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EAN : 9782757845561
264 pages
Points (21/08/2014)
3.65/5   109 notes
Résumé :

Deux hommes, Rand et Cahot, unis par une forte amitié et la passion de la montagne. Ils se retrouvent dans les Alpes pour l'assouvir ensemble et chacun à sa manière. Pour Rand, la montagne - l'alpinisme - c'est à la fois une quête d'absolu el la fuite d'un monde qu'il n'accepte pas. Un jour, à l'occasion d'une escalade particulièrement périlleuse, Rand parvient à sauver Cabot d'une mort certaine. Leur aventure... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Un écrivain américain qui situe la majeure partie de son roman dans le massif du Mont Blanc, ce n'est pas très courant. Alors, bien sûr, il ne faut surtout pas tenter une comparaison avec le grand Frison-Roche qui vivait au coeur du massif, à Chamonix, était guide de la compagnie chamoniarde et, surtout, possédait un talent littéraire apte à décrire montagne, désert, grand nord et peignait les rapports humains en toute simplicité, naïveté même quelquefois.

Néanmoins, James Salter produit, avec cet homme de solitudes multiples, un roman qui tient le fil de l'arête, même s'il mêle plusieurs histoires dans la principale.

Drus, Triolet, éperon Walker, Eiger, glaciers et refuges, emmènent le lecteur avec Rand, l'américain, dans des ascensions jamais faciles, souvent dangereuses, très perturbatrices du mental fragile du héros.

On a également une belle scène de secours en montagne très bien décrite avec l'incertitude sur l'issue finale pour les alpinistes en danger de mort. D'ailleurs, l'ensemble des faits d'alpinisme sont décrits avec un réalisme traduisant parfaitement les situations, qu'il s'agisse du rocher, de la glace, des intempéries telles que orage, grêle, neige, tous les aléas de la haute montagne.

Les aventures sentimentales des protagonistes et la découverte, à cet égard, de la ville de Paris par Rand, apportent une touche de sensualité diffuse avec une valse des désirs qui ne laisse pas indifférent.

Il est intéressant également de découvrir le contraste entre les ascensions alpines et américaines dans les Rocheuses, ainsi qu'entre Los Angeles et Paris, et toutes les perceptions des personnages, l'angle de vue américain différent sensiblement du français.

Un bon roman qui peut paraître confus quelquefois mais qui est au top pour tout ce qui touche aux exploits d'alpinisme.

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Je n'ai jamais été réellement passionnée par les montagnes même si je vis depuis ma naissance dans une région qui s'y prêterait pourtant et encore moins par l'alpinisme. J'ai toujours eu la trouille d'escalader ne serait-ce qu'un jour un minuscule mur d'escalade lorsque j'étais adolescente et que le prof de gym tentait désespérément de nous donner le goût pour ce sport et pourtant...dans cet ouvrage, je n'ai eu qu'une envie : essayer de vaincre enfin ma peur !

Rand est un homme qui vit aux Etats-Unis et qui a toujours été un féru d'alpinisme, et plus précisément d'escalade. Toujours prêt à relever des défis, il décide un beau jour de tout quitter et de se rendre à Chamonix afin de s'attaquer aux plus hautes montagnes de France. Sur place, il se lit d'amitié avec un autre passionné, Jack Cabot. Ensemble, ils vont sans cesse se fixer de nouveaux objectifs : toujours plus haut, toujours plus dur...quitte à y laisser sa vie mais afin de laisser une trace de leur passage sur cette Terre et surtout, de tout oublier durant leurs ascensions, aussi pénibles soient-elles. En effet, ce qui m'a passionné dans cet ouvrage, c'est que lorsque Rand décrit ses efforts, il n'a qu'une idée en tête : où va-t-il pouvoir soit poser son pied, soit prendre une accroche avec l'une de ses mains afin de progresser et surtout, afin d'éviter, une interminable chute dans le vide ? Ne penser qu'à une chose...le rêve ! Fini les tracas quotidiens et les questions interminables que l'on pourrait se poser sur le sens de la vie. Non, là, qu'une chose en tête : où trouver ma prochaine prise ?

