Un roman dont le titre est une question a quelque chose de forcément intriguant. Quand de surcroît l'interrogation résonne du côté de la division de l'être, on se dépêche d'ouvrir le livre pour voir de quoi il en retourne. Voilà donc un homme qui s'en va au bout du monde tout simplement parce que cet ailleurs est loin de tout ce qu'il dit exécrer. C'est pourtant autour de toutes ces choses abhorrées que l'histoire est construite. D'abord du côté du superflu avec des descriptions hautes en tournures décapantes sur l'insupportable morosité de la vie parisienne ; puis du côté des égratignures avec des témoignages caustiques sur les mesquineries d'une société française recroquevillée sur elle-même ; puis sur le versant existentiel avec toute une cohorte de malaises traités au Temesta ; viennent enfin les motifs sérieux qui font que l'homme est en souffrance : famille aimante et vorace, une soeur mufle mais tellement pleine de coeur, la lumière trop vive d'un amour qui pourrait faire de lui un père ; bref la nécessité de passer par dessus les rêves adolescents et d'ouvrir ses sens aux exigences de l'âge adulte.
Loin de quoi ? est un roman sur l'impossible engagement d'un homme trentenaire en plein désarroi.
Car sitôt parvenu à cet autre bout du monde (de lui-même), l'homme est en prise directe avec ces sentiments d'étrangeté et de nostalgie qu'affronte le migrant ordinaire. La déconvenue est au coin de la rue et la déception au décours de chaque rencontre. Les questions se bousculent et on comprend très vite l'embarras de l'auteur quant au fait de savoir si les bénéfices vont combler les pertes. Résultat, l'errance devient le point d'orgue de l'évasion, et la seule garantie de survie de cet homme est sa capacité d'introspection et à prendre finalement de la distance en se moquant, parfois férocement, de sa culture et de ses traditions. le propos est souvent jubilatoire, (et l'on rit effectivement beaucoup) seulement cette ardeur mise à vouloir rire de tout est plus empreinte de douleur que d'apaisement. Mais peut-être ne s'agit-il tout simplement que d'oublier d'avoir affaire à l'autre ?