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Christian Salmon, avec brio, nous montre dans ce livre « le pouvoir qu'ont les histoires de constituer une réalité. »

Au commencement, la marchandise.

Et dans les années 80, la marque ou le logo ; aujourd'hui les entreprises produisent « non plus des marques mais des histoires. »

Les produits s'étaient dissous dans les marques mais ces logos ont eux-mêmes été contestés. Exemple emblématique, les mésaventures d'un logo phare Nike. « Les campagnes du mouvement anti-Nike rendaient visibles les trous noirs de la globalisation : elles éclairaient les liens invisibles entre les marques et les ateliers sous-traitants, entre les agences de marketing et les ateliers clandestins, entre les ballons de foot aux pieds des athlètes du Mondial 98 et les mains des enfants qui les fabriquaient.»

Aujourd'hui les communications alternent des « stratégies de narration et de contre-narration.» le fétichisme de la marchandise se pare de nouveaux oripeaux, se maquille au merveilleux de l'histoire contée. L'auteur cite un expert en marketing, Asharf Ramzy : « Les gens n'achètent pas des produits, mais les histoires que ces produits représentent. Pas plus qu'ils n'achètent des marques, mais les mythes et les archétypes que ces marques symbolisent. »

Ces nouvelles méthodes multiplient les messages commerciaux, assurent un pullulement de signes « transforme la consommation en distribution théâtrale. »

Il ne faut sous-estimer la puissance de création de cette nouvelle narration avec son cortège d'oxymores qui « déstabilisent les réflexes d'incrédulité ou de scepticisme et produisent un effet de surprise de nature à intriguer, séduire, captiver. »

Hier, au centre de ces orientation, les consommateurs, aujourd'hui : l'audience.

Christian Salmon enchaine avec l'extension de ces narrations au coeur même de l'activité des entreprises avec le storytelleing management, la mise en récit généralisé de la vie au travail et les tensions engendrées par les exigences contradictoires d'autonomie et d'interdépendance.

Il ne s'agit pas seulement de cacher la réalité dans un « voile de fictions trompeuses, mais de faire partager un ensemble de croyances à même de susciter l'adhésion et d'orienter les flux d'émotions, bref de créer un mythe collectif contraignant. »

Avec humour, l'auteur nous conte une fabuleuse histoire de Wall Street « Enron était devenu un véritable mirage financier, producteur d'illusions non seulement pour ses salariés intéressés à la croyance, mais aussi pour les plus grandes banques du monde, les analystes financiers, les experts comptables et les actionnaires de Wall Street. » L'effondrement du mythe serait comique s'il n'avait pas ruiné les salarié-e-s et réduit à néant leurs fictives retraites en fonds de capitalisation.

Dans cette économie fiction, l'auteur porte un regard attentif sur les call center, centres d'appels téléphoniques délocalisés, qui effacent les frontières. Nul ne sait plus le lieu de l'interlocuteur, proche-lointain.

Mais la fiction narrative ne s'arrête ni à la diffusion des marchandises, ni à la vie des entreprises, elle envahit et dépolitise la politique. Je laisse les lectrices et les lecteurs suivre l'après 11 novembre, les icônes du conservatisme compassionnel de Bush. L'auteur centre son analyse sur « la mise en scène de la démocratie plutôt que son exercice » et ne laisse de coté ni la guerre, ni les « armes de distractions massives » jeux vidéos ou séries de télévisions.

Les présentations et les analyses ne sont cependant jamais unilatérales, l'auteur essayant de faire ressortir les éléments contradictoires, les contre-tendances, les espaces d'inversion de ces nouvelles propagandes, des transformations médiatiques, du nouvel ordre narratif, de cette réalité « désormais enveloppée d'un filet narratif qui filtre les perceptions et stimule les émotions utiles. »

Dans une postface à la réédition, Christian Salmon décrypte le Storytelling, la « redistribution qui ébranle la place respective et le statut de vérité des discours politiques, économiques, scientifiques, religieux, le partage du vrai et du faux, du sacré et du profane, les frontières de la réalité et de la fiction. »

Une lecture jubilatoire, un livre indispensable pour démasquer « cet incroyable hold-up sur l'imagination. »

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Le problème dans les essais dont le titre porte le programme, c'est que le reste de l'ouvrage est réduit à en être la démonstration. le propos devient univoque, dans une tentative désespérée de justifier par tous les moyens que l'affirmation de couverture est, plus qu'une réalité, un danger, urgent, imminent, vital, en réalité déjà là, et qu'il est, horreur supplémentaire, mondial, planétaire, et même, universel.

