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Minh Nguyen-Mordvinoff (Traducteur)
EAN : 9782070404056
256 pages
Gallimard (03/02/1998)
3.82/5   74 notes
Résumé :
" Sans même lui dire au revoir, ni lui faire un signe de la main, je montai dans le wagon.
J'entendis sa voix crier quelque chose dans mon dos -" quand se revoit-on ? "- Mais les portes se refermèrent avant qu'elle ait pu terminer sa phrase.
Alors que le train s'ébranlait lentement, j'éprouvai une joie cruelle en me retournant vers la fenêtre : Mitsu, la bouche ouverte, incrédule, trottait le long du quai, une main à moitié levée en l'air...
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A lire le titre, je me suis senti légèrement piteux, et c'était même moins une lettre…Parce que, vraiment, si tu cherches bien mon grand, n'as-tu jamais de ta vie laissé tomber une gentille fille ? Hein ? Donc, c'est avec un léger sentiment de culpabilité que j'entamai la lecture de ce roman, histoire de lire, enfin, le célèbre et original Shûsaku Endô. Original parce que de confession chrétienne, ce qui au Japon est une rareté. S'il a largement exploité ce thème dans ses romans les plus connus, Silence, et le Fleuve sacré, La Fille que j'ai abandonnée, qui au départ ne semble pas aborder cette thématique, va finalement y venir puissamment.

L'histoire se déroule au sortir de la seconde guerre mondiale, pour l'essentiel dans l'agglomération de Tokyo. Le Japon vaincu est occupé par l'armée américaine, l'économie est exsangue, beaucoup de gens sont miséreux. Yoshioka est un étudiant qui vit en co-location avec un ami dans un logement miteux qu'ils ne font rien pour rendre propre. Outre leur rêve d'ascension sociale, ils ne pensent qu'à découvrir les filles. Yoshioka va passer une petite annonce (papier bien sûr, avant l'ère des sites web de rencontres !). Ce profil d'étudiant est valorisant, et va attirer la petite ouvrière Mitsu. Elle est plutôt laide, laborieuse, d'une générosité désarmante (elle ne peut s'empêcher de donner le peu qu'elle gagne aux pauvres et aux faibles), trop aux yeux de Yoshioka qui la trouve idiote de sensiblerie et n'a pensé qu'à une rencontre unique pour profiter d'elle sexuellement (bon, un one-shot, quoi !). Mitsu a le coup de foudre, lui fait son affaire, mal et à la va-vite, non sans avoir remarqué que Mitsu a une curieuse tache rouge au bras. le jeune homme disparaît ensuite sans plus penser à cette souillon. Il trouve un bon boulot, y noue une idylle avec Mariko, la fille du patron, dont il découvre rapidement qu'elle travaillait à l'usine avec Mitsu à l'époque de leur rencontre. Yoshioka éprouve peu à peu un vague sentiment de culpabilité à l'égard de Mitsu. Qu'est-elle devenue ? Il va tenter de la retrouver. S'il y parvient assez vite, elle qui l'aime toujours est anéantie : elle se pense gravement malade…et si le destin de Yoshioka va poursuivre sa linéarité, devenu jeune cadre dynamique, il épousera Mariko, celui de Mitsu, qui donnera encore tout son coeur pour les faibles, va se retourner à plusieurs reprises et de manière inattendue.

J'ai trouvé ce roman assez bouleversant. Il témoigne de la misère, et des épidémies qu'un pays peut connaître lorsqu'il est détruit par la guerre. La pauvre Mitsu est une fille pleine de naïveté, qui se dévoue pour les autres en s'oubliant, en se privant de tout, et le sort s'acharne sur elle. Elle est une invisible, qui a renié sa famille, voudrait aimer la terre entière quand elle ne reçoit d'amour de personne. On a envie de crier à l'injustice. Yoshioka et elle se partagent le statut de « tête d'affiche », mais souvent dans leurs vies parallèles, eux qui n'ont pas la même destinée sociale. Un très bon roman, souvent émouvant, jamais larmoyant, duquel, des deux personnages aux caractères plus complexes qu'il n'y paraît, s'impose en majesté la figure de Sainte Mitsu.

