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Critique de pierre31


Il y a quelques années, ayant fini ma lecture du Journal littéraire de Léautaud, je décidai de m'attaquer aux Mémoires de Saint-Simon, dont le nom revient si souvent dans les pages de ce journal. Édition Jean de Bonnot en 20 volumes. La foule innombrable des personnages, le marécage des généalogies, les subtilités sans fin de l'Étiquette, la syntaxe souvent obscure, le vocabulaire désuet, les phrases d'une demi page, etc., le tout sans aucune note de bas de page : j'abandonnai au bout d'un tome et demi. J'y avais cependant trouvé quelques plaisirs et me promettais d'y revenir dans une version élaguée, à ma mesure. Comme j'ai bien fait !

Si cette lecture demande parfois un certain effort, du moins pour moi, elle m'a souvent apporté un rare plaisir de lecture, parfois même de la jubilation. On est bien loin d'une prose académique, patiemment sculptée, ciselée, désincarnée et artificielle par trop de travail; tout le contraire. Saint-Simon écrit, selon le mot De Chateaubriand, « à la diable », sans souci esthétique, uniquement préoccupé d'écrire vrai. La syntaxe est souvent baroque, les phrases comme des serpents, les répétitions nombreuses, mais bizarrement agréables, les énumérations d'adjectifs sans fin ou l'expression brillamment condensée, l'image, la comparaison frappante, les mots parfois manquants, oubliés, la plume ne pouvant suive une pensée trop vive, qui passe parfois brusquement au présent de narration... C'est cette spontanéité mélangée à un talent naturel qui rend son style, et quel style ! si particulier, si original, si vivant. Lui qui n'avait comme préoccupation en écrivant ses Mémoires que de servir à l'histoire de son temps...

Curieux de tout, historien et commère (« Je me suis peut-être trop étendu sur cet article : les singularités curieuses ont fait couler ma plume. »), passant des considérations historiques ou morales à l'anecdote piquante, mêlant grande et petite histoire, au fil du souvenir et du passé revécu, Saint-Simon n'est à mon avis jamais meilleur que quand il sort de son « impartialité », qu'il sait lui même impossible, et laisse ses passions prendre le dessus, notamment dans les portraits et peintures des caractères, des grandeurs et des bassesses, des vices et des vertus.

On entend souvent : « Il faut avoir lu... ». C'est une phrase assez stupide : les goûts et les couleurs... Mais je crois vraiment que pour qui s'intéresse un tant soit peu à la Littérature, il faut lire du Saint-Simon. Au passage, cette anthologie de 1400 pages, un sixième des Mémoires, est excellente : préface, note sur l'édition, notes de bas de page (en bas de page, pas à la fin comme chez Folio, ces cons !), index... Je ne peux que la conseiller.
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