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Yves Gauthier (Traducteur)
EAN : 9782742752577
253 pages
Actes Sud (01/10/2004)
3.9/5   25 notes
Résumé :
La carrière d'Unna, petite fille de la toundra tchouktche, est tout bonnement exemplaire. Précocement russifiée, sédentarisée et convertie aux valeurs soviétiques, elle s'arrache sans regret à son milieu d'origine, affirme ses qualités de militante, poursuit une impétueuse ascension vers la députation.

Hélas, quelques faiblesses se manifestent lorsque, jeune femme, elle croise le chemin d'un violoncelliste juif, et se laisse prendre à des illusions i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
C'est par la couverture de ce format de poche publié chez Babel que j'ai été attirée.
Je ne connaissais pas l'auteur, un écrivain tchouktche mort en 2008, mais la reproduction du tableau m'a paru familière par le trait stylisé des figures, leur étirement particulier, l'absence de relief, la figure féminine à gauche, de profil, écharpe rouge, arme à la ceinture, il y avait là comme un écho lointain à la révolution de 1917, et un rapport diffus que je n'ai pas établi tout de suite avec l'élan d'un cheval rouge lancé comme un drapeau, dans un tableau que j'ai pu admirer dans une exposition récente au grand palais (« Révolutions-2019 »)
Dans ce roman, la révolution de 1917 est bien gelée et ossifiée, depuis longtemps.
Sans plus de précision, le récit nous plonge dans l'URSS de Bréjnev des années 70, au coeur de l'extrême orient sibérien. Une carte, dans les premières pages, permet au lecteur de visualiser la localisation de ce petit territoire de la Tchoukotka dont Ouelen où est né l'auteur Youri Rytkhéou, figure en proue face à l'Alaska de l'autre côté du détroit de Béring.
Unna Ovto est encore une petite fille lorsqu'elle apparaît dès les premières pages, pourtant les liens qui l'unissent à sa famille, sa langue, son ethnie d'origine, déjà, se sont distendus. Scolarisée dans un internat loin de la toundra, elle parle davantage le russe que le tchouktche et regarde avec méfiance et distance ce qui touche à la culture de son ethnie. le lecteur comprend vite que la fabrication d'un citoyen soviétique oblitère les cultures nationales et conditionne une acculturation sans appel. Unna va illustrer ce processus à ses dépens.
La nomenclature brejnévienne va tout mettre en oeuvre pour gagner Unna à sa normalité, une scolarité brillante et remarquée conduit l'adolescente à gravir les échelons du mérite soviétique : après l'obtention de son diplôme de fin d'études secondaires, elle aspire à postuler par concours pour la faculté d'histoire de Leningrad. Soucieux de s'attacher les jeunes talents, les autorités locales vont alors convaincre Unna d'abandonner ses rêves universitaires et de choisir plutôt une carrière administrative et politique. Unna ne discerne pas tout ce qui se cache dans cette alternative, l'emprise du pouvoir, le contrôle permanent, la perte de toute individualité. A défaut d'idéal idéologique le régime achète ses soutiens à coups de magasins privés et de privilèges matériels de toute nature, en acceptant sa nomination au comité de l'Okroug du Komsomol, elle vend son âme au diable.
L'écriture du récit est sèche, sans pathos, presque désincarnée, un peu comme si la langue avait son rôle à jouer pour faire sentir la force de destruction d'un régime bureaucratique et calculateur. La descente aux enfers est aussi inexorable que lente, car pour Unna, la conscience des pressions qu'elle subit n'est pas automatique. le récit s'inscrit dans cette lenteur, Unna hésite à s'interroger vraiment, les atermoiements, les silences, ont raison de ses éclairs de lucidité. Lorsqu'elle se laisse manipuler jusqu'à l'avortement télécommandé, les jeux sont faits, la dégradation du corps et celle du discernement iront de pair dans un processus sans appel.
Une écriture retenue, toute en distance pour un pamphlet froid et cinglant contre toutes les bureaucraties calculatrices qui parviennent à leur fins au prix de l'intégrité de la personne humaine.

