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L'équilibre pour moi, c'est se retrouver dans son lit, le soir, sans épouvante, et le matin sans découragement. Une espèce d'accord entre ce qu'on pense de soi et sa vie. Se maintenir dans une situation qui ne vous paraisse jamais épouvantable.
Aimer, ce n'est pas seulement aimer bien, c'est surtout comprendre.
Écrire, c’est comme avoir un rendez-d’amour dangereux. – J’ai toujours aimé la littérature. Elle m’a toujours aidée. C’est la seule réponse à la terre. Je n’ai jamais pensé que je lui rendais service.
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A dix-huit ans, j'étais riche et célèbre : on ne me l'a pas pardonné. Le succès des autres se digère pour certains difficilement. On ne me classe pas dans la littérature mais dans les phénomènes commerciaux. Je tiens certainement une place dans l'édition, mais dans la littérature ?
“ Mais la vie de la plupart est terrifiante. On les prend à la gorge, on les oblige à travailler du matin au soir, ils ont une télévision idiote, ils ne sont jamais seuls, ils sont piégés par d’autres qui leur courent après. Ils n’ont pas un moment ce ce qu’on appelle le bon temps, le bon vieux temps qui passe, seconde après seconde et qu’on peut voir passer. La majorité ne connaîtra de la vie et du temps qu’un cirque aveugle et affolé.”
“D’ailleurs, écrire un roman c’est faire un mensonge ; par exemple, A la recherche du temps perdu, que j’admire par-dessus tout, c’est le livre d’un menteur complet. Tout est changé, transformé. C’est une des plus belles oeuvres, et des plus vraies, justement parce que Proust avait accepté à fond ce mensonge perpétuel… Le jour où l’équilibre s’établira entre ce qu’il est et ce qu’il dit, l’écrivain n’écrira plus. L’écrivain est un menteur forcené, un imaginatif, un mythomane, un fou, il ‘nya a pas d’écrivains équilibrés.”
On prend les gens pour des crétins : on leur propose –quand on la leur propose- une augmentation de leurs biens matériels, et on oublie qu’ils ont aussi besoin de rêver. L’écriture peut les y aider, c’est même son principal rôle. “
- la société vole le temps. La seule chose que chacun possède pour en faire ce qu’il veut. La société s’en moque, elle n’a aucun respect pour les individus. Tout se passe comme si chacun sacrifiait dix ou quinze années de sa vie sur l’autel de l’économie. Sans parler des années de vieillesse, plus ou moins sordides. Il y a un vice quelque part. Regardez la télévision : c’est une calamité. Elle donne aux gens l’illusion de communier entre eux, d’avoir une vie de famille dans la mesure où ils sont quatre à regarder la même chose sur le même écran, au même moment. C’est absurde. “
[…] les gens vivent dans la solitude et la fatigue.