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Stéphanie Capitolin (Traducteur)Sidonie Van Den Dries (Traducteur)
EAN : 9782878270785
227 pages
Rackham (01/02/2004)
4.39/5   96 notes
Résumé :
Le calvaire des habitants de Gorazde, enclave musulmane en plein territoire serbe, raconté à travers le temoignage direct de ses habitants que Joe Sacco a recueilli tout au long de quatre voyages - en 1995 et 1996 - dans cette région martyrisée par la guerre de Bosnie. Après Palestine, une autre magistrale leçon de journalisme et de bande dessinée.
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Pendant le conflit bosniaque, les médias occidentaux évoquaient surtout Sarajevo. Mais en 1992, la ville de Goražde était aussi à feu et à sang : les Serbes tentaient d'en chasser les Musulmans (incendiant leurs maisons et les massacrant), alors qu'ils cohabitaient paisiblement jusqu'alors.

En 1995, le journaliste-auteur de BD Joe Sacco s'est rendu dans cette ville encore enclavée, où les combats avaient cessé mais dont les habitants ne pouvaient sortir. Hébergé chez des Musulmans, proche d'eux, partageant leur quotidien, Sacco a constaté l'ampleur des dégâts humains et matériels, recueilli des témoignages.

Beaucoup de texte dans cet album, dont le graphisme est dense et lourd. le sujet est de surcroît particulièrement ardu, a fortiori si l'on n'en connaît pas grand chose/rien. Malgré tout, l'auteur parvient à présenter clairement la situation et les faits, avec quelques chiffres, quelques rappels politico-historiques, et beaucoup de témoignages. Des paroles douloureuses et bouleversantes : la plupart ont perdu des proches, tués sous leurs yeux... le terme de "voisins" (parfois même "d'amis") revient souvent dans les propos des victimes, encore sous le choc d'avoir été trahis par des proches, pour des motifs ethniques et/ou religieux avivés par les pouvoirs en place...

