié de la somme demandée au passeur, il la voit à la cuisine qui minaude un peu, et il se morigène : c'est normal après tout, de mettre ses atouts dans son jeu. Sa fille dort. Lui, il est prêt, et dans ces deux ou trois jours qu'il lui reste, ses pensées vont vers ce qu'on lui a appris. Vers son père, qui lui disait, assis sur les marches d'une église copte : "Si tu regardes un (extrait photographié)


Farouk est un homme réfléchi, et rien ne pouvait mal se passer pour sa traversée de la mer avec Martha et la petite, tout était prévu, aborder en europe, aller en Irlande où l'attendait une place dans un hôpital, avec des amis déjà "passés". Rien ne pouvait clocher, on leur avait parlé du grand yacht et de l'équipage entrainé, du capitaine qui allait les faire traverser la mer jusqu'aux côtes européennes, sans encombre. Rien ne le préparait à avoir payé tant pour se retrouver sur une coquille de noix, surpeuplée, sans personne à la barre, abandonnés à eux mêmes..
Après l'histoire de Farouk, c'est l'histoire de Lawrence, alias Lampy, 23 ans, un jeune irlandais qui vient de se faire plaquer par sa petite amie qui s'en va faire ses études à Londres : lui doit rester là. Pour rapporter un peu d'argent, et parce qu'il n'a pas la possibilité de partir là-bas. En plus, son grand-père lui porte sur les nerfs, c'est dès le matin lorsqu'il se lève, il entend déjà Pop qui lance des vannes à propos de son petit-fils, sur sa capacité à être un homme, des blagues grivoises, enfin les mêmes conversations qu'il a, le grand père, au Pub avec ses amis. Des histoires qu'il raconte en les embellissant de jour en jour, et celles qu'il entend raconter. Pop raconte tout ça à Lampy, qui ne peut s'empêcher de rire aux éclats. Il y a Pop, et il'y a sa mère. Celle qui croit aux anges, et qui chante, et qui se parle toute seule en faisant le ménage. Par contre, il n'y a pas de père. Lampy s'est toujours fait traiter de "bâtard" à l'école, et il n'a personne pour se sentir comme tout le monde.. mais lorsque Pop lui a appris à attaquer droit la pomme d'adam des grands qui le traitaient de bâtard, ça a marché.
Mais là, ce père inconnu, ce chagrin d'amour, et sa vie de conducteur de minibus de la maison de retraite, payé une misère par la famille Grogan, celle d'un des gamins qui le harcelait, c'est beaucoup trop. Ses amis préparent un départ pour aller au Canada, pour aller travailler dans une mine. Il doit partir avec eux, pour ne pas rester coincé dans ce village, sans aucun but, finir accoudé au bistrot, comme Pop. Mais pourra-t'il laisser sa mère et son grand-père seuls ?
Le troisième personnage du livre, la troisième partie, c'est John qui parle. Après une vie égoïste où il dit qu'il a fait le mal, pour ses propres intérêts, il vient demander pardon. Presque, il ne demande pas de pardon, il veut juste qu'on l'écoute, et il veut "soulager sa conscience". Il est à la fin de sa vie, il le sait. Il a peur de l'enfer. Il a peur de Dieu. Il parle de Saint Esprit, de Jésus, Mon père, tous les termes religieux de la confession, il les dévide. Il a fait le mal.
Une quatrième partie clôt le livre, appelée "Les Iles du Lac". C'est là où l'auteur va tirer les fils des trois personnages que l'on a suivis, si différents, et va les tresser ensemble, permettant de reconstituer le puzzle.

J'ai aimé le livre, l'écriture de Donal Ryan, si différente pour chacun des personnages. J'ai aimé particulièrement l'histoire de Farouk, et cette écriture puissante, mouvante et émouvante, légère à lire mais dont chaque mot ajoute de la profondeur. J'ai aimé cette écriture, ce style. Si la troisième partie, celle de John, m'a été difficile à lire, car ce personnage est vraiment détestable, je garde trace du style de l'auteur, et ça le donne envie de livre ses précédents livres !


