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Jean-Christophe Saladin (Autre)
EAN : 9782251451442
500 pages
Les Belles Lettres (20/11/2020)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Nos aventuriers sont les humanistes.
Leur quête : retrouver la culture antique perdue.
En restaurant sa mémoire, ils fondèrent – souvent au péril de leur vie – une civilisation de la libre pensée, la nôtre.
Ils s’engagèrent dans tous les domaines de la vie sociale, depuis la peinture jusqu’aux droits des colonisés, en passant par le théâtre, l’astronomie et la religion.
Nous avons beaucoup à apprendre d’eux, en un temps où la liberté d’ex... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Rideau
Clio : Au moment de baisser le rideau sur cette représentation de la Renaissance riche en coups de théâtre, rappelons que les critiques des humanistes, autant que leurs émerveillements, ont continué à cheminer souterrainement pendant la Contre-Réforme pour reprendre un nouveau souffle au temps des Lumières avant de parvenir jusqu'à nous. L'élégant dialogue qui précède en fait foi. Reste l'ultime question des limites géographiques de la Renaissance, qui amène inévitablement cette autre : pourquoi ne s'est-elle pas étendue à l'Asie et à l'Afrique musulmanes ?
L'Auteur : Vous rêvez donc d'une Europe de la Renaissance s'étendant sur les vastes régions qui ont vu fleurir la culture antique latine et grecque ?
Clio : Rêvons donc ! Elle s'étendrait de l'Afghanistan jusqu'au Maroc, en passant par l'Iran, la Syrie et l'Égypte. J'emprunterai le mot de la fin à mon ami le grand orientaliste Pierre Lafrance : « La majeure partie de l'Orient continental relève d'une grande prairie d'herbes rares : la steppe et ses farouches conquérants. La civilisation y fut succession de renaissances entrecoupées d'invasions, dont la dernière fut celle des empires colonisateurs. La maturation médiévale – avec ses communes, parlements, guildes et hanses – ne put guère y parvenir à son terme. En un mot, il ne connut guère de Moyen Âge.
Cela met en lumière les décalages culturels à surmonter pour que les relations s'apaisent. Il y faut d'immenses efforts exigeant de hauts degrés de science et de sagesse chez des peuples dont chacun doit s'élever au rang de demos et ne pas s'en tenir à celui d'ethnos. En attendant un tel développement, les forces politiques mondiales, notamment orientales, semblent incarnées par trois figures tragiques : Torquemada, Macbeth et Egmont. C'est leur confrontation qu'évoque l'actualité. »
(EXCIPIT)

Tout au long de ce magnifique le Lecteur que je suis, eu envie de participer à ce dialogue entre Clio et L Auteur... Alors en toute humilité, je me permets de la faire maintenant....
Le Lecteur : Merci à vous Monsieur Saladin, L Auteur, de m'avoir embarqué dans ce voyage a long cours tellement enrichissant, avec un seul regret : celui d'avoir du refermer livre, mais on dit, généralement, que les meilleures choses ont une fin ... Mais tel un aventurier du savoir je sais que votre ouvrage sera toujours à portée de main, pour pouvoir m'y replonger....
Le Lecteur : Merci à vous l'Éditeur, Les Belles Lettres, de mettre entre les mains de lecteurs curieux des ouvrages d'une telle qualité tant sur le fond que la forme. Grace à voss publications la mémoire ne se perd pas (pour paraphraser le titre du livre) elle se transmet....  
Le Lecteur : Merci à vous l'Imprimeur, pour avoir ressuscité le temps de cette lecture, l'ébahissement et l'émerveillement que devait être ceux des lecteurs de la Renaissance, certes moins nombreux, qui découvraient le travail des orfèvres de l'édition de l'époque.

