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EAN : 9782283033234
224 pages
Buchet-Chastel (15/08/2019)
3.97/5   38 notes
Résumé :
Avril 1945. Daniel, jeune rabbin américain, débarque au camp d'Ohrdruf avec les troupes alliées, averties d'une « situation dramatique ». Il recueille les récits, les requêtes et les supplications de déportés hébétés de faim et de désespoir et s'attache à un enfant de cinq ans, muet et inflexible. Il se donne alors pour mission de retrouver ses parents dans le second camp, celui de Buchenwald. Cette découverte reste à tout jamais, dans la mémoire de Daniel comme dan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Un énième roman sur la seconde guerre mondiale et les camps de concentration ?
Vous pensez peut-être que ces sujets ont été déjà largement traités et qu'il faut passer à autre chose ?
À cela, je vous réponds deux choses.
Tout d'abord, je pense qu'il n'y aura jamais trop d'ouvrages pour faire réfléchir le lecteur sur cette période.
Et puis, le point de vue adopté ici est original et intéressant. L'auteur apporte quelque chose de nouveau.
Le narrateur principal est un jeune rabbin, engagé dans l'armée américaine pour soutenir les soldats, pour amener dans la guerre un peu d'humanité et de spiritualité.
Jusqu'à un certain point, il parvient à aider et réconforter les soldats. Jusqu'à ce qu'il découvre à leur libération les camps de concentration et les survivants qui y errent.
Là, notre rabbin rempli de bonnes et pieuses intentions s'effondre intérieurement. L'intensité des horreurs constatées le laisse sans voix, démuni, et va même le pousser à remettre en cause sa foi et sa capacité à redevenir rabbin quand il rentrera chez lui.
J'ai apprécié le fait que Laurent Sagalovitsch ne se lance pas dans de grandes descriptions des camps et de ce qui s'y passait.
C'est un portrait en creux qu'il en dresse : en voyant les traces matérielles et humaines, on comprend ou plutôt on entrevoit ce qui a pu se produire.
Outre le fait que je préfère laisser les récits directs à ceux qui les ont vécus, le point de vue adopté correspond parfaitement à ce que vit le personnage du rabbin : il n'était pas présent dans les camps, mais comprend petit à petit à travers ce qu'il voit après leur libération.
L'hébétude de cet homme de foi est très bien rendue. Il se sent tout petit et inutile auprès des survivants : "J'étais indigne d'eux".
Rien de ce qu'il a vécu jusque-là ne l'a préparé à sa découverte des camps de la mort.
Son aveu d'impuissance et de désarroi est touchant : il ne cherche pas à se cacher derrière sa fonction, il ne fait pas semblant : "Probablement n'étais-je plus moi-même. À cette seconde, je n'avais plus envie de vivre."
Comment continuer à vivre après ce traumatisme, que ce soit pour ceux qui l'ont directement vécu ou pour ceux qui ont découvert l'horreur après coup ?
Voilà l'une des questions centrales du roman.
À travers les lettres que le rabbin reçoit de sa femme, on comprend que le retour au pays ne sera pas facile.
Dans d'autres circonstances, la fin d'une guerre signifie beaucoup de joies et marque le point de départ d'une nouvelle vie. Mais là, le traumatisme est tel qu'on devine l'impossibilité de reprendre sa vie d'avant, sans compter le décalage entre ceux qui ont vu et les autres.
Les premiers seront marqués à jamais dans leur être profond, les seconds, si humains et compréhensifs soient-ils, ne pourront qu'entrevoir la vérité.
Il faudra pourtant que les uns et les autres se retrouvent...