Lien : https://melieetleslivres.wor..
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critiques presse (1)
LaCroix
03 mai 2021
Entre la Syrie et l’Irlande, trois hommes perdus et solitaires cherchent leur salut.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C'est en calomniant que j'ai appris une leçon importante et précieuse : si vous répétez une chose suffisamment de fois, elle finit par devenir vraie. Toute notion qui vous plaît, aussi folle qu'elle puisse paraître, peut constituer la chrysalide d'un fait. Une fois que vous l'avez dit assez fort et assez souvent, elle devient discutable. Et la discussion fait changer les esprits. Le débat est le stade larvaire de la vérité. La répétition constante, inlassable et bruyante achève la métamorphose de votre notion en fait avéré. Celui-ci prend ensuite son envol et déploie ses ailes d'un lieu à l'autre et d'un esprit à l'autre, devenant de lui-même vivant et permanent.
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« Je voudrais te confier quelque chose au sujet des arbres. Ils se parlent, vois-tu. Imagine ce qu’ils peuvent se dire. Qu’est-ce qu’un arbre peut bien avoir à raconter à un autre arbre ? Des tas de choses. Je parie qu’ils peuvent bavarder indéfiniment. Certains vivent des siècles. Les choses qu’ils voient, ce qui se passe autour d’eux, ce qu’ils entendent sans le vouloir. Ils communiquent par le biais de réseaux souterrains qui s’étendent à partir de leurs racines, des réseaux tissés sous la terre par des champignons, et ils s’envoient des messages cellule par cellule, avec une patience qui n’appartient qu’aux choses vivantes privées du mouvement. C’est comme si moi, je te racontai une histoire en te disant un mot par jour. Au petit-déjeuner, je te le dirais, le mot de l’histoire, et je t’embrasserais avant de partir travailler ; toi, tu irais à l’école et tout ce que tu obtiendrais de l’histoire c’est cet unique mot quotidien, je n’en dirais pas plus avant le jour suivant, même si tu me suppliais. Je te dirais : il va falloir que tu aies la patience d’un arbre. Peux-tu imaginer ce que cela te ferait ? Si un arbre meurt de faim, ses voisins lui envoient de quoi se nourrir. Personne ne sait très bien comment c’est possible, mais c’est un fait. Les nutriments passent des racines de l’arbre sain à celles de son voisin en souffrance par le réseau des champignons, même lorsque le voisin appartient à une espèce différente. Les arbres, comme toi et moi, ont une longue vie et ils savent des choses. Ils connaissent la loi, la seule vraie loi qui soit et qu’il faille respecter. Quelle loi ? Tu le sais. Je t’en ai déjà parlé bien souvent. Il faut être bon. Et maintenant dors, mon cœur, car demain la journée sera longue. » (début)
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Alors l’homme qui s’était plaint se leva, et comme Farouk s’attendait à ce qu’il critique Martha pour avoir raconté une telle histoire, il se prépara à défendre sa femme, à remettre l’homme à sa place, à lui dire de se taire et de garder ses lamentations pour lui, en ajoutant qu’il devait avoir honte de prendre autant à coeur une histoire racontée par une femme à son enfant, mais l’homme se contenta de dire : Les gilets de sauvetage. (…)
Et une autre voix derrière lui s’éleva pour répondre. Il n’y a pas de gilets de sauvetage sur ce bateau. Il n’y a pas de capitaine. Et il n’y a pas non plus d’équipage. Il n’y a rien d’autre sur ce bateau que nous.
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Comment peut-on se sentir, se demandait-il, quand on est au bord de la mort et qu’il faut encore vivre jour après jour comme si de rien n’était ?
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Aucune âme n’est d’un blanc pur, exceptée celle des nouveaux-nés. Mais il y a des hommes dans ce monde qui feront le mal sans relâche, sans la moindre compassion, et il y en a dans ce monde qui préféreraient mourir plutôt que de nuire à autrui, et puis il y’ a le reste d’entre nous qui oscillons entre les deux.
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Videos de Donal Ryan (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Donal Ryan
Un livre Un jour l'émission de France 3 vendredi 25 octobre 2019 une initiative de Babelio "Tout ce que nous allons savoir" de Donal Ryan Alain Fleitour nous parle de l'Irlande à travers un hommage de Donal Ryan à toutes les femmes; le thème du livre "l'enfantement"
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