Un ouvrage sur les montagnes certes, sur l'escalade mais qui reste avant tout un roman dans lequel se mêlent amitié, histoires d'amour mais plus que tour : la joie de vivre, de se sentir exister et d'être vivant tout simplement ! Une écriture fluide simple, avec des chapitres relativement courts...bref, une lecture que je ne peux que vous recommander !
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Pendant qu'Onee faisait son tour de France à vélo, j'ai chaussé mes crampons et pris de la hauteur pour défier la montagne, et plus particulièrement les sommets entourant le Mont Blanc : les Drus, la pointe Walker, l'Eiger, , le Triolet, la Brenva…
Les grands espaces, la solitude, l'endurance, le courage, le froid, j'ai partagé tout cela avec Rand, cet américain venu de Californie à Chamonix pour satisfaire sa passion, l'escalade.
Une vie de bohème, vivant de peu mais tout axé vers l'escalade, Rand se crée petit à petit une légende dans le milieu très restreint de ce sport extrême jusqu'au jour où la montagne lui intimera l'ordre d'arrêter.

J'ai été happée par ce récit qui fait la part belle à l'escalade, la montagne et ses sommets, les conditions météorologiques, les refuges, les rencontres avec les autres grimpeurs, le bruit des crampons et des piolets dans la glace, la peur, le vide, et l'amitié qui lie depuis tant d'années Rand avec Cabot, un autre alpiniste.
J'ai suivi leurs ascensions en me projetant les images de ces sommets vertigineux (merci google), moi qui ai le vertige dès que je monte sur une chaise. J'ai adoré lire leurs exploits et commencé à comprendre ce qui les emmène toujours plus haut.
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Cette lecture me laisse des sentiments mitigés.
D'un côté, je retrouve dans ce livre des thèmes qui me sont chers : la montagne et la passion qu'elle engendre.
D'un autre, l'auteur m'a un peu perdue en cours de route : le récit très elliptique devient un peu confus et la fin m'a déçue.
Le personnage principal, Rand, est un marginal, un peu illuminé. Il fuit un monde dans lequel il ne trouve pas sa place, il fuit les gens qu'il ne comprend pas ou qui ne le comprennent pas. Il quitte la Californie pour aller grimper à Chamonix, où il fait différentes rencontres et vit des expériences variées.
Certaines ascensions sont merveilleusement décrites, avec beaucoup de réalisme et le roman m'aurait vraiment plu s'il n'y avait pas autant de zones d'ombre : trop d'ellipses tue l'ellipse et l'ensemble est trop décousu à mon goût pour que je m'attache aux personnages et que je me laisse emporter.
Je n'ai rien contre un peu de mystère, mais là, je suis restée sur ma faim et n'ai pas senti le grand élan que l'on peut trouver par exemple chez Frison-Roche.
Certains aspects de l'alpinisme sont très bien rendus, en particulier le fait que le grimpeur oublie tout pendant son ascension, ce qui le met dans un état second et développe parfois un sentiment de toute puissance qui explique l'addiction forte que cette activité peut engendrer. Et qui explique la passion de Rand.
À la fin du roman, sa dernière petite amie dit à Rand : "J'ai besoin de quelqu'un en qui je puisse avoir confiance. [...] Besoin d'éprouver quelque chose. Mais avec toi, on a un peu l'impression d'être suspendu dans le vide." Voilà qui rejoint parfaitement mon ressenti lors de cette lecture : je n'ai rien contre le fait d'être suspendue dans le vide, à condition d'avoir de temps à autre une personne ou une chose à laquelle me raccrocher.
Voilà ce qui m'a manqué : quelques prises.
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Dans un récent entretien avec Nicolas Truong publié par le Monde, Alain Badiou oppose la satisfaction au bonheur. " La satisfaction, dit-il, n'est pas dépendante de la rencontre ou de la décision. Elle survient quand on a trouvé dans le monde une bonne place, un bon travail, une jolie voiture et de belles vacances à l'étranger". Badiou souligne à quel point le système consumériste incite à confondre satisfaction et bonheur, à réduire le second à la première : " le monde d'aujourd'hui, déclare-t-il, a un modèle fondamental de l'altérité et de l'échange, qui est le paradigme commercial. Nous sommes tentés de ramener tous les rapports à l'autre à une dimension contractuelle d'intérêts réciproques bien compris [...] le consommateur est la figure objective dominante, celle qui fait tourner le monde. Nos maîtres suivent avec angoisse le niveau d'achat de marchandises par les gens. Si, tout à coup, plus personne n'achetait, le système s'effondrerait comme un jeu de quilles. Donc nous sommes enchaînés à la nécessité d'acheter les choses dans leur surgissement, leur nouveauté, leur inutilité foncière ou leur laideur criminelle. " le bonheur, pour Badiou, c'est autre chose : " C'est lorsque l'on découvre que l'on est capable de quelque chose dont on on ne se savait pas capable". Se référant aux sagesses antiques, Badiou oppose au stoïcisme et à l'épicurisme, où il décèle "un élément d'égoïsme foncier", le platonisme qui, commente Nicolas Truong, "affirme qu'un soleil brille au-dessus du théâtre d'ombres de notre caverne, puisque, comme le dit Rimbaud, "la vraie vie est absente ". " Tu peux, donc tu dois ", telle est la devise d'Alain Badiou. "Aie le courage de te servir de ta volonté pour qu'advienne cette puissance dont tu ne te sentais pas capable." Quelles que soient les circonstances, "ce que l'on a voulu et décidé a une importance capitale. Depuis, j'ai presque toujours été rebelle aux opinions dominantes parce qu'elle sont presque toujours conservatrices".

