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EAN : 9782264000811
10-18 (09/09/1998)
3.62/5   52 notes
Résumé :
  Dans la nudité de Juliette, ainsi qu'en un vase de myrrhe, sont encloses toutes les femmes que l'histoire et la fiction livrent à nos étreintes magiques : Isabeau de Bavière, Béatrix Cenci, Catherine Howard, Luisa Sigea, la marquise de Merteuil, Pauline Borghèse... Plus haute que Sodome, plus haute que les jours, elle rend dérisoire la grâce des créatures à venir.
Juliette, sous l'arc des sèves stridentes, une jeune femme ivre, cambrée, d'un doigt de nacre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Juliette ou les prospérités du vice / Volume I /Marquis de Sade
Justine, et Juliette la narratrice alors âgée de treize ans, furent élevées au couvent de Panthemont, un lieu réputé pour abriter de belles filles libertines. Leur amie Euphrosine âgée de quinze ans et une religieuse du nom de Delbène furent les initiatrices des premiers principes d'une morale libertine qui les corrompit rapidement. Mme Delbène âgée de trente ans était d'une beauté stupéfiante. Entrée au cloître à l'âge de douze ans, elle était encore enfermée lorsque les passions commencèrent à travailler son corps.
La volupté étant, chez les femmes recluses, l'unique mobile de leur intimité, ce n'était pas la vertu qui les liait et dès l'âge de neuf ans elles avaient accoutumé leurs doigts à répondre aux désirs de leur tête. Et Mme Delbène d'enseigner à Juliette, qui vient d'arriver chez elle où se trouve déjà Euphrosine, toutes deux pratiquement nues par ce beau jour ensoleillé, que la pudeur, unique résultat des moeurs et de l'éducation, est une chimère. Certaines vertus n'ont d'autres berceau que l'oubli total des lois de la nature ajoute Mme Delbène, maîtresse tribade, qui invite alors Juliette à se déshabiller. On imagine la suite de ces caresses de femmes belles comme Vénus aux confins de la lubricité.
Avide de nouveauté et attirée par les hommes, Euphrosine disparaît alors que Juliette et Mme Delbène aspirent davantage à la félicité des plaisirs délicieux que les femmes se procurent entre elles. Au diable les conventions absurdes et les sots qui veulent s'y soumettre ! Au diable les exhortations de son entourage qui enjoignent à Juliette de s'éloigner de Mme Delbène. Il faut dire que la Supérieure a une conception de la morale très personnelle, basée sur la conscience, qui pour elle est une voix intérieure qui s'élève en nous à l'infraction d'une chose défendue, cette conscience n'étant l'ouvrage que du préjugé reçu par l'éducation, tant et si bien que ce que l'on interdit à l'enfant lui cause du remords dès qu'il l'enfreint, et qu'il conserve ce remords jusqu'à ce que le préjugé vaincu lui ai démontré qu'il n'y avait aucun mal réel dans la chose défendue ! Elle explique à Juliette en un long exposé que la véritable sagesse consiste à se livrer à ses vices avec précautions.
C'est alors que Mme Delbène organise une assemblée luxurieuse à six, quatre très jeunes nonnes âgées de treize à vingt ans venant rejoindre les deux comparses, pour une partie friponne et des plus libertines dont je passe les détails largement explicités dans le texte.
Après quoi, Mme Delbène se livre avec Juliette à un exposé sur la nature de Dieu et les longues digressions philosophiques se succèdent évoquant les croyances des uns et des autres et les religions, la conscience et la raison, la perception et la causalité, les rapports entre le corps et l'âme, la nature de l'âme si elle existe. Et de conclure que c'est sur un pareil tas d'absurdités conjecturales que l'on bâtit l'opinion merveilleuse de l'immortalité de l'âme !
« de toutes les religions établies parmi les hommes, il n'en est aucune qui puisse légitimement l'emporter sur l'autre ; pas une qui ne soit remplie de fables, de mensonges, de perversités, et qui n'offre à la fois les dangers les plus imminents, à côté des contradictions les plus palpables… Que de théologiens sont d'étranges raisonneurs ! Dès qu'ils ne peuvent deviner les causes naturelles des choses, ils inventent des causes surnaturelles, ils imaginent des esprits, des dieux, des causes occultes, des agents inexplicables…»
Et Mme Delbène d'entretenir longuement Juliette du néant de l'existence de Dieu et de celui du dogme de l'immortalité de l'âme.
