Citations sur Éden (135)
Que savons-nous des êtres qui sont partis ? Que savons-vous de leurs pensées, de leurs peines ? Peut-être volent-elles vers nous, cherchant à nous atteindre ? Peut-être sont-ils juste là, à côté de nous. Ils nous parlent, ils approchent leurs visages, ils nous enlacent, et peut-être prononçons-nous les mots que nous n'avons pas osé leur dire, que nous tenons prisonniers dans nos coeurs mais qui la nuit nous échappent, se déversant dans leur coeur. Peut-être la nuit est-elle traversée de nos émotions les plus secrètes, qu'elles se percutent, qu'elles s'embrassent. Peut-être que notre courage, nos espoirs, nos fois absurdes, proviennent des phrases que l'on nous a murmurées dans l'obscurité, de cette douceur dont il ne reste, au matin, qu'une pulsation, juste une envie de vivre.
"Les filles riaient en passant des sticks de baume sur leurs lèvres ou mettaient leurs mains en visière pour regarder dans le lointain des explosions mystérieuses qui illumineraient l'horizon de lueurs roses synthétique"
Pour la plupart des blancs, notre existence est insupportable . Nous sommes leur miroir, ils ne peuvent pas nous regarder. Cela voudrait dire regarder en face les atrocités qu'ils ont commises, ils s'autodétruiraient.
La vie est violente, nous sommes des proies ou des prédateurs, ou plutôt, nous sommes les deux à la fois, chacun notre tour.
Peut-être qu'on ne peut pas tous voir l'autre monde, celui qui est caché. Peut-être qu'il faut être ouvert, avoir un coeur pur.
Je sentais son poids sur mon bassin, et son jean, qui frottait contre mon short. C'était une pulsation, une vague. J'étais une plage, sur laquelle déferlait la marée.
L’esprit de la forêt était là, juste derrière le drap qui remuait dans l’air, tel un rideau ouvrant sur un autre monde. Il était là, entre le drap et le bois noir, avec une cape, un manteau végétal, ou des ailes de plumes soyeuses
Nos vies se déroulent, en apparence hasardeuses, chaotiques ou monotones, nous sommes penchés sur un ouvrage, nous brodons un coussin blanc, des jours, des semaines, une existence entière, une répétition morne et dénuée de sens, mais soudain, alors que nous n'en avons aucune conscience, absorbés par le point de croix, apparaît un motif à celui qui regarde, une tête de cheval, un village sous la neige, une femme nue.
Je déposai la carte sur la table de nuit. Elle suivit mes gestes, mais ses yeux étaient dénués d'expression. Puis elle se tourna sur le côté, les cheveux éparpillés sur l'oreiller.
Je m'assis sur le rebord du lit, et me mit à pleurer.
Un après-midi d’avril, j’étais entrée dans la forêt, là où j’avais vu Lucy s’engouffrer à plusieurs reprises. Je pénétrai dans une pénombre fraîche et odorante, avec la sensation d’entrer à l’intérieur même de ma mémoire. Des flaques de neige s’étendaient çà et là, constellées de traces minuscules. Je nous revoyais, mon père et moi, agenouillés, si près de la neige que nous pouvions l’entendre crépiter. Nous observions les empreintes des animaux, des lignes en pointillé révélant la trajectoire d’un oiseau sautillant, d’un lièvre ou d’un daim, et il était merveilleux d’imaginer qu’à cet endroit où ne régnait désormais qu’une immobilité silencieuse il y avait eu une autre vie, sauvage, et que peut-être, à cet instant, des bêtes braquaient leurs yeux opaques sur nous, qu’elles étaient là, dans les feuillages.