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EAN : 9782020906722
176 pages
Seuil (05/10/2006)
3/5   4 notes
Résumé :

En 1692, dans le village de Salem (Massachusetts), vingt-cinq notables sont exécutés pour sorcellerie sur la foi du témoignage de fillettes qui se prétendent possédées.

Quelques années plus tard, les autorités reconnaissent leur erreur. Commence alors un long cycle de repentante et d'excuses.

En dépit de tout ce qui les sépare, l'affaire des " sorcières de Salem " a de nombreux points communs avec celle qui fascina la Fran... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Certainement que beaucoup d'entre vous ont vu le film de Raymond Rouleau de 1957 "Les sorcières de Salem", le récit d'un procès historique de sorcières dans la Nouvelle-Angleterre (Massachusetts) en 1692, avec le couple Simone Signoret-Yves Montand et la sorcière de service Mylène Demongeot.
Un film basé sur une pièce de théâtre du dramaturge Arthur Miller (1915-2005), le mari de Marilyn Monroe, au titre homonyme en Français et en version originale "The Crucible". Il s'agit en fait d'une parodie des activités de la commission du sénat américain sous la présidence du fameux Joseph McCarthy contre les communistes de 1950 à 1954. Soit dit en passant qu'Arthur Miller a renouvelé le théâtre américain avec sa pièce "Mort d'un commis voyageur" de 1949 et toujours, malheureusement, d'actualité. de lui j'ai aussi aimé "Incident à Vichy".

Salem fut le théâtre tragique d'un complot satanique, où "les enfants sont devenus les pions d'une chasse aux sorcières mise en route par des interrogateurs fondamentalistes prêts à en extraire des révélations à n'importe quel prix". Une chasse qui a eu comme résultat l'exécution de 25 personnes sur une centaine d'accusés.... Pour conclure quelques mois plus tard à l'erreur judiciaire !

Les auteurs, Antoine Garapon et Denis Salas, indiquent dans leur ouvrages "Les nouvelles sorcières de Salem" que : "en dépit de tout ce qui les sépare, l'affaire des sorcières de Salem a de nombreux points communs avec l'affaire d'Outreau", qui a commencé en l'an 2000.

Bref rappel des événements et étapes : le 5 décembre 2000, l'aide sociale à l'enfance signale au parquet de Boulogne-sur-Mer les premiers témoignages des 3 enfants du couple Thierry Delay et Myriam Badaoui, placés sous leur garde, le 25 février de la même année. le 22 février 2001, le juge d'instruction, Fabrice Burgaud, ouvre une information contre le couple pour "viols sur mineurs de 15 ans, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendants, corruption de mineurs de 15 ans et proxénétisme aggravé". le couple est incarcéré, suivi de 7 autres 2 semaines après, encore 6 en novembre et finalement en février 2002 encore 2. le 4 mai 2004, au procès d'assises à Saint-Omer, 6 des 17 personnes sont libérées, 2 semaine plus tard 8 autres. Au cours du 2ème procès d'appel, à Paris, les 6 accusés comparaissent libres, le 7 novembre 2005. En décembre 2005, à l'Assemblée nationale une commission d'enquête parlementaire est installée afin de rechercher "les causes des dysfonctionnements de la justice dans cette affaire". En juin 2006, le garde des Sceaux, Pascal Clément, saisit le GSM (Conseil supérieur de la magistrature) en vue d'examiner les responsabilités disciplinaires du procureur et du juge d'instruction. En mai-juin 2015 devant la Cour d'assises des mineurs de Rennes, avec l'acquittement de Daniel Legrand cette "ténébreuse affaire" - pour citer Balzac - prit enfin fin.

Fabrice Burgaud s'en est tiré avec une simple "réprimande avec inscription au dossier" par le CSM....en 2011 il fut nommé magistrat à la Cour de cassation et, en décembre dernier, promu avocat général référendaire à cette cour. Une promotion fort critiquée, quand bien même s'il n'avait au début de l'affaire que 29 ans et aucune expérience.

L'analyse des points communs entre ces 2 affaires par 2 éminents magistrats ne se lit évidemment pas comme un simple thriller. Je dois avouer que comme non-juriste il m'a fallu une bonne dose de concentration pour saisir tous les éléments de cette "dissection", qui, à mon avis est exemplaire. Un ouvrage qui tranche avec la coupe mondiale de football à Moscou, mais qui donne aux intéressés un plaisir comparable.
Antoine Garapon et Denis Salas ne sont pas des novices en matière de questions juridiques complexes. Ensemble ils ont publié, en 1996, "La République pénalisée" et un an après, "La Justice et le Mal". Denis Salas, par ailleurs, ne fait que confirmer ici sa remarquable lucidité qui m'avait impressionné lors de la lecture de son "La volonté de punir : Essai sur le populisme pénal", que j'ai chroniqué ici il y a une bonne semaine.

Parmi les points communs qui valent absolument la peine d'être lus, je cite : le non-respect de la présomption d'innocence et le recours (indu) à l'emprisonnement, une instruction univoque et poussée, une pression médiatique fort exagérée (un journal a comparé Burgaud à Adolf Eichmann) et des discours politiques opportunistes. Puis il y a eu également dans les 2 affaires une foi "aussi naïve qu'excessive dans la parole des enfants".

Je termine par une citation de l'ouvrage sur l'activisme douteux dans ces affaires et qui en illustre bien le climat : "Se taire, c'est laisser faire. La prudence se mue en attentisme, le respect des droits en laxisme, la mesure en indifférence coupable".
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Neuf ans après sa sortie, ce livre reste d'actualité.

