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Citations sur Mémoires, tome 1 (91)

M. de Montespan mourut dans ses terres de Guyenne, trop connu par la funeste beauté de sa femme, et par ses nombreux et plus funestes fruits.
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Ecrire l'histoire de son pays et de son temps, c'est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu'on a vu, manié, ou su d'original sans reproche, qui s'est passé sur le théâtre du monde, les diverses machines, souvent les riens apparents qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite, et qui en ont enfanté d'autres ; c'est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, des ses travaux ; c'est se convaincre du rien de tout par la courte et rapide durée de toutes ces choses, et de la vie des hommes ; c'est se rappeler un vif souvenir que nul des heureux du monde ne l'a été, et que la félicité ni même la tranquillité ne peut se trouver ici-bas ; c'est mettre en évidence que, s'il était possible que cette multitude de gens de qui on fait une nécessaire mention avait pu lire dans l'avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins, de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l'entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions ; et que, de cette douzaine encore, leur mort, qui termine le bonheur qu'ils s'étaient proposé, n'a fait qu'augmenter leurs regrets par le redoublement de leurs attaches, et rend pour eux comme non avenu tout ce à quoi ils étaient parvenus.

p.15
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Servons-nous donc des facultés qu'il a plu à Dieu de nous donner, et ne croyons pas que la charité défende de voir toutes sortes de vérités, et de juger des événements qui arrivent, et de tout ce qui en est l'accompagnement. Nous nous devons pour le moins autant de charité qu'aux autres; nous devons donc nous instruire pour n'être pas des hébétés, des stupides, des dupes continuelles. Nous ne devons pas craindre, mais chercher à connaître les hommes bons et mauvais pour n'être pas trompés, et sur un sage discernement régler notre conduite et notre commerce, puisque l'une et l'autre est nécessairement avec eux, et dans une réciproque dépendance les uns des autres. Faisons-nous un miroir de cette connaissance pour former et régler nos mœurs, fuir, éviter, abhorrer ce qui doit l'être, aimer, estimer, servir ce qui le mérite, et s'en approcher par l'imitation et par une noble ou sainte émulation. Connaissons donc tant que nous pourrons la valeur des gens et le prix des choses; la grande étude est de ne s'y pas méprendre au milieu d'un monde la plupart si soigneusement masqué; et comprenons que la connaissance est toujours bonne, mais que le bien ou le mal consistent dans l'usage que l'on en fait.
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"... [...] Mme de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau : ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l'air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d'esprit et qui tenait encore plus parole. Elle savait tout : histoire, philosophie, mathématiques, langues savantes, et jamais il ne paraissait qu'elle sût mieux que parler français ; mais son parler avait une justesse, une énergie, une éloquence, une grâce jusque dans les choses les plus communes, avec ce tour unique qui n'est propre qu'aux Mortemarts.* Aimable, amusante, gaie, sérieuse, toute à tous, charmante quand elle voulait plaire, plaisante naturellement avec la dernière finesse, sans la vouloir être, et assénant aussi les ridicules à ne les jamais oublier ; glorieuse de mille choses avec un ton plaintif qui emportait la pièce ; cruellement méchante quand il lui plaisait, et fort bonne amie, polie, gracieuse, obligeante en général ; sans aucune galanterie, mais délicate sur l'esprit et amoureuse de l'esprit où elle le trouvait à son gré ; avec cela, un talent de raconter qui charmait, et, quand elle voulait faire un roman sur le champ, une source de production, de variété et d'agrément qui étonnait. Avec sa gloire, elle se croyait bien mariée par l'amitié qu'elle eut pour son mari ; elle l'étendit sur tout ce qui lui appartenait, et elle était aussi glorieuse pour lui que pour elle. Elle en recevait les réciproques et toutes sortes d'égards et de respect. [...] ..."
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Il [*] étoit parfaitement bien fait, avoit un air et les manières fort nobles, et une physionomie si spirituelle, qu’elle réparoit sa laideur et le jaune et les bourgeons dégoûtants de son visage.