Puis elle se livre à un plaidoyer philosophique contre la chasteté et pour l'adultère : il convient de se défaire de tous les préjugés sur le sujet des lubriques écarts !
« Nous allumâmes bientôt le feu des passions au flambeau de la philosophie… Il est aussi ridicule de dire que la chasteté est une vertu, qu'il serait de prétendre que c'en est une de se priver de nourriture…La chasteté n'est qu'une mode de convention dont la première origine ne fut qu'un raffinement du libertinage. »
Pour Delbène par ailleurs, une putain est une créature aimable, jeune, voluptueuse, qui sacrifiant sa réputation au bonheur des autres, mérite rien que par cela des éloges.
Et un autre plaidoyer contre le mariage suit avant que soit évoqué l'art de tromper son mari.
Plus tard, Delbène organise la défloration de la toute jeune Laurette et c'est Juliette, destinée à jouer le rôle de grand prêtre, qui est préposée au revêtement du membre postiche qui doit oeuvrer, aidée en cela d'une troupe de tribades délurées. Fait suite une bacchanale dînatoire des plus torrides.
La fête finie, l'infortune s'abat sur la famille de Juliette et de sa soeur Justine, si bien que Juliette et Justine doivent se séparer de Delbène et trouver de quoi survivre. Elles vont confier leur corps à Mme Duvergier, une maîtresse femme qui a des relations et organise de chaudes rencontres, entreprenant des choses que n'eussent jamais imitées ses compagnes, et qui faisaient à la fois frémir la nature et l'humanité. Et Mme Duvergier a parmi ses relations l'archevêque de Lyon qui a un penchant pour les petites de quinze ans mais dont, sectateur de Sodome, il use sans les déflorer au cas où. Juliette sera sa première victime et sera dévolue désormais à cette pratique de soumission avant de faire connaissance du couple Noirceuil dont le sinistre mari, un insigne libertin, a la terrible réputation d'homme « à tout faire » sous les yeux de sa femme, pauvre créature cruellement humiliée.
Avec un certain Dorval qui leur fait l'apologie du vol en considérant que les inégalités régnant dans le sociétés incitent au vol, Juliette et sa comparse Fatime se livre à des ébats visant à dévaliser les récipiendaires de caresses en tout genre.
« Si le fort a l'air de troubler l'ordre en volant celui qui est au dessous de lui, le faible le rétablit en volant ses supérieurs, et tous les deux servent la nature…La France n'était qu'un vaste repaire de voleurs sous le régime féodal… » ( !)
« Ce n'est pas le nécessaire qui rend riche, c'est le superflu ; on n'est riche, on n'est heureux que de ce superflu… » et mes vols me le donnent ajoute Dorval !! « Celui qui n'a que ce qu'il faut à ses besoins est pauvre. » conclut-il !
S'en suit un nouveau débat philosophique sur la vertu et le vice. Pour le narrateur, la vertu n'est dans l'homme que le second mouvement car il est incontestable que le premier qui existe en lui est l'envie de faire son bonheur au dépens de n'importe qui. En vérité, la vertu n'est que le résultat d'un asservissement à des lois qui varient de climat en climat et si le méchant respecte la vertu, c'est qu'elle lui sert. Ainsi si la vertu est jouissance, elle est vicieuse, car quelle différence d'émotion y a t il entre les plaisirs que donne la vertu et ceux procurés par le vice ?
Toujours au sujet de la vertu, il apparaît clairement qu'il y a danger à vouloir être vertueux dans un siècle corrompu et il vaut absolument mieux être vicieux avec tout le monde que d'être un honnête homme tout seul !
Juliette découvre que Noirceuil est encore plus monstrueux que ce qu'elle imaginait et ne l'aime que davantage si bien que Noirceuil lui offre le logis afin qu'elle règne sur la maison et soumette sa femme.