Lien : https://weblirelavie.com
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Unna ("fille de la toundra" en langue Tchouktche) a 9 ans quand elle doit quitter ses parents, éleveurs de rennes dans la toundra pour aller dans un pensionnat où elle sera "russifier".
Jeune élève brillante, elle apprend très vite le russe et les valeurs soviétiques. Petit à petit, elle en vient à mépriser son peuple et ses pratiques ancestrales.
Le système soviétique en fait son égérie, un véritable "objet" de propagande : elle représente le parfait modèle d'acculturation, une preuve que le régime soviétique agit pour le plus grand bien des peuples autochtones.
Toutefois, la rencontre avec un jeune violoncelliste juif va être décisive sur la suite de sa carrière.
Ce drame est un plaidoyer pour la cause des peuples autochtones malmenés et un réquisitoire contre le régime soviétique.
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Unna est la fille unique d'un couple tchouktche d'éleveurs de rennes. Elle quitte très jeune ses proches pour étudier. La russification qu'elle vit (apprentissage de la langue russe, sédentarisation...) l'amène à se détacher de sa culture d'origine et de sa famille, notamment de son père alcoolique dont elle a honte. Elle se retrouve tiraillée entre les valeurs et le mode de vie de son peuple d'origine et les valeurs soviétiques. Elle adhère d'abord avec enthousiasme à ces dernières puis s'aperçoit peu à peu des absurdités d'un système politique qui se soucie peu du bien-être de la majeure partie de la population. On trouve ici une critique acerbe de l'impérialisme soviétique durant la majeure partie du XXème siècle. Cette critique est d'autant plus habile dans le roman qu'elle émane d'une personne qui a adhéré aux valeurs que le régime communiste (sous Khroutchev puis Brejnev) prétendait incarner.
Après avoir lu et adoré L'étrangère aux yeux bleus du même auteur, j'ai d'abord été un peu déçu par Unna, craignant des ouvrages similaires. Finalement, ces deux romans dont les thématiques sont identiques (l'histoire du peuple tchouktche au XXème siècle) sont construits de manière très différente puisque l'un se déroule surtout dans la population immigrée de l'est sibérien tandis que l'autre a pour cadre une famille ou tribu tchouktche. En résumé : je continue à recommander cet auteur dont je vais poursuivre la découverte.

Lien : http://canelkili.canalblog.c..
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Dès la première page, on sent l'univers de l'auteur. Unna fait partie d'une ethnie minoritaire doté d'un père alcoolique. Déjà, on éprouve de l'admiration pour la fillette (bonnes notes, bonne conduite). Un personnage qui va se hisser au premier au rang de la politique russe mais qui dégringolera aussi vite à cause de son compagnon. Pouvoir ou Amour, Unna n'aura pas le choix. Pour moi, ce titre est une belle découverte mais naturellement si vous êtes déprimé, évitez de le lire au risque d'être encore plus triste.
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Une histoire très naturaliste, à la Zola. L'environnement a beau être "exotique" (on est à l'extrémité de la Sibérie, dans le pays des tchouktche), la portée du roman est universelle. La prégnance soviétique importe peu; c'est l'histoire d'une personne tributaire de ses choix et qui en subit les conséquences de manière terrible. A lire et pas seulement par curiosité
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Étrange magie que la musique. Car enfin, ce n'était jamais qu'un brassage d'air, des fréquences véhiculées par l'environnement gazeux de l'être humain, lequel, à l'analyse chimique, se réduisait à une grande quantité de substance liquide et à une infime partie de corps durs. Or, voilà que la musique et l'homme se voyaient soudain investis d'une propriété nouvelle, d'un pouvoir nouveau qui transformait ces fréquences en art. Et l'être humain, ce mélange de corps liquides et durs savamment dosé par la nature, réagissait à cette musique par des émois, des élans, des sentiments, des pensées, des désirs...
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Ce qui attirait la jeune fille, c'était moins l'histoire proprement dite que le silence des bibliothèques, les volumes épais imprimés de caractères fins et serrés, les lunettes plaquées or, les thèses, les titres... Le professeur Una Otvo ! ça faisait bien...
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Il faudrait commencer par la culture ! s'emporta le musicien. Quelqu'un qui aime la peinture, la musique classique, la beauté, la poésie, ne se comportera jamais comme du bétail. Ce ne sont pas des brasseries qu'il faut construire, mais des écoles de musique, des salles de concert, des bibliothèques !
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Elle s'était demandée, le coeur battant si elle aurait pu agir comme ce vaillant garçon. Peut-être que seul, le début coûtait le premier pas ? Mais qu'après venait ce sentiment délicieux du devoir accompli, la gloire du héros, les égards des camarades et même des maîtres. Elle s'imaginait en plein meeting assise à la table de la présidence ou à la rigueur près du drapeau.
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