Indépendamment du lien que Badiou établit entre bonheur et altruisme, l'importance qu'il attache à l'expérience bouleversante de la rencontre amoureuse, qui est pour lui le paradigme de l'expérience décisive qui change notre vie sans recours, on peut noter que sa conception du bonheur a aussi à voir avec la découverte par un individu de sa vocation personnelle. Lui-même évoque avec émotion sa découverte du théâtre, grâce à la rencontre avec un de ses profs de français au collège. "Dans l'acte du comédien, il y a la décision miraculeuse d'assumer le risque d'une exposition intégrale de soi. Grâce à mon professeur de 4e, j'ai rencontré tout cela. le théâtre a été ma vocation première. Et j'y reviens toujours. "

Tu peux, donc tu dois ? Ou bien tu dois, donc tu peux ? On pourrait le dire d'autres manières encore. J'opterais pour ma part, pour un "Tu veux passionnément, donc tu peux ". Mais ne renonce jamais à ce qui, pour toi, est la merveille de la vie, à tout cela qui, dit encore Badiou, " vous met dans une situation vitale magnifique et périlleuse". Ne cesse pas de vouloir ce que tu veux.

C'est à quoi je songeais en feuilletant le beau roman de James Salter, L'Homme des hautes solitudes ( Solo Faces ) . Nous faisons la connaissance de Rand, le héros du récit au premier chapitre où, pour une poignée de dollars (trois de l'heure exactement), il remplace, avec un copain les voliges du toit d'une église californienne. Jusqu'au moment où le copain glisse sans pouvoir se retenir mais : " Il sentit quelque chose sur son bras. Une main. Elle s'immobilisa à la hauteur de son poignet.
-- Tiens bon. "

Rand vit dans un quartier excentrique plutôt miteux de Los Angeles avec Louise. Ce n'est pas l'amour toujours, ça durera ce que ça durera, jusqu'au jour où ils se seront lassés l'un de l'autre :

" Oui, en ce temps-là,il l'aimait bien. Elle était caustique, elle était pâle. Elle désirait être heureuse mais ce n'était pas possible car cela l'aurait dépouillée de son être -- ou de ce qui resterait quand Rand serait parti comme les autres. ". Louise a un fils, Lane, qui, selon elle, "n'arrivera jamais à grand-chose", un garçon "lent et indéchiffrable comme s'il vivait dans un rêve". Comme nous tous, peut être.

Puis, un petit matin, Rand réveille Lane. " -- Viens ".

Dans le coffre de la voiture, des chaussures de marche, des cordes, un sac à dos.

