Moi, Nikanor Zatrapezny, j'appartiens à une antique et noble lignée de Pochekhonié. Mais mes aïeux étaient des gens tranquilles, effacés. Ils ne défendaient pas des forteresses, ni des villes-frontière, ne remportaient pas de victoires ni de triomphes, ils prêtaient serment avec bonne conscience à qui on leur ordonnait, sans piper. Pour finir, ils ne se couvrirent ni de gloire, ni de déshonneur. Cependant, aucun d'entre eux ne goûta le knout, ni ne se vit arracher, un par un, les poils de la barbe, ni n'eut la langue coupée ou les narines déchirées. C'étaient de vrais hobereaux établis au fin-fond de Pochekhonié, qui prélevaient tranquillement les redevances sur leurs serfs et qui se multipliaient discrètement. Parfois, il en naissait un tel nombre qu'ils tombaient au rang des pauvres ; puis, les Zatrapezny étaient décimés comme par un fléau : alors, les propriétés et les domaines de la famille se concentraient entre les mains d'une seule branche épargnée. Et de nouveau, les Zatrapezny prospéraient, jouant dans leur région un rôle important.