[*] Le duć de Ła Feuillade
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... il faut savoir une coutume d’Espagne que l’usage a tournée en loi, et qui est également folle et terrible pour toutes les familles. Lorsqu’une fille, par caprice, par amour, ou par quelque raison que ce soit, s’est mis en tête d’épouser un homme, quelque disproportionné qu’il soit d’elle, fût-ce le palefrenier de son père , elle et le galant le font savoir au vicaire de la paroisse de la fille, pourvu qu’elle ait seize ans accomplis. Le vicaire se rend chez elle, fait venir son père, et, en sa présence, et de la mère, demande à leur fille si elle persiste à vouloir épouser un tel. Si elle répond que oui, à l’instant il l’emmène chez lui, et il y fait venir le galand. Là, il réitère la même question à la fille devant cet homme qu’elle veut épouser, et, si elle persiste dans la même volonté, et que lui aussi déclare la vouloir épouser, le vicaire les marié sur-le-champ, sans autre formalité, et, de plus, sans que la fille puisse être déshéritée .
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Bonneuil, introducteur des ambassadeurs [...] admirant en connaisseur les excellents tableaux qui y étaient, entre autres plusieurs crucifiements de Notre-Seigneur de plusieurs grands maîtres, trouva que le même en avait fait beaucoup, et tous ceux qui étaient là. On se moqua de lui, et on lui nomma les peintres différents, qui se reconnaissaient à leur manière. "Point du tout, s'écria le marquis, ce peintre s'appelait INRI. Voyez-vous pas son nom sur tous les tableaux?" On peut imaginer ce qui suivit une si lourde bêtise, et ce que put devenir un si profond ignorant.
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[...] ... M. de Bryas, archevêque de Cambrai, était mort, et le Roi avait donné ce grand morceau à l'abbé de Fénelon, précepteur des enfants de France. ...

Fénelon était un homme de qualité, qui n'avait rien et qui, se sentant beaucoup d'esprit, et de cette sorte d'esprit insinuant et enchanteur, avec beaucoup de talents, de grâces et du savoir, avait aussi beaucoup d'ambition. Il avait frappé longtemps à toutes les portes, sans se les pouvoir faire ouvrir. Piqué contre les jésuites, où il s'était adressé d'abord, comme aux maîtres des grâces de son état, et rebuté de ne pouvoir prendre avec eux, il se tourna aux jansénistes, pour se dépiquer, par l'esprit et la réputation qu'il se flattait de tirer d'eux, des dons de la Fortune, qui l'avait méprisé. Il fut un temps considérable à s'initier, et parvint après à être des repas particuliers que quelques importants d'entre eux faisaient alors, une ou deux fois la semaine, chez la duchesse de Brancas. Je ne sais s'il leur parut trop fin, ou s'il espéra mieux ailleurs qu'avec gens avec qui il n'y avait à partager que des plaies ; mais peu à peu, sa liaison avec eux se refroidit, et, à force de tourner autour de Saint-Sulpice, il parvient à y en former une dont il espéra mieux.

Cette société de prêtres commençait à percer, et, d'un séminaire d'une paroisse de Paris, à s'étendre. L'ignorance, la petitesse des pratiques, le défaut de toute protection et le manque de sujets de quelque distinction en aucun genre, leur inspira une obéissance aveugle pour Rome et pour toutes ses maximes, un grand éloignement de tout ce qui passait pour jansénisme, et une dépendance des évêques qui les fit successivement désirer dans beaucoup de diocèses. Ils parurent un milieu très-utile aux prélats, qui craignaient également la cour sur les soupçons de doctrine, et la dépendance des jésuites, qui les mettaient sous leur joug dès qu'ils s'étaient insinués chez eux, ou les perdaient sans ressource : de manière que ces sulpiciens s'étendirent fort promptement.

