Citations sur Maudit karma (119)
une minute chez le dentiste c'est long. Une minute à regarder l'eurovision, encore plus. Mais la pire épreuve de toutes, c'est la minute qu'il faut à un stupide test de grossesse pour décider s'il affichera ou non un deuxième trait.
- Hier, j'ai vu que vous habitiez ici, et j'aimerais reparler ave vous - seule à seule.
Ma mère se tourna vers Lily :
- Tu veux bien aller nous chercher de l'eau à la maison ?
- Mais j'ai pas soif !
- Même pour un Coca ?
- Un Coca ? Super !
Lily partit en courant à la maison. Les enfants, c'est comme les fonctionnaires italiens : on arrive toujours mieux à ses fins avec un peu de corruption.
- J'espère que vous avez pris deux billets ? fit une voix.
A coté de moi se tenait un contrôleur moustachu portant un anneau à l'oreille. Deux fautes de goût pour un seul homme. Il ne lui manquait que la coupe "nuque longue" du footballeur allemand.
- Pardon ? dis-je.
- Ben, grosse comme vous êtes, personne ne peut s'asseoir à côté de vous, dit-il avec un grand sourire.
- Avec vous, on se marre presque autant que chez le dentiste, répliquai-je sans perdre mon sang-froid.
Le contrôleur cessa brusquement de ricaner, poinçonna mon billet, et on me laissa tranquille pendant le reste du voyage : personne n'avait envie d'être coincé à côté de moi.
Arrivée en salle de travail, il me fallut encore vingt-cinq heures pour accoucher. Entre deux épouvantables contractions, j'entendais les exhortations incessantes de la sage-femme : " Sois positive ! Accueille chaque contraction ! " A moitié folle de douleur, je lui répondais en moi-même : " Si je survis à ça, je te fais la peau, pauvre idiote ! "
J'étais sûre que j'allais mourir. Sans la présence apaisante d'Alex, je n'aurais certainement pas supporté ce calvaire. Il me répétait régulièrement d'une voix ferme : " Je suis avec toi. Toujours. " Et je lui serrai la main si fort que, plusieurs semaines après, il n'en avait pas entièrement retrouvé l'usage. Par la suite, les infirmières m'ont confiée qu'elles notaient les maris sur la tendresse qu'ils témoignaient à leur femme dans ces moments difficiles. Alex avait obtenu la note extraordinaire de 9,7. La moyenne générale se situait autour de 2,73.
Une minute chez le dentiste, c'est long. Une minute à regarder l'Eurovision, encore plus. Mais la pire épreuve de toutes, c'est la minute qu'il faut à un stupide test de grossesse pour décider s'il affichera ou non un deuxième trait.
Sur la photo, une grosse femme à qui un stage Weight Watchers aurait fait le plus grand bien fixait l'objectif avec un sourire radieux. Et trois gros enfants qui n'auraient pas déparé l'affiche d'une campagne d'information sur les ravages de l'obésité. Mais cette famille au physique hors normes avait pourtant l'air plus heureuse que la mienne.
Il arrive que la mort vous fasse revivre.
- Où veux-tu en venir ? m'interrompit Bouddha.
J'essayai de raccrocher les wagons :
- Si... si tu es Bouddha, et si je suis réincarnée... alors, pourquoi en fourmi ?
- Parce que tu n'as pas mérité autre chose.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Que je n'étais pas quelqu'un de bien ? dis-je avec colère.
Je n'avais jamais pu supporter les humiliations.
Bouddha se contenta de me regarder, sans cesser de sourire.
- Les dictateurs ne sont pas des gens biens ! Protestai-je. Les politiciens non plus, ni, à mon avis, les programmateurs de télévision, mais sûrement pas moi !
- C'est pourquoi les dictateurs se réincarnent en autre chose, répliqua Bouddha.
- En quoi ?
- En bactéries intestinales.
Dieu merci, je ne me rompis pas le cou, mais atterris presque mollement sur ma mère, qui se mit à pousser des jurons comme cette eglise n'en avait certainement jamais entendus. Je m'attendais d'un instant à l'autre à voir le crucifix, honteux, se décrocher du mur.
Je n'avais jamais imaginé la mort comme cela. Plus exactement, je n'avais jamais imaginé la mort. J'étais bien trop occupée par ma vie frénétique. Par toutes sortes de choses sans importance (exemple : ma déclaration de revenus), importantes (exemple : ma carrière) ou essentielles (exemple : les massages relaxants).