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Critique de berni_29


Le Poids des héros est une merveilleuse BD qui nous raconte davantage qu'une histoire. Son auteur, David Sala, nous invite par les mots et le dessin à nous plonger avec nostalgie dans le souvenir d'un récit autobiographique, qui a illuminé sa famille.
Antonio Soto de Torrado était son grand-père maternel, né à Oliva de la Frontera, au sud de l'Espagne. Il a survécu à la guerre d'Espagne, il a survécu au camp de concentration de Mauthausen.
Mais bientôt il va mourir et en mourant il va accomplir l'objectif qu'il s'était assigné : ne pas mourir avant Franco.
Son autre grand-père, Josep Soca, était espagnol aussi et tout comme le grand-père maternel il fut un héros de la guerre et de la résistance.
C'est six mois après l'annonce du décès du « Caudillo », qu'Antonio Soto s'éteint paisiblement dans son sommeil.
Nous sommes dans les années soixante-dix et l'auteur se souvient de ces années-là, les années de son enfance, où, petit garçon, il allait grandir avec le poids presque écrasant de ses deux figures familiales, qui échapperont de peu à la barbarie et à la mort, fuiront vers la France, connaîtront le déracinement, mais aussi l'amour et la transmission de leurs engagements politiques.
Ce sont ces années-là qui sont peintes et dépeintes dans cette formidable bande dessinée, une période qui représente pour l'auteur des jours heureux mais aussi une prise de conscience qui sera sans doute déterminante dans sa trajectoire personnelle.
David Sala convoque ses souvenirs d'enfance pour retrouver les figures tutélaires de ses grands-pères, c'est peut-être aussi une manière pour lui de se libérer du poids parfois oppressant qu'ils ont marqué dans la destinée familiale.
Alors nous voici plongés avec jubilation dans le décor kitsch des années soixante-dix, les tables d'école avec l'encrier de porcelaine, la Citroën ami 8, la même que celle que possédait mon père, les pantalons pattes d'éph et aussi ce pull-over jacquard que porte ce petit garçon sur la couverture, je suis sûr que j'en ai porté un aussi, un comme celui-là à son âge...
Mais ce décor est aussi fait de l'imaginaire de l'auteur, un déferlement de couleurs psychédéliques, de vagues et de fleurs, de paysages oniriques, alternant avec le récit, comme pour mieux cacher l'émotion, comme pour mieux faire passer des messages intimes et touchants avec pudeur.
Certaines pages sont d'une beauté à couper le souffle, ce sont pour certaines de vraies peintures, tantôt enchanteresses, tantôt agressives, toujours lumineuses et poétiques.
Mais quels sont ces messages ? Quel est le propos du texte au-delà du récit familial ? Quel est son sens ? Voici un livre dédié à la mémoire, à l'identité, au déracinement et à la transmission. David Sala rend hommage à ses grands-parents, de vrais héros au sens noble et historique du terme, mais il se déleste aussi du poids que de ces deux hommes, qui a pesé sur l'héritage familial. Car il n'est pas simple de faire son chemin plus tard, de creuser son sillon, lorsqu'on est un petit-fils de héros, comment avancer dans sa vie ordinaire avec ce poids sur les épaules ? Comment donner du sens à une vie « ordinaire » ?
David Sala est un passeur à sa manière. Quand je referme ce magnifique livre, séduit par le talent de cet auteur, je me dis qu'il a réussi avec brio sa mission et que sa vie est loin d'être ordinaire.
Et comment ne pas apprécier la citation si inspirante de l'écrivain Romain Gary, choisie comme épigraphe par l'auteur : « Lorsque vous écrivez un livre sur l'horreur de la guerre, vous ne dénoncez pas l'horreur, vous vous en débarrassez. » ?
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