Tout commence par cette couverture qui laisse imaginer un voyage au long cours dans cette période si foisonnante ;

Viennent ensuite les différentes parties (la comédie de ce monde, arts, lettres, sciences et techniques, philosophie et religion) qui à chaque fois s'ouvrent sous forme d'un dialogue entre Clio et L Auteur ;

On est subjugué par de magnifiques frontispices issus de l'illustrateur suisse Froben, savamment commentés, pour orner les débuts de chapitres, à l'image de celui-ci qui ouvre le chapitre sur les philosophes :
"Respire à fond, impatient lecteur, car la traversée va être mouvementée ! Nous avons choisi d'ouvrir ce chapitre avec un frontispice « à tiroirs » qui réalise un des rêves des peintres de la Renaissance, car il représente un tableau antique très célèbre dont on ne sait même pas s'il a existé réellement. Ce tableau, connu sous le nom de Tableau de Cébès, est décrit en détail dans un dialogue en grec attribué au philosophe Cébès, lui-même présenté par Platon dans Criton et Phédon comme un disciple de Socrate.
Ce dialogue a connu une grande fortune à la Renaissance. Il a été imprimé (en grec) dès 1494 par Alde à Venise, puis par Zacharias Callierge à Rome. Il a été traduit très tôt en latin et en français, et même en arabe au xviie siècle. Sa paternité est hypothétique car, si Diogène Laërce affirme que Cébès a écrit un tel Tableau, le contenu du dialogue plaide pour un stoïcien tardif, raison pour laquelle il a généralement été publié avec le Manuel d'Épictète. Son argument est le suivant : des jeunes gens se rendent dans un temple dédié à Kronos (Saturne) et ils y admirent une peinture votive fort énigmatique. Un vieillard leur explique que ce tableau a été jadis offert au dieu par un dévot philosophe (disciple de Parménide et de Pythagore). Il représente une allégorie de la vie humaine sous la forme d'une enceinte renfermant les deux chemins possibles pour accéder au sommet du bonheur, le château de la Vraie Félicité (ARX VERÆ FELICITATIS). Ce parcours semble un véritable labyrinthe.
L'image se lit de bas en haut et de droite à gauche. L'entrée de l'enceinte se trouve dans le coin inférieur droit où un vieillard (le génie de Socrate, GENIVS) fait entrer tous les candidats qui se pressent à la porte. Derrière lui, la belle courtisane Persuasion (SVADELA) leur offre à boire la coupe de l'imposture, contena" ;

On déguste les digressions variées (biographiques, citations, explications, ...) mises en exergue par les "feuilles aldines" de l'éditeur vénitien ❧ Aldo Manuzio ❧  ;

On en fini pas de regarder dans le détail les lettrines qui débutent les chapitres sont empruntées à "La fabrique du corps humain" de Vésale ;

On admire cette iconographie riche, abondante et diverse. Ce sont tableaux, gravures, vitraux, dessins, imprimés qui viennent expliciter le propos ;

Jusqu'à la police de caractère Garamond inventée à la Renaissance et utilisée pour ce livre ;

On se souvient qu'à cette époque, les imprimeurs commandent à de grands artistes des frontispices magnifiques pour orner les pages de titres de leurs ouvrages, ainsi que des lettrines ou leurs colophons. Par économie, on utilise fréquemment les mêmes pour des livres différents. Certains d'entre eux sont décorés de véritables scènes à personnages multiples qui informent le lecteur sur la culture de l'imprimeur. le plus souvent on se contente de motifs décoratifs "grotesques" ou figurant des colonne, des frises ou des statues allégoriques, satyres ou putti tels que les architectes en décorent les façades des bâtiments. Pour les livres importants, le frontispice représente un véritable tableau à forte signification symbolique. L'élégance de la typographie et le qualité des ses illustrations contribuent énormément à l'intérêt de l'ouvrage

Vous l'aurez compris c'est un remarquable ouvrage à tous points de vue doublé d'une RÉUSSITE d'un point de vue esthétique et éditorial.

De nombreux ouvrage sur la Renaissance traitent indépendamment de l'art, de la sculpture, etc... et ce avec plus ou moins de réussite.
Ici l'auteur, d'une érudition sans faille, embrasse la Renaissance dans un ensemble qui se met en place au fil des pages et qui fait prendre conscience que les bouleversements ne sont pas seulement artistiques ou architecturaux. La médecine, l'astronomie, l'imprimerie et bien d'autres disciplines y ont leur place.
Sa motivation est claire : "comprendre les Anciens et les mettre à l'épreuve pour explorer le monde d'aujourd'hui", et à sa motivation répond un enthousiasme de lecteur.

