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Critique de Presence


Ce tome comprend les épisodes 7 à 12 de la série publiée par Dark Horse, initialement parus en 1996, ainsi que les pages parues dans les numéros 96 à 107 de la revue Preview, et le numéro "Color special" de 1997. Tous les épisodes ont été écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ils sont en noir & blanc, sauf le "Color special" (comme son nom l'indique). Il bénéficie d'une introduction de Lynn Johnston, auteur du comic strip For Better or For Worse.

Le tome commence par le récit "Return to Adachi plain" (8 pages) qui a la particularité d'avoir été dessiné par Sergio Aragonés. Miyamoto Usagi se souvient de la grande bataille au cours de laquelle il a reçu la cicatrice qui lui a laissé une marque au-dessus de l'oeil gauche.

Par la suite, Miyamoto Usagi doit affronter en combat Nakamura Koji, un bretteur ayant connu la défaite par Katsuichi, le maître qui a appris l'art de l'épée à Usagi. Il doit ramener chez lui un commerçant blessé par une petite route de montagne de nuit, sous la neige. Aux côtés du prêtre Sanshobo, il doit défendre un monastère, contre des mercenaires souhaitant y récupérer une lettre compromettante.

Aux côtés de Murakami Gennosuke, il passe la nuit dans une demeure hantée par un tengu. Dans un village il rencontre Oyama Tanadori, le maître des hiboux, qui peut voir la mort planer au-dessus des individus. Aux côtés de Tomoe Ame et Gennosuke, il passe une nuit dans une auberge hantée. Enfin il se retrouve en possession d'un kaki en céramique verte que beaucoup de gens souhaitent s'approprier.

Comme le titre de ce recueil le sous-entend, il s'agit d'une compilation d'histoires courtes, sans grand rapport entre elles, si ce n'est la présence du personnage principal. Encore que dans certaines scènes servant d'interlude, Miyamoto Usagi n'apparaît pas, laissant le premier rôle à Jei, accompagné de Jotaro, au général Ikeda, ou aux machinations du seigneur Hebi et du ninja Kagemaru. En fonction du récit, il s'agit pour l'auteur soit de montrer ce que trament d'autres personnages à d'autres endroits que ceux où se trouve Usagi, soit de raconter une histoire courte. En particulier celle consacrée au général Ikeda évoque la différence de vocation entre se consacrer à la guerre ou à une vie de paysan. Il fait ainsi ressortir le poids d'une vie consacrée à tuer, par rapport à une existence consistant à construire une famille et à travailler dur pour récolter ce qu'on a semé.

Le premier récit permet de comprendre pourquoi Miyamoto Usagi a un sourcil gauche beaucoup plus grand que le droit... parce que ce n'est pas un sourcil mais une cicatrice. le lecteur peu perspicace (comme moi) comprend enfin cette bizarrerie graphique sur le visage du héros. Aragonés dessine 6 des 8 pages du récit, pour une vision un peu plus agressive que celle de Sakai, plus bourrée à craquer de détails (c'est l'apanage de ce dessinateur), dépourvue de l'humour qui le caractérise dans sa série Groo, ou dans ses dessins pour MAD.

Outre ces histoires courtes le lecteur apprécie de pouvoir se plonger dans des récits plus consistants d'une vingtaine de pages. le premier s'apparente à un récit de rônins traditionnel, dans lequel 2 rônins se croisent, se jaugent, s'affrontent dans le contexte de leurs histoires personnelles. Ce récit importe au lecteur car il en apprend un peu plus, de manière indirecte, sur la maître qui a élevé et éduqué Miyamoto Usagi. Il apprécie le fait que le caractère des personnages participe à la construction de l'intrigue et à son articulation. Il ne s'agit pas d'une histoire générique, prête à l'emploi pouvant être calquée sur n'importe quels protagonistes.

La première page de l'épisode 7 est divisée en 9 cases et montre Nakamura Koji en train d'exécuter des gestes codifiés sur un fond blanc. L'effet est saisissant et permet d'apprécier la gestuelle déconnectée de son contexte. Les pages suivantes montrent le contexte et permettent de comprendre le sens de ces postures. Au cours de cet épisode, Usagi et Koji sont attaqués par une quinzaine de bretteurs. Cette séquence montre les limites des choix graphiques de l'auteur. Comme d'habitude, il n'y a pas de sang qui coule, ou de blessure apparente, ce qui diminue la force des conséquences des coups portés. En outre les 15 combattants attaquent en même temps, avec un manque d'organisation qui relève du stéréotype, se gênant les uns les autres et permettant aux héros de s'en tirer sans mal.

