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Citations sur Mémoires, tome VI : 1716-1718 (suivi de) Additions au J.. (7)

Par un événement extrêmement rare, un employé aux mines de diamants du Grand-Mogol trouva le moyen de s'en fourrer un dans le fondement, d'une grosseur prodigieuse, et, ce qui est le plus merveilleux, de gagner le bord de la mer, et de s'embarquer sans la précaution qu'on ne manque jamais d'employer à l'égard de presque tous les passagers, dont le nom ou l'emploi ne les en garantit pas, qui est de les purger et de leur donner un lavement pour leur faire rendre ce qu'ils auraient pu avaler, ou se cacher dans le fondement. Il fit apparemment si bien qu'on ne le soupçonna pas d'avoir approché des mines ni d'aucun commerce de pierreries. Pour comble de fortune, il arriva en Europe avec son diamant. Il le fit voir à plusieurs princes, dont il passait les forces, et le porta enfin en Angleterre, où le roi l'admira sans pouvoir se résoudre à l'acheter. On en fit un modèle de cristal en Angleterre ; d'où on adressa l'homme, le diamant et le modèle parfaitement semblable à Law, qui le proposa au régent pour le roi.
[…]Ce diamant fut appelé le Régent. Il est de la grosseur d'une prune de la reine Claude, d'une forme presque ronde, d'une épaisseur qui répond à son volume, parfaitement blanc, exempt de toute tache, nuage et paillette, d'une eau admirable, et pèse plus de cinq cents grains. Je m'applaudis beaucoup d'avoir résolu le régent à une emplette si illustre.
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Le grand nombre de ces gens de toutes qualités étaient menés par le nez, comme il arrive toujours, par le chef ou les chefs, et le petit nombre de leurs confidents, qui détachent des émissaires, et qui tournent les esprits, sous divers prétextes, à faire tout ce qui leur convient, et ce qui ne convient qu'à eux ; et qui se rient et se moquent de ce grand nombre d'instruments dont ils font la même sorte de cas qu'un artisan et un ouvrier font de leurs outils, dont tout le travail n'est utile qu'à eux, et est inutile aux outils mêmes, qui, après avoir bien servi leurs maîtres, deviennent usés, ébréchés, cassés, et ne sont plus de nul usage, ni ramassés par personne.
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Le prince de Léon était un grand garçon élancé, laid et vilain au possible, qui avait fait une campagne en paresseux, et qui, sous prétexte de santé, avait quitté le service pour n'en pas faire davantage. On ne pouvait d'ailleurs avoir plus d'esprit, de tournant, d'intrigue, ni plus l'air et le langage du grand monde, où d'abord il était entré à souhait ; gros joueur, grand dépensier pour tous ses goûts, d'ailleurs avare ; et, tout aimable qu'il était, et avec un don particulier de persuasion, d'intrigues, de souterrains et de ressources de toute espèce, plein d'humeur, de caprices et de fantaisies, opiniâtre comme son père, et ne comptant en effet que soi dans le monde.
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L'excès de la joie, le sérieux du spectacle, l'inquiétude d'une dispute imprévue, firent sur lui une étrange impression. Vers le milieu du conseil, je le vis pâlir, rougir, frétiller doucement sur son siège, ses yeux qui s'égaraient, un homme en un mot fort embarrassé de sa personne. Quoique sans aucun commerce avec lui que celui qu'on a avec tout le monde, la pitié m'en prit; je dis à M. le duc d'Orléans que je croyais que M. de Tallard se trouvait mal. Aussitôt il lui dit de sortir, et de revenir quand il voudrait. Il ne se fit pas prier, et s'en alla très vite. Il rentra un quart d'heure après. En sortant du conseil, il me dit que je lui avais sauvé la vie; qu'il avait indiscrètement pris de la rhubarbe le matin, qu'il venait de mettre comble la chaise percée du maréchal de Villeroy, qu'il ne savait ce qu'il serait devenu sans moi, ni ce qui lui serait arrivé, parce qu'il n'aurait jamais osé demander la permission de sortir. Je ris de bon coeur de son aventure, mais je ne pris pas le change de sa rhubarbe; il était trop transporté de joie pour avoir oublié le conseil, et trop avisé pour avoir pris ce jour-là de quoi se purger.
