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Critique de SophieChalandre


C'est bien d'une esquisse d'éthique qu'il s'agit. D'une proposition d'éthique de vie par la résistance qu'Ernesto Sabato, préoccupé par le destin social dans ses essais comme dans ses romans, offre aux lecteurs sous la forme de cinq lettres et un épilogue, telle une sortie de scène d'un écrivain humaniste engagé et inquiet du monde qu'il laisse aux vivants avant de s'en retirer pour toujours, monde qui depuis le début du 20ème siècle pourrait se renommer "âge des catastrophes".
Il n'y a pas de "c'était mieux avant" avec Sabato, il compare entre passé et présent ce qui n'a pas progressé ou a dangereusement dérivé. Cette analyse lui permet de détecter des tendances menaçantes pour le destin de l'humanité auquel il propose de résister : surpopulation, globalisation, massification, marchandisation, standardisation des désirs, hyper individualisation, abêtissement, solitude existentielle, sujétion, vide spirituel, indifférence métaphysique. Bref : un nihilisme en accélération.
Ce que Sabato regarde dans le passé, c'est la part grecque qui a participé à la fondation des valeurs de l'Occident, tout ce qui constituait l'éthique de la "vergogne" s'opposant au pire des défauts pour les grecs : l'hubris. Ainsi; il appelle à refonder l'humanisme et ses valeurs communautaires de camaraderie, d'empathie et de solidarité pour donner une chance éthique au genre humain, en misant sur la culture et l'éducation à la façon d'un José Marti qui prônait la liberté par la connaissance, replaçant les valeurs de l'esprit et l'homme au centre de tout.
Au fond, Sabato reprend le constat des philosophes de l'École de Francfort : le mythe du Progrès constant initié au siècle des Lumières n'est plus au service de l'homme mais de son asservissement voire de sa destruction.

Cet essai rédigé comme une mise en garde est aussi un témoignage de son temps. S'il doute du destin de l'homme, l'auteur garde un espoir d'avenir pour l'humanité.
Si son optimisme est admirable et touchant, Sabato semble avoir oublié selon moi que la post-humanité n'est pas ce qui nous menace demain : elle a déjà eu lieu. Dès 1933, les foules post-humaines étaient déjà là, bras tendus, magnifique prélude à la massification de l'obéissance et à la mise en oeuvre de l'apocalypse, ce nouvel âge ourlé de cendres. Plus jamais nous ne serons protégés d'être humains, plus jamais nous ne serons sacrés. "L'impossible ne peut pas être vu car il n'existe pas. Moi j'ai vu l'impossible" a dit mon grand-père déporté. de cela, l'humanité ne se remettra jamais.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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