Le pari qui au départ parait risqué est à mon sens réussi, il ne s'agit pas d'un ouvrage de plus sur la Renaissance, mais de L'OUVRAGE qui manquait sur cette période. un ouvrage passionnant à lire qui manie élégamment le fond et la forme ce qui de nos jours est une gageure. Il trouvera un place de choix dans ma bibliothèque, comme un ouvrage de référence.
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Je rejoins la critique d'Aquilon62 : beau livre tant sur le fond que sur la forme.
J'ai également apprécié l'approche holistique de la période, qui est très dense. Tout est intriqué dans un laps de temps finalement relativement court. Fort de toutes ces nouvelles connaissances, je pense relire bientôt L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar. Zénon évolue en effet dans cette période très trouble, et tente lui aussi de s'affranchir du carcan intellectuel de la scolastique et de l'intolérance religieuse du siècle.
L'ouvrage est très accessible et, plus beau encore que la couverture ou la typo, il diffuse à chaque chapitre, chaque ligne, l'envie d'apprendre, la curiosité de tout, et c'était très appréciable.

Seul bémol, les quelques commentaires sur l'actualité, où je trouvais que le livre sortait de son objet, pas toujours à bon escient selon moi.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le Prince est une longue supplique adressée par un politicien disgracié à son vainqueur. Il est vraisemblable que son destinataire – Laurent II de Médicis – ne l’ait jamais lue. L’auteur cherche à rentrer en grâce auprès du nouveau maître en lui offrant les clés de la prise du pouvoir et de sa conservation. S’il suit ses conseils, Laurent pourra devenir un nouveau César.

Si Machiavel est fasciné par les exploits des héros de l’Antiquité, c’est parce qu’il y voit les modèles permettant de juger ceux de ses contemporains. Il ne croit pas un instant que Dieu favorise quiconque. Pour lui, seule l’audace et l’intelligence garantissent le succès. Après avoir longuement analysé les qualités et défauts de tous les grands rois, papes et capitaines de son temps, il s’attarde sur les aventures du héros qui, selon sa démonstration, illustre le mieux la virtù.
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La Réforme luthérienne va donner un tournant imprévu à la Renaissance.
Il faut se garder de l’illusion rétrospective qui fait dater la Réforme de 1517. Pendant plus d’une génération les négociations restaient possibles et Luther est mort deux mois après l’ouverture du concile de Trente.
Dans ce domaine encore, les choix des princes laïques seront aussi décisifs que ceux des princes de l’Église, puisque la rupture finale entre les deux Europes (catholique et réformée) se jouera en deux temps :

D’abord, l’acceptation du principe hujus regio, cujus religio (Tel prince, telle religion, 1555) par Charles Quint près de dix ans après la mort de Luther. Seule la Pologne, l’Irlande et la Bavière resteront obstinément catholiques, tandis que l’Angleterre et les pays scandinaves passeront à la Réforme, avec leurs colonies.
Ensuite, l’achèvement du concile de Trente en 1563 et la publication de son acte final, sous les acclamations des Pères du concile : « Anathème à tous les hérétiques ! »

Les conséquences de la rupture se feront sentir jusqu’à nos jours dans les domaines de la politique et des arts.
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La principale doctrine médicale transmise par Hippocrate est la théorie des humeurs, qui restera dominante en Occident jusqu’au xixe siècle. Elle se fonde sur la très ancienne idée que la nature se compose de quatre éléments fondamentaux, qui se combinent à l’infini : le feu, l’eau, l’air et la terre, eux-mêmes affectés par deux couples de qualités contradictoires : chaud/froid et sec/humide, selon des combinaisons quasiment infinies.

    Les quatre « humeurs » correspondantes sont des liquides qui circulent dans le corps humain et assurent son développement harmonieux (sa santé) selon les natures respectives des organes qui les produisent et qu’ils parcourent. La moindre perturbation de cet équilibre subtil provoque la maladie :

Humeur.    Organe.     Élément.   Qualités.                       Tempérament
Sang.         Cœur.         Air.             Chaud et humide.       Sanguin (chaleureux)
Lymphe.    Cerveau. Eau.           Froid et humide.         Lymphatique
Bile jaune. Foie.          Feu.            Chaud et sec.              Bilieux
Bile noire.  Rate.         Terre.          Froide et sèche.          Atrabilaire (mélancolique)
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Quatre mois après le retour triomphal de Christophe Colomb (avril 1493), l’humaniste allemand Hartmann Schedel publie à Nuremberg un Livre des Chroniques contenant une histoire et une géographie universelles. Ce volumineux ouvrage, [...] donne une image précise de la façon dont les Européens de la Renaissance se représentaient le monde et son histoire.