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[Extrait d’un mémoire du duc de Saint-Simon adressé au régent sur l’inopportunité de convoquer les états généraux en 1717]
Mais lorsque toute la nation serait assemblée en états généraux, on conçoit aisément que les assemblées nécessaires des divers membres dans chaque province pour faire l'instruction et la députation à l'assemblée générale, que la relation indispensable de ces députations à leurs provinces et des provinces à eux, que celle de tous les députés aux états généraux les uns avec les autres durant la tenue, forment des liaisons, découvrent les gens qui par le crédit qu'ils y acquièrent, peuvent devenir ceux à qui s'adresser, et qui, pour conserver leur considération peuvent succomber à des tentations qui, dans l'organisement qu'on ne peut éviter qui ne résulte entre les provinces, et dans chacune d'elles, après la tenue des états généraux, peuvent devenir dangereuses au royaume, tristes à Votre Altesse Royale, et fâcheuses à l'autorité royale. Ce dernier article mérite toutes vos réflexions, et a peut-être autant ou plus de poids qu'aucun des autres qui l'ont précédé en ordre.
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Le ver rongeur du fils était de n'être de rien, et cette rage le rendait ennemi de presque tout ce qui avait part au gouvernement, et frondeur de tout ce qui s'y faisait. Sa faiblesse et sa vanité étaient là-dessus si pitoyables, que, sachant très bien que M. le duc d'Orléans ne lui avait jamais parlé, ni fait parler de rien, ni envoyé chez lui, et qu'il n'y avait ni affaire ni occasion qui lui pût attirer de message de ce prince ni de visite de personne des conseils, il défendait souvent et bien haut à ses gens devant ceux qui le venaient voir, de laisser entrer personne, quelque considérables qu'ils fussent, même de la part de M. le duc d'Orléans, parce qu'il voulait être en repos, et qu'encore était-il permis quelquefois d'être avec ses amis et de reprendre haleine. Ses valets s'en moquaient, et ses prétendus amis en riaient, et au partir de là en allaient rire avec les leurs.
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En même temps mourut un homme avec l'acclamation publique d'en être délivré, quoiqu'il ne fût pas en place ni en passe de faire ni bien ni mal, étant conseiller d'État sans nulle commission extraordinaire. Ce fut Harlay, fils unique du feu premier président, digne d'être le fléau de son père, comme son père d'être le sien, et comme ils se le firent sentir toute leur vie, sans toutefois s'être jamais séparés d'habitation. On a vu en son lieu quel était le père. Le fils, avec bien moins d'esprit et une ambition démesurée nourrie par la plus folle vanité, avait un esprit méchant, guindé, pédant, précieux, qui voulait primer partout, qui courait également après les sentences qui toutefois ne coulaient pas de source, et les bons mots de son père, qu'il rappelait tristement. C'était le plus étrange composé de l'austère écorce de l'ancienne magistrature et du petit maître de ces temps-ci, avec tous les dégoûts de l'un et tous les ridicules de l'autre. Son ton de voix, sa démarche, son attitude, tout était d'un mauvais comédien forcé; gros joueur par air, chasseur par faste, magnifique en singe de grand seigneur. Il se ruina autant qu'il le put avec un extérieur austère, un fond triste et sombre, une humeur insupportable, et pourtant aussi parfaitement débauché et aussi ouvertement qu'un jeune académiste.

On ferait un livre et fort divertissant du domestique entre le père et le fils. Jamais ils ne se parlaient de rien; mais les billets mouchaient à tous moments d'une chambre à l'autre, d'un caustique amer et réciproque presque toujours facétieux. Le père se levait pour son fils, même étant seuls, ôtait gravement son chapeau, ordonnait qu'on apportât un siège à M. du Harlay, et ne se couvrait et ne s'asseyait que quand le siège était en place. C'était après des compliments et dans le reste un poids et une mesure de paroles. À table de même, enfin une comédie continuelle. Au fond, ils se détestaient parfaitement l'un l'autre, et tous deux avaient parfaitement raison.
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