Personne parmi eux qui pût entrer en comparaison sur rien avec l'abbé de Fénelon : de sorte qu'il trouva là de quoi primer à l'aise et se faire des protecteurs qui eussent intérêt à l'avancer pour en être protégés à leur tour. Sa piété, qui se faisait toute à tous, et sa doctrine, qu'il forma sur la leur en abjurant tout bas ce qu'il avait pu contracter d'impur parmi ceux qu'il abandonnait, les charmes, les grâces, la douceur, l'insinuation de son esprit le rendirent un ami cher à cette congrégation nouvelle, et lui y trouva ce qu'il cherchait depuis longtemps, des gens à qui se rallier, et qui pussent et voulussent le porter. En attendant les occasions, il les cultivait avec grand soin, sans toutefois être tenté de quelque chose d'aussi étroit pour ses vues que de se mettre parmi eux, et cherchait toujours à faire des connaissances et des amis. C'était un esprit coquet qui, depuis les personnes les plus puissantes jusqu'aux ouvriers et aux laquais, cherchait à être goûté et vouloir plaire, et ses talents en ce genre secondait parfaitement ses désirs. ... [...]"
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"[...] ... Le dauphiné d'Auvergne était échu à Monsieur par la succession de Mademoiselle [la Grande Mademoiselle, duchesse de Montpensier], et aussitôt le cardinal en avait conçu une envie démesurée de l'avoir. Il en parla à Béchameil, qui était surintendant de Monsieur, au chevalier de Lorraine [grand favori et amant de Monsieur], et à tous ceux qui pouvaient avoir part à déterminer Monsieur à le lui vendre. A la fin, et à force de donner gros, le marché fut conclu, et Monsieur en parla au Roi, qui s'était chargé de son agrément comme d'une bagatelle* ; mais il fut surpris de trouver le Roi sur la négative. Monsieur insista et ne pouvait la comprendre : "Je parie, mon frère, lui dit le Roi, que c'est une nouvelle extravagance du cardinal de Bouillon qui veut faire appeler l'un de ses neveux prince-dauphin. Dégagez-vous de ce marché." Monsieur, qui avait promis et qui trouvait le marché bon, insista ; mais le Roi tint bon, et dit à Monsieur qu'il n'avait qu'à faire mander au cardinal qu'il [le Roi] ne le voulait pas.

Cette réponse lui fut écrite par le chevalier de Lorraine, de la part de Monsieur, et le pénétra de dépit. Ce nom singulier et propre à éblouir les sots dont le nombre est toujours le plus grand, et un nom que des princes du sang avaient porté, avait comblé son orgueil de joie : le refus le combla de douleur. N'osant se prendre au Roi, il répondit au chevalier de Lorraine un fatras de sottises, qu'il couronna par ajouter qu'il était d'autant plus affligé de ce que Monsieur lui manquait de parole, que cela l'empêcherait d'être désormais autant son serviteur qu'il l'avait été dans le passé. Monsieur eut plus envie de rire de cette espèce de déclaration de guerre que de s'en offenser. Le Roi d'abord la prit plus sérieusement ; mais, touché par les prières de M. de Bouillon, et plus encore par la grandeur du châtiment d'une pareille insolence, si elle était prise comme elle le méritait, il prit le parti de l'ignorer, et M. de Bouillon en fut quitte pour la honte et pour s'aller cacher une quinzaine dans sa belle maison de Saint-Martin de Pontoise, qu'il avait, depuis peu, trouvé moyen de séculariser par des échanges, et de faire de ce prieuré un bien héréditaire et patrimonial. ... [...]"
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Pour un maximum de citations de Saint-Simon, allez voir "Ce Pays-Ci ou A La Découverte de Saint-Simon" sur le lien suivant : http://notabene.forumactif.com/f7-ce-pays-ci-ou-a-la-decouverte-de-saint-simon
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