En réalité, si l'on a tourné la couverture, c'est que l'on est déjà un peu sensibilisé par le sujet, ou disons "à l'écoute" : on s'attend à un peu de considération de l'auteur dans ses explications. A l'inverse, l'essai est en lui-même une gigantesque histoire, qui puise à des sources aussi innombrables que disparates, articulées les unes aux autres sous le simple prétexte que les citations soutiennent la thèse de l'auteur. L'impression est celle qu'on nous "raconte une histoire". L'essai est donc assez pénible à lire. On ne peut soupçonner par cette méthode d'introduction à chaque chapitre sous la forme d'une "histoire" ("les trois histoires" de Steve Jobs, celle d'un réalisateur indien ou encore le "cas" Renault, par exemple) une volonté de l'auteur de nous convaincre par l'exemple, par le récit, ce que, justement, il dénonce. Mais c'est aussi pénible à lire par la foison des références et l'aspect "fragmenté" du propos (fragmentation dénoncée par l'auteur chez les partisans du storytelling), le mélange des dates et des époques (on passe du XXIème siècle au XIXème puis on revient au XXème, on recommence au chapitre suivant) qui donne l'impression d'un éternel présent, un problème qui aurait toujours eu lieu.

Enfin, il faut noter que la très grande majorité du livre se concentre sur les Etats-Unis : George Bush père et fils, Reagan, le Pentagone, Nike, Apple, etc. Malgré un dernier chapitre sur la campagne présidentielle de 2007 en France, il n'est pas fait mention d'autres pays que les Etats-Unis. Comme argument de ce biais, un sous-titre (p. 126) porte le nom de l'ancien président de la République française mais... seules onze lignes le concernent sur deux pages de texte. le propos se résume à "c'est exactement ce qu'a fait...".

En conclusion, une profusion de citations et de sources qui donnent l'illusion de la maîtrise de son sujet par l'auteur mais en vérité : aucun cas n'est approfondi, beaucoup d'affirmations, peu de mesures, de preuves, d'observations, des liens de causalité absents, une réflexion qui repose surtout sur celle des autres (beaucoup de références indirectes, par l'intermédiaire de textes citant eux-même, beaucoup de citations non référencées), une réflexion fragmentée et non suivie. En bref, une intuition initiale que "le storytelling, c'est pas bien", et une course éperdue pour dessiner rapidement un croquis qui le dise. Mais que peut un storyboard contre le storytelling ?
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Au lieu de débattre sur des idées, on nous raconte des histoires pour toucher notre émotivité. le storytelling toucherait la politique, le management, le marketing, la communication et même la guerre.
Conséquence "Une démocratie moins délibérative, des citoyens inondés par le spectacle symbolique de la politique, mais incapables de juger ses leaders et le bien-fondé de leurs politiques" - John Anthony Maltèse.

La bataille des histoires pour toucher le coeur des gens au lieu d'échanger de manière rationnelle sur ce qu'il faut faire.