Ce roman soulève des questions intéressantes.
Ce n'est pas Si c'est un homme, et ça ne prétend pas l'être. Ce n'est pas un témoignage direct, mais un outil de réflexion.
Bien sûr, il ne faut jamais oublier le nazisme, cette monstruosité inhumaine qui a tenté d'éradiquer une fraction de l'humanité.
Mais il ne faut pas en rester là, et retenir les leçons du passé pour agir dans le présent, sans quoi, celles-ci sont inutiles.
Les Juifs sont actuellement victimes d'un autre totalitarisme, que beaucoup ne veulent pas voir ou ne veulent pas nommer : l'islamisme radical.
Quand je vois que dans certains collèges de France le principal informe les familles juives qu'il vaudrait mieux inscrire leur enfant dans le privé parce qu'avec le nom qu'il porte sa situation serait difficile, j'ai envie de hurler !
Quand je vois que certaines banlieues se dépeuplent de nos concitoyens juifs parce que le quotidien leur est devenu invivable, j'ai envie de hurler !
Quand je vois qu'une vieille dame comme Mireille Knoll peut être froidement assassinée chez elle par un jeune voisin, simplement parce qu'elle est juive, j'ai envie de hurler !
Les Juifs sont-ils condamnés à revivre éternellement le calvaire vécu pendant la seconde guerre mondiale ? À n'être qu'un "peuple dépêché sur cette terre uniquement pour servir d'exutoire" ?
À nous d'apporter la réponse à cette question. À nous de sortir nos dirigeants de leur aveuglement et de leur clientélisme, et de les pousser à prendre les mesures qui s'imposent.
Oui, il ne faut bien sûr jamais oublier le nazisme et combattre ses résurgences de toutes nos forces. Mais il ne faut pas rester les bras croisés devant la montée d'une idéologie tout aussi dangereuse : l'islamisme radical qui grignote notre société.
Pour ceux que ça intéresse, je vous recommande vivement la lecture de l'excellent livre de Boualem Sansal : le village de l'Allemand. Il y aborde le thème du fanatisme (quel qu'il soit, parce qu'il n'est, hélas, pas unique) et fait un parallèle magistral entre le nazisme et l'islamisme.
Boualem Sansal est un intellectuel courageux qui subit régulièrement des menaces parce que ce qu'il dit dérange ; il mérite d'être lu.
Merci à Babelio et à son opération Masse critique privilégiée et merci aux éditions Buchet-Chastel pour l'envoi de ce roman qui pousse à la réflexion.
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Un rabbin américain s'engage et part libérer l'Europe des nazis...un classique, non pas vraiment il assista a la libération des camps de concentration et nous livre sa stupéfaction, son dégoût avec une honnêteté foudroyante . A travers son récit et sa rencontre avec un petit orphelin de 5 ans , on reçoit telle une énorme giffle la descente aux enfers que vit cet homme de foi. Un échange de lettre avec son épouse nous donne une idée des connaissances de ceux restes au pays. Ce livre est une énorme giffle , on n'en ressort pas indemne. Seule chose a déplorer, c'est trop court! Il finit de façon abrupte et on reste un peu dur sa faim . Il nous reste de nombreuses questions, que devient il ? Décidé t il vraiment de cesser d'être rabbin après tout ça, sur ce que devient l'enfant ?
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Daniel Shapiro, rabbin dans l'état de Washington, marié à Ethel, est apprécié des fidèles de la synagogue. Mais, il désire s'engager dans l'armée américaine pour soutenir le moral des troupes qui ont la même foi que lui.