Ce roman se lit avec plaisir, le style est agréable. Il m'a paru assez occidental, et moderne. Point de folklore ici, c'est une histoire universelle. Car ce qui m'a touché ici, c'est le rejet de l'autre, l'exclusion parce qu'on est pauvre, moche, gros, handicapé, malade, ou étranger, bref, un sujet qui est et sera toujours d'actualité dans tous les pays du monde (et qui malheureusement se décline aujourd'hui en d'autres fractures de toutes sortes). Ce rejet de la différence commence à l'enfance, et provoque des souffrances indélébiles. Et puis évidemment cette terrible fatalité, ce traître destin qui peut nous faucher demain au coin de la rue, et qui fait douter de Dieu lorsqu'il frappe d'abord les Justes. Je ne suis pas croyant, et pourtant, le message de l'auteur, dont la foi déborde du livre, m'a d'abord touché par son humanité.
On pourra éventuellement s'étonner que le romancier ait lancé des pistes d'inflexion du scénario sans finalement les exploiter, inexplicablement. Par exemple, Yoshioka sortant avec Mariko, ne peut s'empêcher d'aller une fois aux prostituées, se fait surprendre par un collègue, qui commence à lui faire du chantage...Yoshioka pense comme nous avec angoisse que Mariko va l'apprendre, et puis finalement non, tout s'arrête. Et je pense encore à deux points précis, assez cruciaux, mais que je ne citerai pas, de peur de trop en dire !

Un dernier point important : l'auteur a écrit ce livre en 1964, et au soir de sa vie, trente ans plus tard, il signe une postface dans laquelle il dit s'être inspiré de l'histoire vraie d'une femme pour le personnage de Mitsu. Il affirme également : "Dans La fille que j'ai abandonnée, j'ai tenté d'esquisser un parallèle entre Mitsu et Jésus, abandonné lui aussi, par ses disciples d'abord, et par nous tous ensuite, dans notre vie quotidienne. Mitsu n'a pas cessé, depuis, de revivre en moi."
Il faut aussi avoir en tête que l'auteur a été de santé fragile durant toute sa vie. Atteint de tuberculose, il a beaucoup tiré de son expérience personnelle pour écrire sur la maladie et les hôpitaux.

L'oeuvre de Shûsaku Endô est assez restreinte en quantité, mais apparemment elle n'est faite que de grands livres. De quoi poursuivre la découverte de cette voix à part, mais d'une portée immense dans la littérature japonaise.
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Yoshioka, jeune étudiant paumé a 2 objectifs : l'argent et les filles. Sans réels sentiments et seulement le besoin d'assouvir son désir, il décide de séduire une jeune fille simple, Mitsu. Après avoir eu ce qu'il voulait obtenir, il abandonne Mitsu qui s'est totalement épris de lui et l'oublie pour se consacrer à la réussite de sa vie.
Un roman bouleversant sur une courte rencontre, entre ces deux jeunes gens raconté de chacun des côtés, qui laissa tout de même une trace indélébile dans leur vie. D'autres sujets sont abordés dans l'histoire, je vous laisse les découvrir...
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Avec ce roman, J'ai le souvenir du japon sordide de l'après-guerre où se rencontrent un jeune homme un peu perdu et une jeune fille de la province venue à Tokyo dans l'espoir de jours meilleurs. La première nuit passée ensemble, il la laissera tomber, mais pris de remords, il finira par la retrouver, atteinte de la lèpre...
Livre d'une grande justesse de sentiments ayant pour cadre cette période où le pays est complètement exsangue.
Sortez vos mouchoirs !
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Dès les premières pages, le mot est lancé. Mitsu, la fille abandonnée est une sainte ! Celui qui la considère ainsi c'est Yoshioka, qui lui n'est pas un ange loin de là. C'est l'archétype du macho, cynique, salop avec les femmes et qui est bien décidé à jouir sans entraves. Comment vas évoluer cet homme pour prêter de si fortes pensées envers cette fille qu'il avait abandonnée comme on abandonne un chien au bord d'une route ?
Encore une fois Sûsaku Endô maîtrise le sujet. Il commence doucement, on croit lire une historiette sans grande envergure et puis c'est un crescendo d'intensités qui nous fait sentir que l'on est en train de lire un roman bien plus ambitieux que se qu'il laissait paraître au début. C'est une des caractéristiques de l'auteur. Comme dans là plupart de ses romans il y à une référence au christianisme. Dans celui ci, elle vient assez tardivement même si on l'à sent venir dans le personnage de Mitsu, sorte de Marie de Magdala extrême oriental, pécheresse et sainte à la fois, une dualité que l'on retrouve dans les deux personnages principaux.
L'égoïsme contre l'altruisme qui gagne à la fin ? La encore rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir...
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Dans le Japon des années 60, Yoshioka est étudiant et a deux priorités dans la vie : "Du fric et des Nanas". le premier n'est pas facile à gagner et les secondes sont difficiles à séduire. En effet, Yoshioka est atteint d'une légère infirmité qui le rend mal à l'aise. Un jour, il parvient à convaincre une jeune fille crédule, Mitsu, de lui offrir sa virginité. Naïve, elle se laisse convaincre par les mots d'amour maladroits du jeune homme mais surtout par son aspect miséreux et son infirmité. Ainsi, par compassion ou par pitié, elle se donne à lui pour une nuit.
Froidement, il la repousse ensuite mais le souvenir de la jeune paysanne le hante et il se sent coupable d'avoir abusé de sa gentillesse. Elle reste amoureuse de lui et vit en rêvant de le retrouver. Et puis un jour, les médecins diagnostiquent la lèpre à la jeune fille et elle est envoyée dans un hôpital spécialisé.