Le livre se lit bien, on en ressort un peu remonté quand même parce qu'on nous prend pour des c**s. le côté positif, c'est que la prochaine fois qu'on nous racontera des salades au lieu de communiquer (pour de vrai), on ira prendre un café et on cherchera une réponse ailleurs que dans la bouche d'un conteur d'histoire.
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S'appuyant sur des expériences et un corpus de travaux apparus aux États-Unis à la fin des années 80, et qui sévissent aujourd'hui dans les domaines du marketing, du management et de la communication politique, Storytelling s'applique à décrire et à dégager les effets d'une nouvelle doctrine de propagande, basée sur un art de raconter des histoires. le problème du livre, c'est qu'il méconnaît assez largement l'histoire qu'il prétend écrire et, déjà, passe sous silence la longue tradition de cet "art de raconter des histoires" dans l'Amérique de l'esclavage puis de la ségrégation, dans la communauté noire notamment.
En effet, le « storytelling » est apparu dans les années 90 aux Etats-Unis (bien qu'à d'autres moments du livre, il situe leur naissance sous Reagan en 1984). A cette période, « le tournant narratif des sciences sociales coïncide avec l'explosion d'Internet et les avancées des nouvelles techniques d'information et de communication ». Une nouvelle fois, la communication entre les individus mutait. On allait passer du capitalisme de capitaine d'industrie à un libéralisme sans visage devenu nomade et indolore. Beaucoup de firmes commencent à se saisir de la publicité pour raconter l'histoire de leur entreprise au monde, et les études de marché utilisent l'outil « storytelling »pour recueillir les récits des usagers sur la manière dont ils consomment les produits et services d'une entreprise.
La seconde partie de l'ouvrage de Salmon se tourne vers les domaines politiques et médiatiques où l'art du récit est devenu le mode de manipulation des foules, orchestré par les spin doctors de la politique. Raconter est devenu un moyen de séduire et de convaincre, d'influencer un public, des électeurs, des clients.

Une note d'espoir cependant apparaît dans l'analyse de Salmon. Paradoxalement, elle vient de la littérature et du cinéma ! Les écrivains et les cinéastes n'ont pas renoncé à l'éthique qui commande leur activité et sont en réalité aux avant postes pour dénoncer ces manipulations. Et Salmon de conclure en en appelant à la mise en forme (artistiques, politiques, culturelles) de « pratiques symboliques visant à enrayer la machine à fabriquer des histoires, défocalisant, en désynchronisant ses récits ».
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Les grands récits qui jalonnent l'histoire humaine d'Homère à Tolstoï et de Sophocle à Shakespeare racontaient des mythes universels et transmettaient les leçons des générations passées.

Le storytelling parcourt le chemin en sens inverse : il plaque sur la réalité des récits artificiels qui visent à manipuler les individus.

Inspirée par les analyses de Roland Barthes ou Paul Ricoeur, cette technique narrative, cette façon très particulière de raconter la réalité sous forme d'histoires a pris son essor au Etats-Unis où elle s'est immiscée dans l'économie, la publicité et la politique.

Ce livre retrace cette évolution et donne des clés pour en comprendre les effets ainsi que les enjeux économiques et sociaux.
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Sujet bien traité, au delà de la pure polémique, abordant les techniques, leur intérêt mais aussi, car il le faut dans ce monde de positivistes aveugles, les dangers énormes que peut représenter leur emploi inconsidéré dans tous les pans de la vie sociale.
Un début d'arme pour s'en défier en décortiquant les discours - marketing, managériaux, économiques, politiques, ... - trop aguicheurs.
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Le livre est manifestement le fruit d'un gros travail de recherche et de réflexion. Il donne à voir la méthodologie utilisée pour manipuler le comportement (et donc le cerveau) de chacun d'entre nous. le message en est effrayante voire insupportable : quelle est la part de vérité dans les histoires qu'assènent les communicants? La réponse n'est pas explicitement dite; mais on peut la déduire.
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Ça débute un peu lentement en s'axant sur l'historique du style marketing des boites (sans beaucoup d'exemple) puis ça monte en puissance avec l'application du storytelling à la politique qui éclaire la communication politicienne actuelle.

Incontournable pour comprendre la communication de nos politiques et pouvoir mieux la combattre et la contourner.
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Trop morcelé et prévisible à mon goût. L'auteur fait feu de tout bois.
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Des ouvrages d'importance permettent d'endiguer le mascaret néolibéral en participant à la prise de conscience de tous les types d'influences dont usent les puissants pour faire tourner la machine. Avant l'on broyait, désormais on endort en "racontant des histoires"
Ouvrage à glisser dans la thématique de lutte contre les propagandes, entre Noam Chomsky et Ignacio Ramonet par exemple.
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