Je désirais venir au château, et je vis ici. Je voulais faire un beau mariage, je vais épouser le prince. Ils accèdent à mes prières, je vis l'existence de mes rêves. J'ai de la chance. Je suis privilégiée.
Je suis un instrument. Un couteau.
J'ai le choix de partir en sachant que je signe son arrêt de mort. Il paierait de sa vie mon bonheur avec Lief. Sa vie contre la nôtre.
Ma mère avait l'habitude de dire que tout ce qui brille n'est pas d'or. Elle avait raison : parfois les yeux brillent. Les yeux brillent... jusqu’à ce que la vie les quitte.
Je m'exerce à prononcer son nom, qui a la saveur des pêches que je chapardais quand j'étais enfant, le goût de la crème léchée dans le bol quand personne ne me regardait. Un goût d'interdit.
Je crois en nous. Je crois que je suis fait pour toi et que tu es faite pour moi.
Je préfère mourir plutôt que vivre sans toi.
- Lief, je ne peux pas.
- Aïe! dit-il en se frottant l'épaule. Si je n'avais pas l'épaule endolorie, tu sais, celle qui a été touchée lorsque je me battais pour ta liberté, je m'allongerais moi-même.
- ça, c'est mesquin, je proteste.
Ce n'est pas le vin ni l'émotion qui m'ont donné envie de le toucher. Lorsque je me suis regardée dans le miroir après son départ, j'ai vu cette lueur dans mes yeux ... Et j'ai reconnu l'attirance, le désir, vif, au goût de fraise.
Rien de ce que je croyais - rien de ce qu'on m'avait dit- ne s'est produit.
Lief disait vrai. Tous les autres m'ont menti. Je ne suis pas bénie des dieux. Je ne suis pas Daunen incarnée. Je ne sais pas qui je suis.
Alors, viens avec moi. Prends le contrôle de ta vie et viens avec moi. Je croyais que c’était ce que tu voulais ? (Sa bouche se tord et il cherche ses mots.) De toute façon, je ne peux pas rester ici, qu’importe les manigances de cette reine folle. Je ne peux pas te regarder devenir la femme d’un autre. Oui, il en sera blessé, et ils se lanceront à notre poursuite. (Les mots jaillissent de sa bouche maintenant.) Mais cela en vaut la peine, non ? Pour avoir une chance d’être ensemble ? Je crois en nous. Je crois que je suis fait pour toi et que tu es faite pour moi. Je préfère mourir plutôt que vivre sans toi. Et si tu n’éprouves pas la même chose, je comprendrai, et je partirai. Jamais plus je ne t’importunerai. Mais réfléchis, je t’en conjure. Peux-tu souffrir de rester avec lui alors que j’emporte don cœur avec moi ?