Je ne suis jamais allé en Californie. Mais j'ai appris sur Internet que Banning, à quelque distance de Los Angeles, est une ville située dans le San Bernardino Pass, qui donne accès à de hautes chaînes de montagnes, culminant à plus de 3500 m au mont San Bernardino. Il n'y a pas que la vallée de Chamonix au monde, ni l'Himalaya. Mais les montagnes qui surplombent Chamonix, ou le massif de l'Everest, sont des montagnes mythiques pour tous les alpinistes du monde ; le mont San Bernardino , non. Tous les alpinistes du monde sont fascinés par les Drus, Rand comme tous les autres.

Mais c'est dans le secteur du mont San Bernardino que Rand, renouant, une fois de plus avec son irrépressible vocation, a emmené Lane, pour escalader, par une voie très raide, une haute crête du coin. Pour y retrouver, par hasard un ami, un type dans son genre, Jack Cabot, un premier de cordée, comme lui. Les esprits taillés sur le même patron sont faits pour se rencontrer dans des lieux d'élection.

Le roman de James Salter n'est pas un roman réaliste, au sens où on l'entend généralement. Par exemple, un autre romancier que lui se serait attaché à nous donner des précisions sur les moyens d'existence de Rand. parce que, remplacer les voliges d'un toit d'église à trois dollars de l'heure, ça n'est pas le Pérou. On a un peu l'impression qu'il vit aussi aux crochets des femmes qui, l'une après l'autre, partagent sa vie. On se dit aussi qu'il doit toucher une petite pension d'ancien marine ( s'il est vrai que, comme il le raconte à Louise, il a été dans les Marines, mais peut-être a-t-il inventé cet épisode de sa vie, au lieu de lui raconter comment il a vraiment vécu, avant de la rencontrer, quels autres combats il a menés, sur lesquels il restera étrangement muet, comme si cela ne concernait que lui, comme si c'était un expérience trop intime, presque indicible, pour être racontée). Mais les ressources financières de Rand, on s'en fiche un peu, et Rand s'en fiche aussi, parce qu'au fond on finit par trouver de l'argent, quand on veut vraiment quelque chose, qui seul compte. Tu veux, donc tu peux. le roman de James Salter nous parle de la puissance irrépressible du désir, qui ne renverse pas les montagnes, certes, mais qui vous les fait gravir.

C'est ainsi que, sans que le romancier daigne nous donner des explications sur les péripéties qui l'y ont amené, Rand se retrouve dans la vallée de Chamonix, et c'est là que, pour lui, les choses sérieuses vont commencer -- ou recommencer . Et les choses sérieuses s'appellent la pointe Lachenal, le pilier du Frêney, le Triolet, les Droites, l'aiguille de Blaitière et, bien sûr, les Drus, en attendant l'éperon Walker des Grandes Jorasses.

Je ne sais pas si James Walker a pratiqué lui-même l'alpinisme dans les conditions extrêmes qu'affectionne son personnage ; en tout cas la description de ces escalades où la moindre erreur ne pardonne pas est d'une vérité et d'une intensité fascinantes. Pendant que Rand gagne une célébrité passagère en sauvant une cordée d'Italiens en perdition dans les Drus, son ami Cabot manque de se tuer à l'Eiger.

Tu veux, donc tu peux. de cette joie dont parle Alain Badiou et qui naît d'atteindre ce qu'on a toujours voulu atteindre, James Salter nous donne sa version . Dans la face Nord glacée du Triolet, Rand " progressait méthodiquement, un piolet à chaque main, bientôt prisonnier du rythme de ses gestes. L'idée qu'il pourrait glisser -- et il aurait alors dévalé la pente lisse comme une surface de verre -- ne lui vint à l'esprit qu'au sommet où il avait déjà atteint une altitude élevée. Et lui vint d'une étrange manière. Il faisait une pause, les pointes avant de ses crampons enfoncées d'un bon centimètres dans la glace. Un centimètre d'assurance suffisante. Quand il en prit soudain conscience, il fut envahi d'une sorte de félicité. Jamais il ne s'était senti aussi invulnérable. comme si la montagne l'avait ordonné et qu'il eût accepté le sacrement.
Tenu par une dérisoire pointe de métal, il se sentait heureux, maître de toutes les difficultés, de toutes les terreurs."

Toujours plus haut. Toujours plus difficile. A l'extrême limite. En solitaire ou en duo. Lorsqu'à l'éperon Walker, Rand échoue à atteindre le sommet, l'heure du retour en Californie a sonné . Tu veux, mais tu as beau te dire que tu peux, cette fois la montagne a été la plus forte.