Un document dur et instructif sur une population traumatisée, brisée, qui parvient néanmoins à retrouver la vie et l'espoir dans une ville détruite, rêvant de l'Occident - ou a minima de liberté - à travers la présence de ce journaliste américain.
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Joe Sacco a, depuis longtemps, fait des victimes des violences des guerres les sujets vivants de ses oeuvres documentaires. le côté documentaire est évident : Joe Sacco va à l'encontre des personnes qui ont connu ou connaissent encore la guerre, et montre le portrait terriblement humain de ces évènements qui brisent les vies et causent des traumatismes durables. Il s'agit cependant d'oeuvres à part entière, en cela que Joe Sacco met en scène un récit savamment construit que son trait sert à la perfection. C'est l'atout premier de cet auteur d'origine maltaise et américaine. Abolissant le cadre traditionnel de la case, Sacco a un dessin quasi photographique, extrêmement minutieux et précis qui se veut fidèle à la réalité et plonger ainsi le lecteur dans l'environnement de guerre. La Bosnie ravagée apparaît ici avec ses plaies béantes, ses maisons brûlées, son fleuve aussi, la Drina, qui charrie les morts. Les personnages sont aussi rendus avec une grande précision - sur certaines scènes, des dizaines de personnages personnalisés sont dessinés - mais c'est là, parfois, que Sacco s'autorise quelques mimiques cartoonesques, notamment pour rendre les émotions : la joie simple qu'autorisent les périodes de répit et de paix, les terreurs des hommes, des femmes et des enfants qui viennent de supporter les tirs des soldats ennemis.
Gorazde, c'est l'histoire d'une ville de Bosnie où vivaient autrefois des Bosniaques, donc musulmans, des Serbes (orthodoxes) et des Croates (catholiques). Joe Sacco y arrive en 1995 alors que le conflit yougoslave touche à peine à sa fin. Gorazde est une enclave bosniaque au milieu d'un territoire contrôlé par les Serbes. Ces derniers procèdent à un nettoyage ethnique en règle en Bosnie orientale, massacrant sans vergogne les populations musulmanes de Srebrenica et de Foca. La bande-dessinée retrace ainsi l'histoire d'une rupture fondamentale entre ces peuples qui parlent la même langue mais ne pratiquent pas la même religion. La rupture est sanglante : on égorge, on écorche, on étripe, on viole.
Sacco arrive en sa qualité de journaliste américain. Elément extérieur, il est la personnalisation de l'espoir et d'une Amérique idéalisée en tant que pourvoyeuse de culture populaire et possible sauveur de la Bosnie. A travers le regard d'Edin, un professeur qui lui sert d'interprète mais aussi de guide tant géographique qu'historique, Sacco retrace le passé terrifiant de ces gens livrés à eux-mêmes et offre le portrait d'une ville qui tente de vivre comme avant et de retrouver, surtout, le goût de la vie.
La lecture gagne en intensité dans la deuxième moitié du livre, quand Sacco s'intéresse davantage à l'histoire complexe de cette guerre. Il ressort de ce livre un sentiment de révolte - notamment contre l'ONU et l'OTAN, volontairement impuissants face aux Serbes - et de tristesse face à ce gâchis humain. Ici, point d'angélisme et point de manichéisme mais la complexité extraordinaire d'une situation que les explications de Sacco tentent de démêler. du moins est-il bon de se rappeler que ce grand massacre eut lieu il y a vingt ans à peine sur le sol européen : ce livre le fait avec brio.
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Des témoignages bouleversants, les rappels historiques nécessaires pour mieux appréhender le drame de la population civile musulmane en Bosnie orentale.
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La guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995) vient de prendre fin (accord de Dayton-Paris, 1995) lorsque Joe Sacco décide de s'y rendre pour ses reportages (1995-1996). Comme il le dit lui-même : "C'est ma rage contre cette guerre, plus proche du carnage que du combat entre armées, qui m'a incité à me rendre en Bosnie." Malgré la présence des casques bleus et celle de l'armée française, les populations qui peinent à se remettre des désastres causés par la guerre, vivent encore dans des conditions précaires et craignent pour leur avenir plus qu'incertain. L'enclave est alors toujours occupée par les serbes et l'accès à la ville est un véritable parcours du combattant pour le journaliste américain. Bloqué à Sarajevo, Joe Sacco est découragé mais il parvient à ses fins et découvre une ville sinistrée dans laquelle il fait contre toute attente, de belles rencontres. La venue d'un étranger à Gorazde par la Route bleue (route aménagée par l'ONU) ne manque pas d'intriguer les habitants qui y voient une occasion inespérée de communiquer avec "l'extérieur". C'est à Gorazde que Joe Sacco passera quelques-uns des meilleurs moments de sa vie en compagnie d'Edin, de Riki et des Vilaines...

De ces misères subies par les victimes de la guerre, nous en partageons les peurs et les angoisses avec effroi mais aussi avec pudeur. Comme dans toute guerre, on constate que les erreurs se reproduisent : des communautés qui vivaient jusqu'alors en harmonie se déchirent et s'entretuent du jour au lendemain pour des raisons qui leur échappent. Les témoins sont unanimes : avant la guerre, serbes, croates et bosniaques entretenaient des relations de bon voisinage (des relations normales pour le dire autrement). Mais la guerre et les conflits politiques ont changé à jamais leur vision des choses. Au moment où Joe Sacco enquête (3 missions entre 1995 et 1996), Gorazde est une enclave sous le contrôle des serbes. Malgré la présence des casques bleus et celle de l'armée française, les ravitaillements notamment ceux des organisations humanitaires, se font au compte-goutte. La fermeté du leader serbe Radovan Karadzic et celle du commandant militaire Radko Mladic face à l'ONU obligent l'OTAN à intervenir (cf. La guerre blanche ou encore L'offensive de 1994 rapportée par Edin). Sur le terrain, les gens meurent de faim. Les serbes de Gorazde ont pour beaucoup fui la ville. Les bosniaques et croates sont pourchassés, exécutés, c'est le nettoyage ethnique. Leurs maisons sont visées par les tirs d'obus, elles sont brûlées, pillées. Seul l'argent permet encore à certains d'échapper à leur triste destin. La faim, le froid et la misère qui règnent sur Gorazde, anéantissent tout espoir d'un avenir meilleur. Comparée à Sarajevo, Gorazde, ville de Province et enclave bosniaque, est oubliée... Gorazde permet à Joe Sacco de faire la lumière sur l'absurdité de ce conflit sanglant...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Enfin fini ce Gorazde ! C'est sans doute la première fois que j'ai gardé une BD pendant six mois sans la lire. Je ne sais pas vraiment la raison de cette attente, peut-être la taille du livre, ou le sujet qui m'effrayait un peu. La peur d'être déprimé aussi. Mais j'ai franchi le cap, et une fois commencé, je n'ai pas réussi à m'arrêter.