Après un stage de formation éclair, il s'engage et va participer au débarquement en Normandie, aux combats qui l'emmène sur les différents champs de bataille jusqu'à l'Autriche.

Il va ainsi se retrouver face à l'horreur, découvrant le camp d'Ohrdruf, puis Buchenwald. Il est derrière son bureau et reçoit les rescapés qui ne veulent que des nouvelles de leurs familles, remplissant des fiches de renseignements. Mais, les rescapés sont nombreux, et il ne peut pas les recevoir tous. Une mini-révolte se déclenche quand il veut « s'arrêter là pour le premier jour ». Il n'est pas là pour cela, il veut prier avec eux.

Quand il commence à réciter des textes religieux, tout le monde s'enfuit. Comment ces survivants peuvent-ils entendre ces mots-là alors que leur Dieu a laissé faire toutes ces horreurs ?

Le doute s'installe dans l'esprit de Daniel également, peut-il, encore avoir la foi, lui-aussi. Il a choisi le rabbinat pour faire plaisir à son père et non par conviction.

Un petit garçon est debout immobile depuis le matin et il attend, alors Daniel décide de l'aider à retrouver sa famille, restée probablement à Buchenwald, alors que lui a été expédié tout seul dans un train pour Ohrdruf. Mais l'enfant ne parle pas…

Ce récit m'a plu car il envisage la Shoah l'extermination massive, les camps de concentration, d'une autre manière : un rabbin qui découvre tout cela de ses propres yeux et ne peut que douter. Il n'apporte rien de plus que ce qu'ont pu écrire Primo Levi, Semprun, Marceline Loridan-Ivens (entre autres) mais il permet d'entretenir le souvenir et de clouer le bec aux négationnistes de tout poil, les nazillons qui pullulent en Europe actuellement.

Le récit est adouci par les lettres que Daniel échange avec sa femme Ethel, leur futur bébé, car ses mots à elle sont pleins de tendresse, comme pour temporiser l'horreur.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Buchet-Chastel qui m'ont permis de découvrir ce livre et son auteur qui est loin d'être un débutant.

Je me suis procurée la version papier pour le faire lire autour de moi, les plus jeunes notamment…


#LeTempsDesOrphelins #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Voilà un roman comme il y en a peu. Et pourtant, me répondrez-vous, que de livres ont été écrits sur la Shoah, les camps et la découverte de toute cette horreur par les alliés. Mais, dans le temps des orphelins, Laurent Sagalovitsch, apporte une vision différente. Il nous conte l'histoire de Daniel, ce jeune rabbin américain, qui fit le choix de s'engager pour libérer l'Europe de la barbarie nazie. Sans arme, il arpente les champs de bataille pour réciter les dernières prières aux soldats mourants ou déjà délivrés de leurs souffrances. le Kaddish défile en boucle, des centaines, des milliers, à ne plus savoir...

Des plages de Normandie, à la libération des camps, il relate toute cette horreur à Ethel, sa jeune femme. jusqu'à ce que son chemin croise ce gamin famélique et mutique, égaré parmi tous ces morts en devenir...

"Cette main, aujourd'hui encore, si je ferme les yeux, je peux la sentir, cette toute petite menotte qui se frottait à la mienne et la suppliait de l'accepter, de s'en saisir et de la réchauffer afin de former une union indestructible, capable de résister à tous les vents contraires."

Peut-on continuer à croire après la Shoah ? Que penser du silence des Dieux (de celui des chrétiens, des juifs, et de tous les autres, si tant est qu'il y en ait...) ? Voilà le thème principal de ce livre. Je vous laisse découvrir ce qu'il adviendra de la foi de Daniel...

En refermant le temps des orphelins, je n'ai pu m'empêcher de penser à Marceline Loridan-Ivens qui dans une interview expliquait qu'elle ne pouvait plus croire en dieu, en sortant des camps. S'affirmer Juive, c'est faire fi de ce silence sans nom de ce Dieu tout puissant et aimant ; Se renier comme Juive, c'est prolonger le dessein d'Hitler en éradiquant, si ce n'est physiquement, la judéité.

Je ne sais si elle a résolu ce dilemme. Cela lui appartient. Mais c'est vers elle, que mes pensées se sont tournées.

Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour la découverte de ce livre et de cet auteur.
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
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1944 - Daniel Shapiro, 28 ans, résidant à Bellevue, dans l'Etat de Washington, s'est engagé pour libérer l'Europe du joug nazi. Il est incorporé dans la 3ème armée américaine en tant qu'aumônier du culte israélite. L'armée progresse, traverse le Rhin, atteint l'Autriche, et participe à la libération des camps de concentration. Daniel, après avoir été confronté aux violences du débarquement va, en avril 45, être percuté par d'autres monstruosités, celles qu'il découvre dans les univers concentrationnaires et d'extermination, d'abord révélées par le camp d'Ohrdruf, où il recueille un tout jeune enfant 4, 5 ans au plus , qui semble venir de Buchenwald, près de Weimar, cette ville mythique qui accueillit Goethe, Schiller, Liszt, Nietzsche… C'est justement là qu'on lui demande d'aller. Il emmène le bambin mutique pour tenter de retrouver ses parents. Il va, dans cet endroit horrifique , être heurté de plein fouet par cette réalité barbare , terrible, indicible, celle de la folie inhumaine, de l'holocauste.
Cet homme au service de son Dieu va être percuté au point de remettre en cause sa foi.
Le récit de ce témoin s'enrichit de lettres que lui écrit Ethel sa jeune épouse amoureuse qui vient de mettre au monde Ruthie.
le roman s'appuie sur une riche documentation, une plume lyrique, trop quelque fois, qui malgré des descriptions crues, inhibe l'affreuse réalité. le personnage de l'enfant est certainement inspiré par Thomas Geve, jeune adolescent juif, survivant de Buchenwald. La couverture du livre est empruntée à l'un de ses dessins, les images, disent, quelquefois, plus que les mots.
Ce livre présente un autre intérêt, celui de découvrir certaines pratiques, prières et rites religieux juifs. La fin du récit, doit être imaginée par chaque lecteur, à sa guise, mais façonnée des réalités de l'Histoire, et on peut supposer que Daniel nous livre cet écrit comme une longue réparation, depuis la Palestine, le pays qu'évoque Ruthie dans une de ses lettres.

