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Citations sur L'églantine et le muguet (9)

Durant ces jours lumineux d’un froid de glace où j’erre dans les paysages de mon enfance, mais aussi, dans le temps, sur des chemins parfois presque effacés, une conviction m’est venue, de plus en plus forte : tout ce que je suis, tout ce que je pense, tout ce que je fais ou ce que j’ai pu faire est marqué du sceau d’un principe fondamental que je tiens de mon éducation républicaine, la laïcité. C’est pour moi le principe des principes, le fondement de tous les autres, le fondement d’abord de la légitimité politique. La séparation entre l’État et les religions. La liberté de conscience, le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Et enfin le libre exercice de ses convictions, et la liberté de les exprimer.
Or de cette liberté-là, il semble que l’usage soit essentiellement réservé aujourd’hui à l’expression de ses convictions religieuses. Et chichement concédé à celle d’une incroyance sereine, vigoureuse et argumentée, reposant sur le refus philosophique de tout dogme et croyance en une surnature et en une révélation divines. Quelle outrecuidance, nous dit-on, et quelle naïveté de la part des incroyants, que de prétendre ou même seulement souhaiter se soustraire à l’emprise des religions ! On n’arrachera jamais l’humanité à son besoin de spiritualité et de consolation !
Et alors ? L’argument est des plus faibles. « La peur a créé les dieux », disent les épicuriens, dont Lucrèce. Et Freud après lui. Mais la détresse, le sentiment d’abandon, la peur de la mort, que nous partageons tous, ne donnent aucune existence et aucune vérité aux constructions métaphysiques dont notre faiblesse se soutient. Et aucune consistance à ce mirage de survie au-delà de la mort, de consolation, de rachat, de justification de nos peines. Platon dans le Ménon l’avait déjà dit : penser selon ce qui plaît, ce n’est pas penser. Ce que proposent les religions est « une imposture morale, intellectuelle, et politique », écrit Yvon Quiniou dans son livre Critique de la religion. Les religions prétendent à la vérité, alors qu’elles ne s’offrent à aucune des procédures qui font reconnaître une proposition comme juste et vraie. Elles ne peuvent donc garantir un ordre social dont les valeurs seraient unanimement partagées ; par nature, les religions divisent, en prétendant relier ; elles ne sont donc pas le facteur de paix qu’elles prétendent être. Et elles sont toutes menacées par des tentations de fanatisme et d’intolérance. La paix religieuse a été imposée en France par l’État, non sans difficulté ; quant à la paix des religions entre elles, c’est à la république qu’on la doit. Comme le dit une fameuse formule, la paix du zoo doit tout à la solidité des cages.
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L’Église a planté des vignes, dont elle avait besoin pour les sacrifices de sa messe ; mais nous en avions fait un tout autre usage. Nous autres vignerons (mon grand-père avait quelques arpents dans le Layon), nous lui avions repris le vin, nous l'avions arraché à ses douteuses opérations, à ses prestidigitations, pour en faire la lumière et la consolation de cette vallée terrestre, la seule à laquelle l'homme peut prétendre. Il y avait là, et aussi en Touraine, ou en descendant encore un peu la Loire, tout ce qu'il fallait pour le développement « toscan » ou « grec » d'une civilisation entièrement de ce monde : facilité du sol, du climat, mais aussi ce qu'il faut de brumes et d'air marin pour assurer les goût du mystère, et de l'infini. Tout était en place pour un miracle grec traversé d'énigmes cimmériennes. Mais par une configuration historique et politique encore inexplorée, il a fallu subir l'imprégnation mortifère d'une vieille religion bédouine rejustifiée par la pseudo-humanisation des Évangiles ; on nous avait imposé de préférer l'au-delà à l'ici-bas, et nous avons cédé. Les idéaux et les principes de la république, cernés de toute part au cœur d'un océan de catholicité, ne trouvèrent donc qu'un appui indirect dans cette population vigneronne et madrée qui ne « disait trop rien », mais n'en pensait pas moins.
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L’églantine est la fleur des socialistes, les « églantinards » comme les appelle Maurice Barrès. Sous le gouvernement de Vichy, l’églantine rouge des socialistes est contrainte de laisser sa place au muguet pour le 1er mai. La rivalité de l’églantine et du muguet est comme le symbole et le résumé des grands affrontements de notre histoire nationale.
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Tout est là : à livre ouvert. Le poids de l’Église, avec ses processions, ses fêtes. Les rapports entre les sexes. Les alliances, la grande propriété, la soumission des domestiques, des employés des châteaux, des commerçants : ma mère n’aime pas que la baronne salue le boucher par son prénom, sans saluer personne d’autre, et se fasse servir la première, quand la boutique est pleine de clientes. Tout est clair et se dispose dans un ordre parfaitement évident : le haut, le bas, la droite, la gauche, dans un équilibre qui parfois se rompt, à l’occasion d’un événement local, ou national. Un monde extrêmement construit qui se révèle jusque dans la manière dont on parle de soi, dont on me parle, à moi qui ne suis qu’une enfant.
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« La France, écrivait Sartre en 1961, était autrefois le nom d’un pays ; c’est aujourd’hui le nom d’une névrose. » Cinquante ans plus tard, elle s’est réincarnée dans la « question musulmane ». Associée au fantasme d’une immigration non contrôlée, et dramatisée par la série d’attentats qui ont ensanglanté notre sol, où des musulmans étaient impliqués, elle nourrit nos peurs, pervertit le dialogue social, empoisonne le débat politique. S’éveillent ou se réveillent des questions politiques, sociales, religieuses qu’on croyait oubliées. Des choix datant des guerres coloniales, notamment de la guerre d’Algérie.
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il est très exagéré de réduire l'examen d'entrée en sixième à une barrière dressée contre l'invasion des pauvres dans le secondaire d'élite. On peut même légitimement affirmer que, malgré leur origine qui les destinait naturellement au lycée, certains enfants de la bourgeoisie n'avaient pas le niveau nécessaire pour y réussir. Et que, inversement, bons élèves à l'école primaire, des enfants "du peuple" trouvaient avec cet examen, le moyen de contourner l'obstacle purement social à leur entrée au lycée.
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Même ici, en un sens, le village n’existe plus. Les anciennes maisons sont toujours là, rénovées, mais on y vit seulement, on n’y travaille pas. Il n’y a plus ni artisanat ni commerce, sauf une boulangerie, et une épicerie associative créée à l’initiative du maire, qui marche très bien. Seules parfois de larges baies, dans des maisons agréablement aménagées, témoignent qu’il y avait là une boucherie, une épicerie, une mercerie, une marchande de modes.
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Il l’avait entendue lâcher deux mots comme « C’est fini » ou « En voilà une fin ». Peut-être même avait-elle dit quelque chose de plus long, de plus argumenté, comme : « Chaque chose se termine, un film, une chanson, on est vite arrivés à la fin. Puis le temps passe et c’est la chose dont on se souvient le plus, les fins. C’est ce qui reste, au bout du compte, qu’elles soient belles ou moches. »
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On peut être anticlérical sans être athée ou hostile à la chose religieuse », note Jacqueline Lalouette dans un article de 19833. Sans doute, et il le faut, si l’on veut rallier les croyants au principe de laïcité. Mais il est clair que nous, nous n’en restions pas là. L’anticléricalisme dérivait presque toujours en lutte antireligieuse. Comment accepter que la souveraineté politique fonde sa légitimité sur des dogmes ou des « vérités révélées » soustraites à toute vérification ? D’où une confrontation vive avec l’Église, un face-à-face d’hostilités récurrentes, des escarmouches, un état de guerre.
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