Schedel et ses contemporains ne voient pas, comme nous, dans l’histoire une progression menant l’humanité d’un temps primitif vers la civilisation. Ils y voient au contraire – selon un schéma hérité des Grecs à travers l’évêque Augustin* d’Hippone – une succession d’« Âges », ordonnés selon les grands récits bibliques, qui nous éloignent inexorablement du Paradis terrestre (l’Âge d’or des Grecs). Ces « âges » nous rapprochent du Jugement dernier et de la Fin du monde – reprenant l’image des sept jours de la création judéo-chrétienne. [...]

❧ Les sept Âges de l’humanité selon Schedel
Après la création du monde (sept jours) et le temps primordial du Paradis, viennent :
❧ le 1er Âge : d’Adam au Déluge (1 656 ans) ;
❧ le 2e Âge : du Déluge à Abraham (292 ans) ;
❧ le 3e Âge : d’Abraham au roi David (940 ans) ;
❧ le 4e Âge : de David à la captivité des juifs à Babylone (484 ans) ;
❧ le 5e Âge : du retour de Babylone à la naissance du Christ (590 ans) ;
❧ et enfin le 6e Âge : de la naissance du Christ à nos jours (1 493 ans).
❧ Après nous viendra encore le 7e Âge du Jugement dernier. Schedel prend la précaution d’ajouter à cette énumération 4 pages blanches, où les lecteurs du futur pourront résumer la chronique des principaux événements de leur temps. ❧

La partie consacrée au 6e Âge est à elle seule deux fois plus longue que les cinq premières. Elle se construit sur la démonstration du triomphe du christianisme et de l’Empire, selon un axe double formé par les lignées des empereurs romains puis germaniques, ainsi que celle des papes. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une histoire, mais d’une tentative de concordance entre l’histoire « laïque » et l’histoire « sacrée ».
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La perspective n’était pas inconnue des artistes médiévaux (ni de ceux de l’Antiquité), qui savaient parfaitement qu’un personnage semble d’autant plus petit qu’il est plus éloigné. Mais ils ignoraient la construction des points de fuite et ils créaient généralement à l’intérieur d’un même tableau plusieurs zones distinctes qui avaient chacune sa propre perspective, indépendamment des autres. Ainsi, les tableaux de vies de saints (ou de Jésus) juxtaposaient une succession de lieux, abritant chacun un épisode de la vie du saint en question. Le personnage principal y apparaissait autant de fois qu’il y avait d’épisodes et le décor de chaque lieu était construit selon des lignes de fuites particulières. Giotto fut l’un des grands maîtres de ce procédé « agrégatif ».

Cette juxtaposition avait l’avantage de permettre de raconter facilement une histoire. On l’utilisait avec bonheur dans les commandes publiques : pour un roi qui fait raconter ses hauts faits ou ses campagnes militaires ; mais surtout pour les images d’édification religieuse, dont les prédicateurs étaient particulièrement friands. Ils pouvaient en effet illustrer par le menu leurs sermons par des images édifiantes tirées de l’histoire « sainte » ou des vies des saints peintes sur les murs. Les « chemins de croix » ont ainsi fidèlement orné les murs des églises jusqu’au xxe siècle.
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Vidéo de Jean-Christophe Saladin
Jean-Christophe Saladin, docteur en histoire et directeur de la collection "Le Miroir des Humanistes", présente l'ouvrage Les Besicles (Augenspiegel) de Johannes Reuchlin, paru aux Belles Lettres en septembre 2022.
Conférence UTLC (Université de toutes les Cultures) proposée par l'université de Rouen Normandie en partenariat avec l'Historial Jeanne d'Arc.
En 1510, Johannes Reuchlin, humaniste proche de Pic de la Mirandole et d'Érasme, s'oppose aux dominicains de Cologne qui confisquent les livres des juifs pour les brûler. Il soutient que les juifs sont les concitoyens des chrétiens et que la Kabbale contient les vérités secrètes de la religion. Il obtient gain de cause auprès de l'empereur, mais se voit accusé publiquement d'hérésie. Il se défend alors en publiant Les Besicles, solide argumentaire juridico-théologique en allemand et en latin, répondant à la question : « Faut-il brûler les livres des juifs ? » L'ouvrage est immédiatement condamné par la faculté de théologie et brûlé.
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251453422/les-besicles-augenspiegel
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