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Critique de Sourisetdeslivres


On commence par un prologue se déroulant en 1977 puis on bascule en 2013. La mère de Julia lui a laissé une lettre chez le notaire. Dans la missive, elle lui confie ses regrets, sa maladie, tout son amour et sa fierté de mère, mais surtout ses souhaits qui concernent son père avec qui elle est en froid et son avenir.
Elle se doit d'honorer ses voeux à titre posthume, mais se rapprocher de son père et lui pardonner lui semble insurmontable.
En l'espace de six semaines, notre héroïne a perdu son travail, sa mère ; son point de repère.
Sa raison de vivre. Son ancrage.
Tu fais la connaissance avec une Julia complètement anéantie, pétrie de doute.
Elle est perdue et ne sait plus du tout quelle route emprunter.
Elle va devoir s'armer de courage et comprendre concrètement que signifient ses racines

Elle part donc en Touraine, mais à contrecoeur.
Cressigny est un havre de paix, mais un village où chaque rue rappelle le passé.
Cressigny, petite bourgade encerclée par les forêts et les secrets.

Julia va marcher sur les pas de ses ancêtres.
Les souvenirs d'enfance refont surface tout comme les rancoeurs accumulées.

Tout perdre c'est avoir l'occasion de recommencer en mieux. La vie est pleine de possibles. Il suffit de retrousser ses manches et avancer. Prendre le tournant au bon moment.
La voix posée de Marcel vient te le chuchoter à l'oreille « nous sommes à la lumière de nos jours. »
Est ce que tu es prête à avancer vers cette lumière ?
Le plus beau, le plus abouti, le plus sombre et le plus flamboyant des romans de Clarisse Sabard.
Elle aurait pu totalement me tenir en haleine encore durant 200 pages de plus.
C'est une fresque familiale magnifique autant au présent qu'au passé.
J'ai aimé les 2 temporalités. J'ai aimé chacune des femmes.
Chacun des personnages.
J'ai vibré et j'ai pleuré.

Des secrets, des non-dits, des rebondissements et des révélations, des inimitiés anciennes toujours très vivaces.
Entre la vie parisienne et la Touraine
Les commérages des petits villages et l'anonymat de Paris

Des femmes passionnées des rêves plein la tête.
Des femmes fortes qui ont décidé d'affronter leur destin pour guérir leur blessure
Les conséquences de la Première Guerre,
Des femmes qui tirent leurs hommes vers le haut que cela soit au retour de la guerre ou plus tard
Des femmes qui ne veulent pas dépendre d'un homme
Des femmes qui n'ont guère de choix pourtant à cause des conventions de l'époque. Les carcans qui ne leur permettaient pas totalement d'être libre sauf si elles le décidaient, mais elles pouvaient alors se mettre à dos leur famille voir le village
Tu rencontreras aussi des hommes qui ont tout perdu, vu des atrocités, ils sont pour certains d'entre eux rentrés mutilés
La culpabilité que Julia traîne, elle se sent responsable du décès de sa mère. Une culpabilité qui l'empêche d'avancer.

J'ai ressenti l'odeur si caractéristique des champs prêts pour le labour, l'odeur de la terre, du foin, des blés fraîchement coupés.
Je me suis imaginé chacun des intervenants. Pour moi, ils étaient réels.

Gaspard et ses plaisanteries, sa mine joviale.
Charlaine et son autorité, son franc-parler et sa bonté à qui sait la percevoir
Marie-Rose fantasque et insouciante
Octavie et sa désapprobation polie, sa gouaille.
Le père de Julia, un vieil ours solitaire n'a pas fini de te surprendre, il est fait de multiples facettes.
Un homme qui m'a bouleversé.
Eugénie, l'arrière-grand-mère de Julia et sa détermination
Armand, le père de Marcel, un autre homme qui m'a émue.
René le cousin d'Eugénie ou Théodore son oncle
Suzette, la fille de Marcel, la grand-mère de Julia qui a 92 ans dans le roman
Meline sa tante, Tania et Alex, Leo.

Si Paris oublie le petit peuple, ce n'est pas le cas de l'auteure qui leur laisse toute la place dans son roman.
Elle les met en avant d'une manière totalement sincère.
On sent son attachement aux petites gens comme on dit (que je n'aime pas ce terme !)
Les grèves et les licenciements massifs qui s'en sont suivis dans les années 20.
Les apaches, je n'avais jamais entendu parler d'eux
La zone, une vaste friche insalubre, loin de toute commodité, pourtant tous s'organisent pour gagner quelques sous.