En terme de documentaire, ce récit est proprement époustouflant. J'ai très peu de connaissance sur la guerre en Bosnie, sauf ce que m'a expliqué une amie (en partie serbe) l'année dernière, et j'ai eu envie depuis d'en apprendre un peu plus sur cette guerre qui s'est déroulée si près de chez nous voila moins de vingt ans. La BD Gorazde me semblait un bon moyen de toucher d'un peu plus près la réalité du conflit.

Et quelle claque ! J'ai rarement vu un reportage en BD aussi bien mené, excusez du peu. C'est proprement hallucinant ! Sacco parviens à nous mêler pendant plus de 200 planches la vie des gens qu'il a rencontré à Gorazde, sa propre expérience des voyages qu'il y a mené et l'histoire générale de la guerre de Bosine. le tout mené avec un tel brio qu'on ne se rend pas compte qu'on a le droit à un reportage, des témoignages et un carnet de voyage. le tout mené par un graphisme excellent, bien que très particulier, qui rend à merveille les paysages, les têtes et surtout les ambiances.

Parce que cette BD nous plonge dans une ambiance ... Cruelle, noire et sombre. La guerre de Bosnie fut atroce, d'un côté comme de l'autre, mais pas que par les armes. Les drames psychologiques, les famines et les blessés, les privations, la pression sur l'enclave ... Tout est magnifiquement rendu, on s'y croirait tant que j'ai eu un soulagement énorme en voyant la paix annoncée, alors qu'elle est effective depuis quinze ans. C'est vous dire si j'étais dans le récit.