Avis personnel
J'ai lu ce livre très rapidement, 2 ou 3 jours. J'ai tout aimé. Il ne s'agit pas d'un roman à l'eau de rose comme on pourrait le penser au premier abord mais d'un roman d'initiation. Mitsu trouve sa voie au fil de ses expériences pendant que Yoshioka, lui, reste malgré tout mauvais.
Les chapitres alternent les points de vue de Yoshioka et de Mitsu, le début du récit est surtout consacré au point de vue de l'étudiant et la seconde partie à celui de la jeune fille. Les rapports de force s'inversent à mesure que les personnages se découvrent.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je m'assis sur le tatami et enfilai mes chaussettes humides, puis ma chemise. Cela m'exaspérait de parler avec Mitsu. Si j'avais pu, je serais parti tout seul respirer l'air frais sous la pluie.
"C'est la dernière fois que je couche avec elle ! Une fois ça suffit."
Trente minutes plus tard, nous nous séparions à la gare de Shibuya. Elle essaya de m'égayer et de rompre le silence dans lequel je m'étais enfermé, et me suivis comme un petit chien jusque sur le quai pour attendre le train pour Yoyogi, où j'avais un changement. Mais je ne desserai pas les lèvres. Je n'avais pourtant pas de raison particulière de haïr cette fille, une fois mon désir assouvi, mais je ne pouvais supporter de passer une seconde de plus avec cette midinette.
Une voix dans le haut-parleur demanda aux voyageurs de se placer derrière la ligne blanche, puis le train bondé entra lentement en gare. Les portes s'ouvrirent juste devant moi.
Sans même lui dire au revoir, ni lui faire un signe de la main, je montai dans le wagon.
"Oh..."
J'entendis sa voix crier quelque chose dans mon dos.
"...Quand se revoit-on...?"
Mais les portes se refermèrent avant qu'elle ait pu terminer sa phrase. "Qui voudrait te revoir ? Tu m'es complètement étrangère maintenant, au même titre que les gens dans le compartiment qui me bousculent ou me marchent sur les pieds."
Alors que le train s'ébranlait lentement, j'éprouvai une joie cruelle en me retournant vers la fenêtre. Mitsu, la bouche ouverte, incrédule, trottait le long du quai, une main à moitié levée en l'air. Elle courut le long du wagon jusqu'à ce qu'elle m'eût perdu de vue. Bientôt son visage encadré de deux tresses, son nez épaté se rapetissèrent et ses yeux de chien battu disparurent dans le lointain. La tête appuyée contre la fenêtre, en écoutant le bruit cadencé du train, la chanson que la danseuse fredonnait, me revint brusquement en mémoire.