Mme Duvergier que Juliette vient consulter avant de rejoindre Noirceuil, lui donne quelques judicieux conseils et lui fait comprendre que les écarts les plus effrénés et les plus multipliés du libertinage, n'enlèvent rien à la délicatesse de l'amour. En règle générale, les lois doivent nous servir d'abri, jamais de frein : c'est la devise de Noirceuil qui donne des leçons de morale à Juliette à sa façon dans laquelle la débauche et le crime sont encensés. Et Juliette de répondre que plus de crimes Noiceuil dévoilera à ses yeux, plus d'encens il obtiendra de son coeur.
Accusée de vol dans des circonstances troubles, Juliette se retrouve en prison mais pas pour longtemps car Noirceuil a aussi le bras long et la faisant sortir compte bien lui rappeler à sa manière que la reconnaissance, c'est le sentiment du retour accordé à un bienfait. Il lui fait clairement comprendre que c'est pour lui seul qu'il agit en lui brisant ses liens, et non pas pour elle. Mais habilement, Noirceuil pour exprimer sa reconnaissance au ministre, conseille à Juliette d'en répandre les effets sur le ministre et non sur lui-même. Entièrement soumise, Juliette acquiesce. Riche à présent et voluptueusement installée dans son appartement, Juliette se jure que désormais ses égarements seront ses seuls dieux, ses uniques principes et ses lois.


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Malheureusement cet ouvrage, tout comme La Nouvelle Justine, n'est disponible que dans l'édition de la Pléiade. Il est pourtant extraordinaire. Sade est inexorablement et absolument libre. Il y a certes des longueurs (on distingue trois types de textes, comme souvent dans les romans de Sade : narration, dialogues philosophiques, scènes de coïts parfois très violentes), mais on est souvent surpris par l'imagination - qualité nécessaire à tout libertin - de l'auteur (ici une messe noire avec le pape ; là une exécution depuis le sommet du Vésuve ; ici une sorcière douée de pouvoirs presque magiques, capable de faire apparaître d'étranges personnages, des cadavres, et de prévoir l'avenir de Juliette et de Clairwil ; là un géant sanguinaire vivant dans un château isolé, relique des 120 Journées ; et une floppée d'intrigues criminelles expertement ficelées). Ce roman est unique. Qui d'autre écrivit de si sordides horreurs avec tant de poésie ? Un personnage est prêt à se "distiller en foutre".
Pour des raisons plus ou moins évidentes (il fut l'un des premiers à exhiber avec un art immense la part la plus immonde de l'homme), Sade est peut-être l'auteur du 18ème siècle qui demeure le plus moderne. Il ne faut tout de même pas oublier de se méfier, et surtout ne pas trop céder à l'admiration. Sade est encore dangereux, notamment par son relativisme qui peut être attrayant.
Mais il faut lire Juliette. Pour le style, pour le romanesque, pour les réflexions précieuses, très précieuses sur l'homme et la société. Et pour ses personnages. Pour la première fois chez Sade, les libertins semblent un tantinet plus fragiles, et sont presque attachants. Certes ils demeurent des hommes-machines, en ce qui concerne les libertins. Et que dire de Juliette ? Non seulement le personnage est intéressant, mais c'est surtout le personnage féminin le plus autonome, et le plus intelligent de la littérature du 18ème. Il donne son nom à l'oeuvre. Et pourtant, Sade n'était pas connu pour son féminisme.
Lisez-le. Vous serez surpris, horrifiés, fascinés et surtout, vous penserez.
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Noirceur de l'écrivain pour les uns, humour monstrueux pour les autres. le divin Marquis est au sommet dans cet ouvrage. A lire et surtout à relire. Pour le fun.
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C'est le contraire de Justine qui souffre du vice des autres en voulant défendre sa vertu. Ici Juliette utilise le vice pour arriver à ses fins et tout lui réussit! Comme souvent chez Sade, la morale n'est pas celle qu'on nous a apprise dans notre enfance...
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L'Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice fait suite à la publication un an auparavant de la Nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu, Justine étant la soeur de Juliette. La publication, sans nom d'auteur, de ces deux ouvrages a valu à leur auteur son arrestation sur ordre par Napoléon et son incarcération sans procès à l'asile de Charenton durant les treize dernières années de sa vie.