Entre deux escalades, le retour au plancher des vaches est le retour à la médiocrité, à l'insignifiance. Célébrité de quelques jours, virée à Paris, bavardages, aventures sans lendemain. Les femmes n'auront été dans l'existence de Rand que des distractions, agréables, certes, mais passagères. La passion est réservée à la montagne. Passion d'hommes. C'est là que l'altruisme de Badiou en prend un coup. L'étroite fraternité sacerdotale des grimpeurs n'admet que de rares égaux, qu'ils soient redescendus vivants, ou qu'ils aient péri au pied de quelque paroi, ou qu'ils en soient sortis paraplégiques, comme Cabot, à qui Rand un soir, propose une partie de roulette russe passablement désespérée, avant de reprendre, dans les Rocheuses, ses expéditions solitaires. Comme si la montagne n'adoubait que les aventuriers solitaires.

Solitaires toujours ? Voire. le rôle de premier de cordée n'est pas mal non plus. A la fin du livre, sa plus récente compagne lui dit :

" -- J'ai besoin de quelqu'un en qui je puisse avoir confiance. ( Elle ne le regardait pas, elle contemplait fixement le plancher. ) Besoin d'éprouver quelque chose. Mais, avec toi, on a un peu l'impression d'être suspendu dans le vide.
-- Suspendu dans le vide, répéta-t-il.
-- Oui.
-- Dans ce cas, ce qu'il faut faire, c'est se cramponner. ne pas avoir peur.
-- Tu crois ?
-- Je ne peux pas t'en dire plus.
-- Se cramponner...
-- C'est ça. "

L'escalade extrême comme leçon de vie ? Modèle à suivre? Pourquoi pas ? Il en vaut bien d'autres. Je crois qu'il plairait à Badiou, bien que cette façon d'envisager le bonheur paraisse peu altruiste et assez indifférente aux injustices du monde. Conservatrice même : a-t-on jamais vu un alpiniste souhaiter que changent ses chères montagnes ? Mais la passion peinte par James Salter n'est pas, en tout cas, une de ces passions tristes dont parlait, je crois, Spinoza.

Quand même, ils nous piquent tout. Depuis le Premier de cordée, de Frison-Roche, nous pensions que le massif du Mont-Blanc était notre propriété littéraire. Et voilà que cet Américain (qui vient de mourir) signe un des romans sur l'alpinisme les plus beaux, les plus intenses, les plus poignants qui soient. Décidément ces romanciers américains nous font mesurer la petite médiocrité franco-française de notre production littéraire hexagonale (j'en excepte un Houellebecq, un Michon, une Angot, un Patrick Deville). Quelle extraordinaire floraison de chefs-d'oeuvre ! Quelle vitalité ! Quel souffle ! Prête-moi ce Salter que je n'ai pas lu. Moi je te prêterai ce Russell Banks que tu ne connais pas, et ainsi de suite. Vive le roman américain !


