DE TOUTE UNIVERSALITÉ.
On ne présente plus "
Le Petit Prince". Il suffit, pour s'en convaincre, de voir le nombre de critiques présentes sur ce seul (et excellent site) qu'est Babelio.
J'ai rencontré
le Petit Prince il y a environ quarante ans. J'en avais alors à peine huit et j'étais donc encore comme cet enfant auquel
Antoine de Saint-Exupéry dédie ce petit livre intemporel. Je ne suis pas devenu "
Léon Werth" (auteur qu'on devrait relire. Son
33 jours est une petite merveille), mais j'espère avoir gardé un peu de mon âme d'enfant.
On a tout dit de ce texte (faussement) naïvement poétique, délicat, tendre, tellement humain tandis qu'il était rédigé en pleine tourmente, du lointain de son exil américain. Sa publication en anglais réalisée (en 1943), Saint-Ex' comme on le surnomme affectueusement ira rejoindre les Forces Françaises Libres en Algérie. La suite de l'histoire, nul ne l'ignore. Il ne verra jamais quel succès sera ce petit livre - l'un des plus traduits de tous les ouvrages de langue française -, ne connaîtra jamais le destin démesuré de ce petit Prince, si attachant, si bouleversant avec ses questions aussi simple qu'elles sont d'une complexité incroyable, dès lors qu'il s'agit d'y répondre.
Mais demeurera, pour longtemps encore, cette postérité étonnante car les thèmes abordés avec une inouïe délicatesse par Saint-Ex', le visible et l'invisible, le monde des adultes et celui des enfants, si difficilement réconciliables, l'incroyable richesse de l'amour et celle de l'amitié, le goût du voyage et les plaisirs de la sédentarité, l'espace et le temps, les dangers et la destruction, les signes visibles ou invisibles et leurs significations, l'inépuisable jeu de questions et réponses de l'existence, l'accès au bonheur et la voie du chagrin, la beauté et la laideur, la sagesse et la stupidité, l'utile et l'inutile, les vraies grandeurs de l'humanité ou ses perditions, la poétique beauté de l'univers, tous ces thèmes sont d'hier et d'aujourd'hui, indubitablement...
Le sujet serait inépuisable et cette chronique n'a pas pour but, pour une fois, de décrire ou d'essayer d'expliquer ce que cette lecture a pu m'apporter. Sauf ceci : Que deux ouvrages ont permis à l'enfant de sept ou huit que je fus de se construire comme futur lecteur - et, sans doute aussi, modestement, assurément, comme être humain -. le premier fut
L'enfant et la rivière, d'
Henri Bosco, un livre aujourd'hui trop oublié, absolument magique pourtant et, lui aussi, d'une immense force poétique. le second est, vous l'aurez deviné, ce Petit Prince, que j'ai lu et relu un nombre considérable de fois, au point que j'ose à peine toucher, ouvrir cet exemplaire que l'on m'offrit jadis, tant il a souffert de m'avoir partout suivi. Mais que je garde précieusement dans un coin secret de ma bibliothèque, bien entendu.
Depuis, j'ai lu (et relu) bien des ouvrages d'Antoine de
Saint-Exupéry : Vol de nuit,
Courrier sud,
Terre des hommes, ses
Carnets, sa sublime
Lettre à un otage... Et puis, il y eut la découverte de ce texte - mi roman, mi essai - malheureusement inachevé, mais qui apporta des réponses plus "sérieuses" à l'adulte "sérieux" que j'étais devenu, bien que toujours dans la veine de son Petit Prince :
Citadelle. Je ne saurais cependant trop en conseiller la lecture assidue et patiente, tant cet ouvrage est puissant.
Mais toujours, comme si l'enfant se rappelait de temps à autres à l'adulte imbécile, tellement certain que ses soucis sont les plus importants, que sa vie d'adulte mérite toutes les attentions, qu'il n'est plus temps de dessiner des moutons, cet enfant toujours à l'affût se rappelle à moi et dirige mes pas vers ce petit chef d'oeuvre essentiel, éternel et universel qu'est
le Petit Prince.
Merci d'avoir été ce que vous fûtes, Monsieur Antoine de
Saint-Exupéry. Sans vous, que le monde eût été (encore) moins beau !