Alors que, dans les Malheurs de la vertu, Justine n'obtient que des injustices et des sévices répétés, Juliette est au contraire une nymphomane et criminelle amorale dont les entreprises lui valent le succès et le bonheur.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Les premiers principes de ma philosophie, Juliette, continua Mme Delbène, qui s’attachait plus particulièrement à moi depuis la perte d’Euphrosine, sont de braver l’opinion publique ; tu n’imagines pas à quel point, ma chère, je me moque de tout ce qu’on peut dire de moi. Et que peut faire au bonheur, je t’en prie, cette opinion de l’imbécile vulgaire ? Elle ne nous affecte qu’en raison de notre sensibilité ; mais si, à force de sagesse et de réflexion, nous sommes parvenues à émousser cette sensibilité au point de ne plus sentir ses effets, même dans les choses qui nous touchent le plus, il deviendra parfaitement impossible que l’opinion bonne ou mauvaise des autres puisse rien faire à notre félicité. Ce n’est qu’en nous seules que doit consister cette félicité ; elle ne dépend que de notre conscience, et peut-être encore un peu plus de nos opinions, sur lesquelles seules doivent être étayées les plus sûres inspirations de la conscience. Car la conscience, poursuivait cette femme remplie d’esprit, n’est pas une chose uniforme ; elle est presque toujours le résultat des mœurs et de l’influence des climats, puisqu’il est de fait que les Chinois, par exemple, ne répugnent nullement à des actions qui nous feraient frémir en France. Si donc cet organe flexible peut se prêter à des extrêmes, seulement en raison du degré de latitude, il est donc de la vraie sagesse d’adopter un milieu raisonnable entre des extravagances et des chimères, et de se faire des opinions compatibles à la fois aux penchants qu’on a reçus de la nature et aux lois du gouvernement qu’on habite ; et ces opinions doivent créer notre conscience. Voilà pourquoi l’on ne saurait travailler trop jeune à adopter la philosophie qu’on veut suivre, puisqu’elle seule forme notre conscience, et que c’est à notre conscience de régler toutes les actions de notre vie.
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La véritable sagesse, ma chère Juliette, ne consiste pas à réprimer ses vices, parce que les vices constituant presque l'unique bonheur de notre vie, ce serait devenir soi-même son bourreau que de les vouloir réprimer ;
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Le remords n'est donc, d'après cela, qu'une faiblesse pusillanime que nous devons vaincre, autant que cela peut dépendre de nous, par la réflexion, le raisonnement et l'habitude. Quel changement, d'ailleurs, le remords peut-il apporter à ce que l'on a fait ? Il n'en peut diminuer le mal, puisqu'il ne vient jamais qu’après l'action commise ; il empêche bien rarement de la commettre encore, et n'est donc par conséquent, bon à rien.
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On appelle conscience, ma chère Juliette, cette espèce de voix intérieure qui s'élève en nous à l'infraction d'une chose défendue, de quelque nature qu'elle puisse être ; définition bien simple, et qui fait voir du premier coup d’œil que cette conscience n'est l'ouvrage que du préjugé reçu par l'éducation, tellement que tout ce qu'on interdit à l'enfant lui cause des remords dès qu'il l'enfreint, et qu'il conserve ses remords jusqu'à ce que le préjugé vaincu lui ait démontré qu'il n'y avait aucun mal réel dans la chose défendue.
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Qu'est-ce que la raison ? C'est cette faculté qui m'est donnée par la nature de me déterminer pour tel objet et de fuir tel autre, en proportion de la dose de plaisir ou de peine reçue de ces objets
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Vidéo de Marquis de Sade
Grâce à un mécénat exceptionnel d'Emmanuel Boussard, la bibliothèque de l'Arsenal qui conserve les archives de la Bastille, a pu voir entrer dans ses collections le manuscrit autographe des 120 Journées de Sodome, exposé au musée de la BnF à partir de cet automne. Une journée d'étude interroge les différentes facettes de la figure du marquis Sade et revient sur l'histoire rocambolesque de cette oeuvre mythique, rédigée pendant sa captivité.
Plus d'informations : https://www.bnf.fr/fr/agenda/de-quoi-sade-est-il-le-nom-vers-leclipse-du-soleil-noir-le-rouleau-des-120-journees-dans-les
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