Gorazde est vraiment une BD sublime, j'ai été conquis lors de ma lecture par ses personnages humains, sa façon de mettre en scène et de raconter, le trait de Joe Sacco et le découpage en petits chapitre, tout est parfait. L'édition est en sus complété par des interviews et de superbes explications de l'auteur qui mettent en lumière certains choix du livre, que je trouve pertinent. Non, vraiment, je ne vois pas de défaut. La BD-reportage à son top niveau, c'est pour moi une réussite totale. Je donne la note maximale sans même réfléchir.
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critiques presse (1)
BDGest
13 décembre 2011
Un ouvrage didactique incontournable et un travail journalistique méticuleux qui mérite d’être salué !
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Dans mon quartier, il y avait des gardes armés, musulmans et serbes, ensemble. Tout était possible. Quelqu'un pouvait venir du dehors, de Visegrad, ou d'une autre partie de la ville et tuer mon voisin serbe. Et l'on penserait que c'était l'oeuvre d'un voisin musulman.
Ou bien quelqu'un viendrait tuer un Musulman, et les Musulmans penseraient que c'est un voisin serbe qui l'a fait. Il valait mieux patrouiller ensemble dans le quartier toute la nuit.
(p. 39)
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Pendant la guerre en Bosnie de 1992-1995, alors que les médias se focalisaient sur Sarajevo, les souffrances endurées par la population musulmane dans l'inaccessible partie Est du pays étaient largement méconnues.
Et pourtant, dans ces villes et ces villages de Bosnie orientale, les forces serbes se débarrassaient des Musulmans avec une sauvagerie ahurissante. Quand les Nations Unies se décidèrent à agir, elles déclarèrent zones de sécurité les territoires auxquels les Musulmans se cramponnaient. Encerclées et tourmentées par les Serbes de Bosnie, ces zones de sécurité devinrent les endroits les plus dangereux de Bosnie, et c'est dans ces mêmes zones, tandis que la communauté internationale tergiversait, puis se détournait, que la purification ethnique connut son paroxysme meurtrier. (préface de Joe Sacco, avril 2000)
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[témoignage d'un Musulman] :
- On a trouvé cinq corps dans trois maisons. On ne voulait pas croire que nos voisins avaient pu faire ça, incendier nos maisons, tuer des gens, les brûler.
- Tu es sûr que c'était vos voisins serbes ?
- Pour la plupart, c'est certain. Ils ont laissé un carnet dans un tas d'ordures, dans un ruisseau au-dessus de chez moi. Toute une liste de noms et de prénoms, et les armes qu'ils portaient. 59 d'entre eux étaient des voisins. Et je les connaissais tous.
(p. 91)
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- (...) l'un d'entre eux m'a dit qui avait brûlé ma maison. C'étaient nos voisins. Dado, trois ans de moins que moi... Et un autre appelé Acko, et son frère Miro. On jouait au foot ensemble. Le soir, on sortait, ou alors on passait la soirée ensemble dans notre rue.
- A ton avis, pourquoi ont-ils brûlé ta maison ?
- Je ne sais pas. J'aimerais le leur demander.
- Et que sont devenus ces prisonnier serbes ?
- Plus tard, ils on été transférés à Gorazde. Ils ont été exécutés. C'est sûr.
(p. 87)
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Aux premières élections libres en Bosnie en 1990, les résultats se sont répartis selon des lignes ethniques, conduisant au pouvoir trois partis nationalistes qui ont formé un gouvernement de coalition, tout en travaillant dans des buts différents. Le parti serbe (SDS) voulait que la Bosnie reste en Yougoslavie ; les partis croate (HDZ) et musulman (SDA) voulaient qu'elle s'en sépare. (p. 38)
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Videos de Joe Sacco (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Joe Sacco
La Petroleuse présente la bd BUT I LIKE IT (LE ROCK ET MOI) Joe Sacco (Futuropolis - 2018 - 138 p. 20 x 27 cm - Cartonné) Dispo/Available here: https://www.la-petroleuse.com/fr/bandes-dessinees/5166-livre-but-i-like-joe-sacco.html
"1988, Portland, Oregon. Joe va prendre l'avion. Son vieux pote depuis le lycée, Gerry, chanteur des Miracle Workers, lui a dit qu'il pourrait être de la tournée en Europe, s'il vient vendre des T-shirt les soirs de concert. Ce qui motive Joe, c'est plutôt de faire une BD au sujet de la tournée. Ça change des affiches qu'il dessine pour eux... Quand Joe rejoint le groupe, Gerry lui dit qu'en fait, il n'y aura pas de place dans le tour bus... Ça tombe mal, Joe a tout plaqué : préavis pour son job, remise des clés d'appartement. Et voilà son bizutage, c'était une blague !!! Il embarque finalement en compagnie du reste du line-up, Robert, Matt et Hutch. Direction Amsterdam. le vol est sans encombre, les mecs se bourrent la gueule à la bière. Cependant, le look rock-star torchée, ça ne passe pas trop bien à la douane hollandaise, qui embarque Matt à deux grammes cinq. Contrôle de passeport, pas de billet retour, 31 $ en poche..."
Audio: Miracle Workers (Love Has No Time) 1985
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