Merci à Babelio, Merci aux Editions Buchet Chastel pour ce roman poignant .

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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
À l'évidence, nous n'allions pas mourir à la guerre, nous n'avions pas eu cette aubaine-là : tôt ou tard, dans une semaine ou dans un mois, nous allions rentrer au pays, retrouver nos familles, reprendre une activité professionnelle, renouer tant bien que mal avec le fil de l'existence au quotidien, mais tout cela serait simulacres, poses, subterfuges destinés à donner le change : au plus profond de nos êtres, là où s'efface le bal des apparences, nous serions morts, aussi morts que Roosevelt et tous les autres. Aussi longtemps que nos cœurs continueraient de battre, nous porterions, solitaires, le poids de notre propre catafalque, de cette infinie douleur, de cette impuissance, et pendant que les jours s'écouleraient dans la normalité d'une vie douce et tranquille, dans le parfait scintillement d'un foyer baigné de lumière et de chaleur, traversé de cris d'enfants et de miaulements de chats, d'aboiements de chiens, à chaque heure de la journée, à chaque seconde même, comme des automates aveugles destinés à ne jamais revoir la lumière, nous retournerions nous abreuver au puits de ce chagrin.
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À cette heure-ci, dans cette traversée de la ville, où, malgré les odeurs et les trains bondés, tout le monde prétendrait, à n'en pas douter, n'avoir rien su des crimes perpétrés à Buchewald, des tortures infligées aux prisonniers ni du traitement réservé aux Juifs, nous n'étions plus ni rabbin ni capitaine de la Troisième Armée mais deux hommes, deux simples individus bien trop ébranlés dans leurs certitudes existentielles pour ne pas céder aux appels d'un cœur saturé de vengeance. Oui, cette nuit-là, pour la seule et unique fois de mon existence, dans la quiétude de cette ville historique mais apparemment sans histoires, je connus la haine et l'envie d'ôter la vie à de parfaits inconnus. Je les voulais morts, comme je l'étais moi-même, comme tout le monde ici-bas, comme les morts de cet après-midi, comme ce dieu qui, à force d'indifférence, avait cessé de m'intéresser. Probablement n'étais-je plus moi-même.
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La souffrance humaine m'était familière, je l'avais déjà expérimentée sous toutes ses formes quand j'officiais comme rabbin. J'avais vu l'injustice frapper au moment où l'on s'y attendait le moins, jeter dans le désespoir un homme atteint de cécité ou une femme impuissante à procréer. J'avais vu les effets de la maladie, quand le corps supplicié n'en peut plus de mourir et met des semaines à s'en aller. J'avais assisté à des veillées funéraires parmi les sanglots de proches consumés de tristesse. J'avais embrassé des fronts à l'heure du dernier voyage. J'avais contemplé, impuissant, les ravages de la pauvreté, de la misère, de la faim quand des familles entières frappées par le chômage, les fermetures d'usines, se retrouvaient démunies, presque à la rue. J'avais rendu visite à des parents dont l'un des enfants, atteint d'un mal incurable, agonisait dans son berceau. J'avais senti l'odeur de la mort dans des appartements fétides où, dans la plus grande des solitudes, des vieillards expiraient. Par dizaines, j'avais signé des actes de décès, refermé des cercueils, jeté une dernière pelletée de terre sur des tombes à peine creusées, et depuis mon incorporation, depuis ce jour où j'avais posé un pied en Normandie, j'avais eu à composer, jour après jour, avec l'effroi de la guerre. Rien ne m'avait été épargné, ni la mort de civils innocents surpris dans l'effondrement de leurs immeubles, ni celle absurde, rencontrée au détour d'un platane au retour d'une mission, ni la désolation de jeunes soldats fauchés par des éclats d'obus, terrassés par des balles, broyés dans le réceptacle même de leurs chars, mais jamais, non jamais, durant tous ces mois, je n'avais eu à me confronter à un tel spectacle. C'était toujours la mort, la même mort à l'œuvre, mais je ne la reconnaissais plus, comme si la mort était morte à elle-même, remplacée par autre chose de bien plus atroce, plus tranquille, une simple routine.
