Saint Nicolas ou le père noël joignent toujours aux bonbons, aux jouets, des livres d'images et s'il s'agit des tout-petits, bien souvent des contes de fées. n'est-ce pas là comme un témoignage sensible de la continuité cachée de la vie des croyances ? Les fées sont certes des personnages de moins en moins vivants et de moins en moins réels ; toutefois ne discernez vous pas encore, bien qu'à peine visibles, leurs pâles fantômes qui sortent des pages de Perrault ou de Mme d'Aulnoy et s'évanouissent dans l'éclat des lumière qui dans la crèche auréolent le petit Jésus ?
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Sous la domination romaine, les cités de la Gaule avaient toutes leur déesse ou leur génie : Bibracte sa "Dea Bibracta", Nîmes sa "Nemausis", Bordeaux sa puissante "Tutela", Besançon son génie "Vesontio". Nos antiquaires de l'avant-dernier siècle ont trouvé une inscription : "Genio Arvernorum", au Génie de l'Auvergne. Ces génies et ces déesses n'étaient que des adaptations ou des romanisations des fées et des esprits celtiques. Les uns et les autres devaient disparaître devant la foule des saints apôtres et des saints patrons des villages et des villes.
Les fées furent surtout des divinités topiques, des protectrices des lieux écartés ou déserts : bois, lacs, forêts, rochers, et la domination romaine fut de trop courte durée pour en venir à bout. Au temps de Jeanne d'Arc et même beaucoup plus tard, le clergé lorrain devra lutter pour réduire au silence les fées toujours turbulentes. Dans toute l'Europe la mythologie rustique se confronte longuement avec le christianisme et, grâce à des compromis, à des adaptations, à des combinaisons inattendues, les fées se christianisèrent.
(in : Additifs à "En marge de la légende dorée")