L'épisode consacré à l'attaque du temple propose un autre genre de récit puisqu'il mêle un soupçon de politique fiction (les actions clandestines de plusieurs seigneurs pour renverser le shogun), de l'espionnage (la mission de l'envoyé du seigneur Hikiji), et du chanbara traditionnel, avec le combat contre les mercenaires. Stan Sakai a conçu une prise de vue qui permet d'apprécier le nombre de mercenaires pénétrant dans l'enceinte, et la difficulté des moines pour les juguler. le parti pris graphique d'atténuer la représentation de la violence est toujours aussi affirmé, en particulier les combattants en train de passer l'arme à gauche dont les visages arborent des grimaces plus comiques que douloureuses. le lecteur apprécie que l'histoire s'achève sur une séquence entre Kagemaru et Shizu, ce qui permet de savoir ce que manigance cette dernière (un des personnages récurrents de la série).

Avec l'épisode suivant, Stan Sakai change de registre, pour revenir à une histoire de fantômes (tradition bien établie dans les contes japonais). Il s'agit d'une forme de récit aux conventions bien codifiées, que l'auteur respecte, et utilise avec pertinence. le déroulement de l'intrigue ne sort pas du chemin bien balisé des voyageurs fatigués trouvant un abri et étant attaqués sournoisement pendant leur sommeil. Sans surprise non plus, il se termine par un affrontement entre la créature surnaturelle et le personnage principal. L'auteur a inclus assez de rebondissements originaux pour conserver l'attention de son lecteur jusqu'au bout.

Il semble que cet épisode s'adresse plus à un lecteur jeune qu'à un lecteur plus âgé. le suspense est plus étoffé pour une personne habituée à ce type de récit que pour quelqu'un qui en a déjà lu des dizaines. En outre, le choix graphique de ne pas aller trop dans les détails de type réaliste désamorce l'éventuelle horreur générée par le monstre. Tous les lecteurs (quel que soit leur âge) peuvent apprécier la reconstitution historique, la véracité des costumes, l'attention apportée au mon (insigne du clan), et la cohérence de la disposition des pièces de la maisonnée. Au final, ce numéro est à prendre comme un conte pour enfants, avec actes de bravoure des héros.

Le dernier épisode présente donc la particularité d'être en couleurs et de changer à nouveau de registre. Miyamoto Usagi sauve un jeune enfant (ressemblant beaucoup à Winnie l'ourson) en le poussant du passage d'un cavalier mortellement blessé. Il se voit confier une céramique en forme de kaki. Il s'en suit une course-poursuite sans relâche, au cours de laquelle Usagi doit faire preuve d'inventivité pour conserver son avance sur ses poursuivants, et pour échapper à une prairie en feu. le rythme du récit, le courage du héros et sa valeur font penser à Tintin, à ceci près qu'Usagi n'hésite pas à occire ses ennemis (ce que ne fait pas Tintin).

L'auteur joue de façon matoise sur le mystère que représente cette céramique en forme de kaki, vide et d'apparence très ordinaire. La course-poursuite insuffle un rythme rapide au récit, avec un bon niveau de divertissement. Sakai réalise de magnifiques images, comme Usagi se promenant en bordure d'une falaise, avec une vue splendide sur la mer. Il réalise une séquence aussi violente que pince-sans-rire quand Usagi s'arrête dans une auberge pour se désaltérer avec un thé, et doit se défendre contre une poignée de soldats, alors que l'hôte est en cuisine. Il réussit à donner de l'ampleur au feu de prairie et à la situation en cul-de-sac d'Usagi, mise en scène pas si facile que ça à rendre convaincante.

Entre ces histoires plus longues, le lecteur peut apprécier d'avantage les histoires courtes et leur originalité. Il y a donc celle consacrée à la reconversion du général Ikeda, mais aussi celle en 3 pages où un jeune Miyamoto Usagi reçoit une leçon de son maître Katsuichi. Celui-ci lui indique qu'il y a beaucoup à apprendre, simplement en observant la nature, à commencer par les arbres. Il énonce alors les propriétés de quelques arbres, en s'arrêtant plus longuement sur le courage du prunier qui est le premier à fleurir dans le froid sous la neige, alors que les autres sont encore en état hivernal. Il illustre ainsi que l'apparence extérieure ne permet pas de préjuger de la force intérieure d'un individu. En 3 pages, Stan Sakai a raconté un conte, a mis en scène un adulte enseignant à un enfant, a utilisé à bon escient un élément des mangas de sabre (à savoir apprendre à partir de la nature).

Ce onzième tome est un peu particulier puisqu'il présente une suite d'histoires sans grand lien, de longueur diverse, sans dépasser les 24 pages d'un épisode. Par la force des choses, le lecteur apprécie plus certains récits que d'autres, et ajuste avec plus ou moins de facilité son niveau de suspension consentie d'incrédulité par rapport à la représentation édulcorée de la violence. Il prend plaisir à se plonger dans cette reconstitution intelligente du Japon féodal, en suivant les aventures d'un lapin anthropomorphe courageux, avec plus de caractère que ne le laisse supposer son apparence.
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