Sûrement est-ce à tout cela que j'ai pensé quand j'ai suivi, tel un automate, les pas du capitaine, pas qui ont fini par nous mener au Petit Camp, ce camp dans le camp, cette horreur dans l'horreur.
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J'avais appris à ne jamais haïr les hommes. À toujours les considérer comme les victimes innocentes d'un monde bien trop violent. À toujours les excuser de leurs méfaits, à chercher un moyen de les sauver des ténèbres. À leur indiquer, sans relâche, le chemin de la lumière et de l'espérance. À les conjurer de se montrer à la hauteur de ce dieu qui les avait créés. Mais ce soir-là, alors que je quittais un camp pour en rejoindre un autre, dans la solitude de cette nuit de printemps encore chargée des soupirs glacés de l'hiver, je me demandai peut-être pour la première fois si je n'avais pas fait fausse route, s'il n'existait pas un mal qui rongeait le cœur des hommes et les amenait à se conduire comme des êtres dépourvus d'humanité, monstres dont la conduite ne pourrait jamais être rachetée, ni dans ce monde ni dans le suivant.
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Devant nous, alors que la forêt avait en partie disparu, remplacée par des bosquets clairsemés et chétifs, surgirent dans le ciel d'épaisses traînées de fumée, de longues et lourdes colonnes de cendres d'une noirceur effrayante, tourbillonnant sur elles-mêmes en spirales ascendantes avant de s'éparpiller, balayées par le vent au gré de son humeur changeante. Je savais maintenant ce qu'elles signifiaient − on devait être occupé à brûler des corps − et je les regardais s'élever dans le ciel avec un mélange de dégoût et de fascination. Comment en était-on arrivé à de pareilles extrémités ? me demandais-je. À quel moment l'humanité s'était-elle fourvoyée au point de s'autoriser des pratiques qui la déshonoraient tout entière et la renvoyaient aux pires périodes de son passé, quand l'obscurantisme étranglait le cœur des hommes ?
Elle n'avait donc rien appris, rien compris, toujours entêtée à perpétuer le règne de son antique et immémoriale violence ? Avions-nous parcouru tout ce chemin pour en arriver là, à ce ciel matinal saturé de fumées nées de la décomposition du corps d'hommes et de femmes dont le seul tort était d'exister, d'appartenir à un peuple coupable du seul crime d'être au monde ?
Je fermai les yeux.
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Vidéo de Laurent Sagalovitsch
Laurent Sagalovitsch nous présente son nouveau roman, "Le Temps des orphelins", édité à l'occasion de la Rentrée littéraire 2019 !
Avril 1945. Daniel, jeune rabbin venu d?Amérique, s?est engagé auprès des troupes alliées pour libérer l?Europe. En Allemagne, il est l?un des premiers à entrer dans les camps d?Ohrdruf et de Buchenwald et à y découvrir l?horreur absolue. Sa descente aux enfers aurait été sans retour s?il n?avait croisé le regard de cet enfant de quatre ou cinq ans, qui attend, dans un silence obstiné, celui qui l?aidera à retrouver ses parents.
Quand un homme de foi, confronté au vertige du silence de Dieu, est ramené parmi les vivants par un petit être aux yeux trop grands.
Fiche du livre : http://www.buchetchastel.fr/le-temps-des-orphelins-laurent-sagalovitsch-9782283033234
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