J'ai découvert surtout les chiffonniers.
Je connais ceux qui passent en journée en camionnette, mais pas du tout cette profession des années 20.
Les ravageurs et les tafouilleux qui s'occupent des déchets charriés par les cours d'eau
Les biffins eux collectaient ce qu'ils pouvaient sur la voie publique : chiffons, papier, etc. ensuite revendus ou réassemblés en nouveaux objets, cousus pour en faire un vêtement qu'ils vendent ensuite.
Les laissés pour compte, les soldats rentrés mutilés de la guerre ou ceux chassés de chez eux pour les grandes constructions de la capitale où parce qu'il n'y avait pas de travail pour un soldat rentré blessé.

Clarisse Sabard aborde les ravages des deux conflits, mais pas ceux que tu lis habituellement.
Je ne peux pas te dire sur quels points de vue Clarisse oriente son récit sans te dévoiler une part des intrigues, mais sache que vraiment elle a mis à l'honneur ceux que l'on avait oubliés.

Belleville, Ménilmontant. La guinguette du pont de la vallée le dimanche jusqu'à la fête du 14 juillet au village j'ai tout vécu intensément.
Le Luna Park, le jardin du Luxembourg ou des tuileries, les bouquinistes des quais de la Seine, les hommes-sandwichs. La ville, lieu brutal fait de fausses promesses, le profit au lieu de l'humain, les hommes-orchestres, montreurs d'ours et avaleur de sabre.
Je revois grâce à ce roman, la ferme de mes grands-parents, les garennes de lapins, ma grand-mère à la laiterie avec sa blouse à fleurs, son cache-poussière comme elle disait.

Dans ce roman, on parle du poids des secrets ; de savoir se pardonner les erreurs du passé.
Un passé qui ne dessert jamais ses griffes.
Clarisse Sabard te rappelle aussi que les racines finissent toujours par se rappeler à nous.
Comment un arbre pourrait-il pousser sans racines ?
Nous aussi avons besoin de savoir d'où l'on vient pour mieux avancer,

La famille de Julia comporte pas mal de zones d'ombres.
Tu en verras certaines poindre ; d'autres, pas du tout.
Une m'a complètement broyé le coeur.

C'est un roman plus sombre, plus abouti que les précédents. Plus sombre, mais aussi très lumineux, porteur d'espoir. La somme des recherches effectuées doit être conséquente, car tu es vraiment complètement immergé dans les époques que tu traverses.
Paris comme la Touraine dans les années 20, les années de l'après-Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui en 2013.

Elle aborde des thèmes contemporains qui m'ont ému, je ne te dis pas lesquels, mais ils sont très importants. L'intrigue qui commence au tout début va te trotter en tête un moment.
J'ai aussi apprécié qu'il y ait un avant/après dans le récit avec un fait que je ne peux pas te révéler qui clôture une époque, Clarisse Sabard change alors sa façon de narrer et c'est complètement en adéquation avec l'intrigue.
J'ai adoré c'est plus sombre, mais en même temps tellement lumineux. Les leçons de vie, de courage sont magnifiques.

J'ai aimé chacune des femmes du livre.
Un roman fort et tellement riche en information en ne perdant pas l'émotion, l'essence même du récit.
J'ai tellement aimé le Paris des années 20, on dirait que l'auteure y a vécu tellement c'est précis.
Les émotions et réactions, je les ai reconnues quand j'en avais vécu des similaires. Je les ai prises de plein fouet quand je ne les ai pas vues arriver.
La seconde partie bascule dans quelque chose de plus noir. J'ai aimé que le procédé d'écriture colle au temps, tout comme le vocabulaire.

Un roman abouti. Réfléchi. Habilement construit, car la première pièce de puzzle qu'elle te donne ; tu ne pourras la déposer qu'à la fin et ainsi comprendre combien tout était lié ; combien cette fresque familiale est belle ! Enfin, j'ai aimé la justesse des sentiments. La pudeur. On ne bascule à aucun moment dans le pathétique.
Lien : https://unesourisetdeslivres..
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