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Critique de BazaR


C'est grâce à la critique de l'ami gill que j'ai mis mon nez dans ce livre. Eh bien c'était une sacrément bonne idée.

Les livres sur l'Empire romain qui l'évoquent sur le temps long laissent souvent une impression d'une société en perpétuel déséquilibre, déstabilisée à chaque instant par les usurpations des ambitieux et les invasions extérieures, incapable de penser à autre chose qu'à sa sécurité et où il ne faisait pas bon vivre. Cette vision déformée est artificielle : condensez n'importe quelle longue période de l'Histoire en deux centaines de pages, et vous en créerez l'impression de variations rapides et bousculées comme celles du cours de la bourse d'une action.

Catherine Salles a eu la bonne idée de nous proposer la description d'une période courte, souvent négligée, de l'Empire romain : la trentaine d'années de domination des Flaviens (69-96) qui s'inscrit entre la chute de Néron (plus précisément après les trois empereurs éphémères Galba, Othon et Vitellius) et la prise de pouvoir des Antonins. Trente ans, c'est une période que notre esprit peut appréhender, que l'on peut comparer à celle de notre existence.
Même si la guerre n'est pas absente — en particulier la guerre contre les Juifs qui favorisera la prise de pouvoir de Vespasien — c'est l'évolution de la société de l'Empire en ce temps de stabilité que j'ai trouvée épatante. Ce que les Flaviens ont favorisé, c'est l'extension d'un sentiment d'appartenance, du fait de se sentir romain, d'être respecté en tant que tel, dans toutes les régions de l'Empire. On peut désormais réussir et parvenir au plus haut niveau de l'État si on est italien non romain (comme les Flaviens), espagnol voire oriental. La mobilité sociale existe. Nombreux sont les citoyens de l'Empire qui font leur la culture latine.
L'intégration est en passe de réussir, même si elle ne se fait pas sans casse, par exemple pour les agriculteurs italiens qui commencent à souffrir de la libéralisation du commerce qui les met en concurrence avec les Gaulois ou les Africains qui produisent à moins cher (on se croirait dans l'Union européenne actuelle). Quelle que soit la société, tout le monde n'est pas gagnant. Cependant on sent bien que la possibilité d'améliorer son sort, de sortir de sa caste, de s'éduquer, existe. C'est assez enthousiasmant.

Catherine Salles nous décrit dans un style accrocheur les évènements qui ont suivi la chute de Néron, la vie personnelle des trois empereurs de la dynastie et leur personnalité propre. Ils ont renforcé le pouvoir personnel du Prince au dépends du Sénat, et l'on prend conscience du double tranchant que cette lame représente. Si le Prince possède une vision stabilisatrice et intégratrice, s'il se considère en quelque sorte au service de l'Empire, celui-ci évolue positivement. Mais si l'on tombe sur un dingue — et le dernier représentant des Flaviens, Domitien, avait bien des côtés douteux — la tyrannie peut vite devenir insupportable. Et c'est le problème que la notion d'héritage de la charge du Prince, que développe Vespasien, provoque. Vespasien compte sur son ainé Titus pour poursuivre son oeuvre et néglige son cadet Domitien. Mais Titus, malgré un bon début, meurt au bout de trois ans, et le principe dynastique donne le pouvoir à Domitien qui finira assassiné. L'auteur, cependant, ne s'acharne pas sur Domitien et lui reconnait d'avoir poursuivi l'oeuvre intégratrice de son père.

Cette période d'une trentaine d'années n'est pas sans rappeler la construction européenne telle que nous la connaissons. Elle affirme bien haut que Rome n'était pas une dictature écrasant de mépris des dizaines de peuples sous sa botte. Elle montre une société où chacun a sa chance et où la culture se déploie. Rome avait d'excellents côtés, il ne faut pas l'oublier.

Le seul reproche que je fais à ce livre, c'est qu'il n'existe pas un tome deux qui évoque les Antonins, l'âge d'or de Rome dont l'action Flaviens a permis la montée.
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