La/le citoyen-ne doit se réapproprier la raison du droit
Pour certain-e-s, « la première des libertés, c'est la sécurité », oubliant au passage : la sécurité des revenus, de l'emploi, la sécurité au travail, le maintien en bonne santé, etc.
Gilles Sainati et Ulrich Schalchi nous rappellent que cette sécurité est une invention récente et qu'elle s'oppose à « la sureté de l'individu vis-à-vis de la puissance de l'Etat comme condition de liberté ».
Hier, les politiques sécuritaires étaient revendiquées et mises en place par les gouvernements de droite, aujourd'hui les gauches gouvernementales en font tout autant. D'un coté la construction de la concurrence et du marché libre et non faussé, au mépris et de la liberté et de l'égalité, de l'autre des politiques « techno-sécuritaires », le renforcement du contrôle des populations, la criminalisation des syndicalistes et des activistes sociaux…
Dans ce petit livre, les auteurs analysent « la mécanique de la punition », l'histoire de la « tolérance zéro », le règne de la statistique, les sanctions d'agissements licites…
Ils soulignent les transformations du quotidien judiciaire, le transfert de la politique pénale « aux mains du ministère de l'Intérieur », l'auto-alimentation du système carcéral, les négations des règles de Droit, la pénalisation des comportements…
Ils parlent aussi d'infraction et de désordre, des sentiments de ressenti, d'inégalité devant la loi, de politiques d'opportunité, d'instrumentalisation du parquet, de politique pénale, « la politique pénale n'est plus impulsée par la loi, mais à des fins d'opportunités politiciennes », de carte judiciaire, des « techno-procureurs », de procédure…
Gilles Sainati et Ulrich Schalchi analysent ce qu'ils nomment « le souverainisme policier », les politiques de certaines organisations syndicales de policier-e-s, l'oubli du rôle des procédures, les normes administratives de « sécurité intégrée », les logiques techniciennes ou de performance, les fichages, les marchés colossaux de « cette nouvelle industrie sécuritaire et de contrôle », le traçage de la population… On pourrait y ajouter l'impunité policière, les délits construits contre les protestations, les interdictions de manifestations…
Les auteurs poursuivent avec les débordements bureaucratiques, la transformation du « travail social », les peine automatiques…
Les auteures concluent sur « les perspectives de l'Etat de droit », le délitement des liens sociaux, la transformation des citoyen-ne-s en suspect-e-s. Ils invitent à une réflexion sur « les soubassements de l'Etat de droit : l'économie toute puissante, les dominations d classes ou de genre, le déterminisme bureaucratique et technologique »
Un petit livre toujours d'actualité. La juste critique des dérives sécuritaires ne devrait cependant pas empêcher de traiter politiquement des sentiments ou des réalités d'« insécurité », d'avoir quelque chose à dire aux victimes, d'être capable d'apprendre aussi d'elles. Car les sentiments d'insécurité et/ou d'incivilité diffus ont pour effet de fermer les espaces collectifs nécessaires aux débats, aux organisations et aux actions y compris sur les questions sociales.
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