Il fait un parallèle avec d'autres affaires célèbres, notamment celle des sorcières de Salem et montre qu'elles sont le produit des craintes de l'époque d'un système judiciaire qui s'emballe et sans élément matériel va broyer monsieur et madame tout le monde.

Les auteurs se penchent beaucoup moins sur les erreurs individuelles du juge Burgaud que sur le fonctionnement du système. le troisième procès à Rennes en 2015 à d'ailleurs mis en évidence les grosses erreurs de méthode du juge Burgaud mais le procureur y a aussi reconnu qu'on avait laissé un débutant au prise avec une affaire et une inculpée qu'il n'a pas su maîtriser.

Le caractère exemplaire de l'affaire est dû à son impact médiatique, aux conséquences pour les acquittés mais aussi au fait qu'elle a exacerbé les traits et les défauts de notre système judiciaire pourtant présents dans d'autres cas.

Un certain nombres d'éléments sont recensés :
- l'ambiguïté du positionnement du juge d'instruction,
- des contrôles (JLD et chambre de l'instruction) qui se contentent de confirmer et ne veulent ni ne peuvent réellement vérifier le bien fondé de la détention "provisoire",
- opinion publique et personnel politique dans une logique sécuritaire et refusant tout risque mais criant haro sur le baudet lorsque cela produit des conséquences dramatiques,
- instruction et décisions prises dans le cadre d'un dossier papier qui ne sera confronté au réel qu'au moment du procès, grâce à "la magie de l'audience" d'assises.
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A travers une écriture nette et précise, Antoine Salas et Denis Garapon dressent le portrait d'une époque. Entre horreur et fascination, ils tentent de comprendre les mécanismes sécuritaires, les défaillances d'un système travaillé par la crainte de la pédophilie et des interdits absolus. Une enquête fouillée, étayée par de réels arguments juridiques qui, même s'ils n'apparaissent pas tous convaincants, ont le mérite de prendre le recul nécessaire face à cette terrifiante affaire.
Une critique du système inquisitoire et de ses faiblesses à laquelle s'ajoute une explication historique pour un plaidoyer sombre et complet, savamment argumenté et étayé. Un ouvrage à découvrir, pour son message autant que pour les thèmes qu'il soulève et qui explique avec un recul salutaire, les ressorts de l'affaire dans leur globalité.
Lien : http://art-enciel.over-blog...
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Antoine GARAPON ne parle pas pour ne rien dire.
Je recommande aussi son livre "Le gardien des promesses"
Je suis à l'affut de ce qu'il pourra encore nous dire.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En dépit de tout ce qui les sépare, l'affaire des " sorcières de Salem" a de nombreux points communs avec celle qui fascina la France entière voici quelques mois : l'affaire d'Outreau. Du XVIIe siècle finissant au XXIe commençant, se font écho les mécanismes de panique morale qui s'emparent du public, le poids des représentations du mal sur tous les acteurs du drame, l'autorité de la parole des enfants en l'absence de preuve matérielle, la confusion de la justice et de ses magistrats qui se laissent emporter par les passions collectives, et finalement les stratégies de restaurations de la vérité et de réparation à l'égard es accusés et de leurs familles, le tout à grand renfort de publicité et de mise en scène. [...]
Mieux: ni dans un cas ni dans l'autre, la contingence, les défaillances individuelles et le concours de circonstances ne peuvent tenir lieu d'explication suffisante. Chacune de ces affaires dissimule au contraire un véritable portrait d'époque. (P7)
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Ce qui rend difficile l'interprétation du phénomène politique que constitue l'affaire d'Outreau, c'est qu'elle semble, à bien des égards, à contre-courant de l'esprit du temps. Celui-ci est sécuritaire et ne cesse de renforcer les pouvoirs répressifs du juge. Et voici qu'on trouve qu'ils sont trop étendus. Notre société réclame chaque jour davantage l'intervention du juge et se réfugie derrière son autorité ; et voici qu'elle sape cette autorité. Les mêmes parlementaires qui demandent à longueur de textes aux juges de se montrer impitoyables avec la délinquance s'émeuvent avec l'opinion devant ces détentions provisoires prolongées...
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C'est à l'évidence une faiblesse de notre procédure : il est très difficile d'attendre de juges auquel il est demandé - dans ces affaires encore plus que dans d'autres - de s'engager activement dans une recherche de la vérité d'adopter des réflexes d'arbitre. On n'instruit pas sur des doutes, mais à partir d'hypothèses qu'il faut vérifier. Or le doute est la vertu cardinale de l'arbitre.
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C'est parce qu'elle était obnubilée par le bien, comme nous l'avons vu, que l'institution a fait du mal. Rien ne sert donc de lui faire la morale : mieux vaut l'aider à comprendre pourquoi elle s'est trompée.
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Les garanties procédurales ne viennent pas, en France, des droits de la défense mais de l'empilement des différents juges censés considérer d'un oeil impartial le travail d'un autre juge. Se succèdent ainsi dans une affaire criminelle : le procureur (qui est aussi un magistrat), le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention, le substitut qui règle le dossier, la chambre de l'instruction puis la cour d'assises, seule instance où des non-professionnels auront voix au chapitre.
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Videos de Antoine Garapon (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Garapon
Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.


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02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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>Droit>Procédure civile>Organisation judiciaire en France (30)
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