La fille que j'ai abandonnée
Est-elle encore en vie ?
Que fait-elle ?
Je n'en sais rien, et pourtant...
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C'était la première fois qu'on lui parlait de la sorte et même si elle n'avait pas entièrement compris, elle était toujours prête à tendre la main aux malheureux pour les décharger de leurs souffrances. Aussi en entendant la religieuse lui décrire l'accueil chaleureux des autres patients, la joie lui fit monter les larmes aux yeux et elle se détesta pour les avoir rejetés et s'être effrayée de leur apparence rebutante. Leur infortune lui apparut brusquement si intolérable qu'elle en oublia sa propre détresse et, après avoir posé son ouvrage sur ses genoux, elle demanda :
"Si ces gens sont bons, pourquoi doivent-ils souffrir ?
- Je sais", répondit la soeur en regardant la jeune fille droit dans les yeux. "Les nuits où je ne peux pas dormir, j'y pense. Dans ce monde, plus le coeur des hommes est bon, plus ceux-ci connaissent la misère, la maladie. Dans quel but Dieu nous met-il ainsi à l'épreuve ? Je médite beaucoup sur ce sujet. Vous seriez surprise par le grand nombre de malades ici, dont l'âme est pure. Avant de venir ici, ils n'avaient pas commis le moindre mal. Alors pourquoi sont-ils les seuls à être atteints, lâchés par leur famille et condamnés à pleurer toutes les larmes de leur corps ? Dans ces moments-là, j'en viens mêmes jusqu'à douter de l'existence du Dieu en qui je crois. Et puis je change d'avis : cette souffrance a certainement une signification !
- Vraiment ?"
Mitsu poussa un gros soupir, un oeil distrait posé sur la fenêtre mouchetée par les rayons de soleil. Elle repensait à sa vie. Jusqu'à présent, elle n'avait jamais fait de mal à personne ; lorsque son père était venu avec sa nouvelle femme à la maison, elle était partie à Tokyo, afin de ne gêner personne. Puis à la fabrique, elle avait travaillé de son mieux. Et en dépit de son amour pour Yoshioka, elle l'avait quitté, malgré son chagrin, pour ne pas l'encombrer. Et pourtant cette horrible maladie s'était emparée d'elle. Elle avait tout perdu et maintenant soeur Yamagata lui disait qu'il y avait un sens à tout cela !
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A cet instant, une petite ombre se dessina près de la porte du café. C'était Mitsu, un parapluie à moitié cassé à la main, l'air hébété. Avec ses cheveux et son visage mouillé, on aurait dit un chat abandonné sous la pluie. Elle ne portait pas d'imperméable et avait aux pieds des socques. Elle était comme par le passé coiffée avec des nattes.
Son regard me revint à la mémoire. C'était le même que sur le quai en gare de Shibuya, au moment de la fermeture des portes, lorsqu'elle avait couru à petites foulées, en me cherchant des yeux, désespérément.
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En arrivant près du magasin Saegusa, son regard changea subitement de direction et elle pressa le pas en passant devant la vitrine. Mais ce cardigan doux comme de la ouate, auquel elle avait renoncé après l'avoir tant désiré, lui resterait à jamais gravé dans la mémoire.
"C'est comme ça, on n'y peut rien."
Mitsu connaissait la résignation depuis l'enfance, elle n'était pas du genre à se rebeller contre la destinée, mais plutôt à l'accepter.
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Quoi qu'il en fût, plus je pensais à Mariko, plus la relation d'un soir, nouée avec Mitsu, me semblait lointaine et stérile. C'était comme si elle n'avait jamais existé. Ce que j'ignorais pourtant, c'est que quels que soient les liens qu'on noue avec les autres, ils ne disparaissent pas comme neige au soleil. Même si on essaye d'oublier à tout prix des êtres qu'on a connus, leur souvenir ne peut s'effacer complètement et laisse toujours une empreinte dans le tréfonds de notre âme.
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Video de Shûsaku Endô (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Shûsaku Endô
Silence (film, 2016), réalisé par Martin Scorsese, d'après Silence de Shūsaku Endō, avec Liam Neeson, Andrew Garfield. Bande annonce.
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