James Salter , L'Homme des hautes solitudes, traduit par Antoine Deseix ( Editions de l'Olivier / Points )
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
26 août 2014
Rechercher l’amour et buter sur l’insignifiance, selon James Salter.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeSoir
26 août 2014
A bientôt 90 ans, l’écrivain américain donne son meilleur roman.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (103) Voir plus Ajouter une citation
Chamonix était autrefois une ville que rien n'avait encore profanée. Bien qu'aujourd'hui elle soit soumise à la loi de la foule et du béton, elle a conservé certains traits de caractère -- ses rues étroites et tortueuses, ses granges massives, ses murs épais qu'on laisse s'ébouler -- témoins d'un passé révolu. Elle est située au creux d'une profonde échancrure en forme de V , la vallée de l' Arve, une rivière tumultueuse dont la poussière de roche qu'elle charrie rend les eaux laiteuses et qui traverse l'agglomération dominée par les contreforts du mont Blanc et ses glaciers.
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Soudain, Love, qui avait oublié toute idée de danger, partit en glissade. Ses jambes se dérobèrent et il se mit à prendre de la vitesse.
- Ton piolet ! Plante ! Plante !
Incapable de faire le moindre geste pour essayer d'enrayer la glissade, il dévalait la pente de plus en plus vite avec des soubresauts et des rebonds de pantin désarticulé. Plus bas, heureusement, la neige était molle et il finit par s'immobiliser. Il resta allongé dans la neige sans bouger. De petits glaçons s'étaient formés dans sa barbe. Ses phalanges étaient à vif.
Rand le rejoignit en toute hâte.
- Tu ne m'as pas entendu ?
Love leva les yeux vers lui.
- Oh si, je t'ai entendu. Je t'ai entendu. Et je me suis dit : c'est un ami.
- Quoi ?
- Un grand, un très grand ami.
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Le ciel pâlit et quelques secondes plus tard, menaçant et proche, le tonnerre éclata comme un roulement d’artillerie. Rand avait l’impression de se lancer à la bataille, de traverser des frontières, de s’enfoncer dans des champs détrempés tapis sous des nappes de brume. C’était l’été. Les rivières étaient glauques. On entrevoyait au passage des ponts, des granges, des cours jonchées de caisses où s’entassaient des bouteilles vides et parfois, fugitivement, des montagnes dans une déchirure de nuages. Il ne parlait pas français. Ces petites agglomérations pelotonnées sur elles-mêmes avec leurs boutiques aux enseignes bizarres lui paraissaient dérisoires et, en même temps, il avait envie de les connaître.
Il commençait à y avoir de la circulation. Les phares des voitures étaient d’un jaune sulfureux. La pluie avait cessé mais les montagnes étaient cachées derrière une sorte de fumée. C’était comme si le décor avait été mis en place. Soudain, à Sallanches, la vallée s’élargit. Tout au fond, vision surprenante, le géant de l’Europe, le mont Blanc se dressait à l’improviste, auréolé de lumière.
Plus grand qu’on ne pouvait l’imaginer et, vu de près, encapé de neige. Cette première et grandiose image devait bouleverser la vie de Rand. La montagne l’aimantait, elle s’élevait avec une lenteur infinie comme une vague prête à l’engloutir. Rien ne pouvait lui résister, rien ne pouvait lui survivre. Dans la foule des aérogares, dans les villes traversées, sous la pluie, il traînait avec lui des rêves et des espérances qui, pour être vagues, n’en étaient pas moins exaltants. Il sommeillait avec eux comme on dort sur ses valises, abruti par le voyage, et, brusquement, les nuages s’étaient défaits, dévoilant dans une lumière rayonnante le symbole de tout ce qui le hantait. Son cœur battait sur un rythme étrangement insistant comme s’il était en fuite, comme s’il avait commis un crime.
Ils arrivèrent à Chamonix dans la soirée. Le silence régnait sur la place devant la gare. Le ciel était encore lumineux. Rand descendit du car. Bien que l’on fût à la mi-juin, il faisait frisquet. Les deux autres voyageurs montèrent dans un taxi pour se faire conduire à l’hôtel. Rand se retrouva seul. La ville était visiblement déserte. Il avait l’impression bizarre — c’était presque un avertissement — d’être en un lieu familier et il jeta un coup d’œil autour de lui comme à la recherche d’un détail qui lui confirmerait ce sentiment de déjà-vu. Les hôtels qui faisaient face à la gare avaient l’air d’être fermés. L’entrée de l’un d’eux était éclairée. Un chien qui gambadait sur un toit surbaissé le regarda. Les derniers rayons du soleil caressaient la cime des arbres.
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Ce qu'il éprouvait, allongé sur son bat-flanc, allait au-delà de la détente corporelle. C'était quelque chose de plus profond encore - la pulsation même de la vie. Une joie triomphante, chaleur et bien-être, l'envahissait. Ces choses-là, ça ne s'achète pas. Son souffle était régulier. La pluie tombait. Non, ces choses-là, rien ne peut les remplacer.
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Il faisait une pause, les pointes avant de ses crampons enfoncées d’un bon centimètre dans la glace. Un centimètre d’assurance. Quand il en prit soudain conscience, il fut envahi d’une sorte de félicité. Jamais il ne s’était senti aussi invulnérable. Comme si la montagne l’avait ordonné et qu’il eût accepté le sacrement.
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