1998. Quatre ans après la mort de sa mère, une femme, seule, solitaire et malheureuse, un homme apprend la mort de sa grand-mère,
Vera Kaplan, dont il ignorait tout. Sa mère, née en 1945 à Berlin, juive, ne l'avait pas revue depuis 1946...Il reçoit un héritage, une longue lettre, un journal intime datant de la seconde guerre mondiale. Dans la lettre et le journal, des réponses à la vie ratée de sa mère, à sa douleur et à sa solitude. La grand-mère, pendant la seconde guerre mondiale, a été une chasseuse de Juifs, une Juive dénonciatrice de Juifs. Elle l'a fait pour sauver la vie de ses parents, puis la sienne. A la fin de la guerre, elle a été jugée et condamnée à 10 ans de prison, et séparée pour toujours de sa petite fille, qui fut adoptée en Israël. (Jugée et condamnée par une cour allemande, avec des magistrats allemands, en 1946, ça vaut son pesant de cacahuètes, quand même...Que faisaient-ils deux ans plus tôt, ces gentils messieurs ? )
Je ne me sens pas du tout à l'aise avec ce roman, inspirée de la vie d'une certaine Stella Goldschlag. Cependant je pense que c'est parfaitement normal, et que c'est l'ambition de l'auteur. La jeune fille se trouve poussée, par la perversité extrême du système, à détruire de ses propres mains son humanité et son respect d'autrui et d'elle-même. C'est le même principe que les sonderkommandos dans les camps d'extermination, ces prisonniers juifs chargés de pousser les leurs dans les chambres à gaz, puis dans les crématoires, en échange de la vie sauve et d'un traitement correct pendant trois mois...Il n'y a pas à juger (même si on peut quand même féliciter la nature humaine que très peu de gens aient fait le choix de cette Vera hum hum hum), juste à observer le mal et ses rouages monstrueux, et comment, finalement, il a tout détruit autour de lui.
Les trois étoiles, c'est parce que l'auteur met du temps à entrer dans le vif du sujet (qui doit être dur à traiter). La première partie est composée de la lettre d'adieu de Vera à sa fille, cinquante ans après les faits, juste avant son suicide. Elle est longue et répétitive, car l'épistolière tente de se justifier mais ne raconte rien, les faits étant dans le journal, qui constitue la seconde partie du roman, vraiment plus intéressante.
Bref, une observation du mal à l'oeil nu, qui pousse le vice jusqu'à faire de ses victimes des bourreaux. Et un sentiment d'inachevé. L'auteur aurait pu aller plus loin, notamment avec les deux personnages du narrateur et de sa mère, dont on ne sait finalement que beaucoup trop peu de choses.