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Critique de JML38


JML38
27 décembre 2019
Au matin du 18 août 1969, Jimi Hendrix s'apprête à conclure avec son groupe un événement sans précédent, qui a réuni à Woodstock plusieurs centaines de milliers de personnes pour trois jours de paix et de musique. Devant un public clairsemé au terme d'un marathon pas épargné par une météo capricieuse, dans ce qui ne restera pas - loin s'en faut - parmi ses meilleurs concerts, le musicien lance un cri de révolte contre la folie guerrière qui décime la jeunesse de son pays au Vietnam. Avec sa seule Stratocaster il reprend l'hymne américain, note pour note, l'agrémentant du vacarme des bombes, du bruit terrible de leurs explosions, dans une puissance dramatique d'une rare intensité. Il fait de The Star Spangled Banner « une oraison, une prière fracassante », tout en le libérant et lui redonnant le sens qu'il portait lorsqu'il fut écrit en 1814 à seule fin de protester contre la guerre.

Lydie Salvayre fait de cet instant unique l'élément central de son texte. Elle revendique haut et fort sa vénération pour Jimi Hendrix, n'hésitant pas à l'élever au rang d'icône de pureté dans un monde perverti. Elle revient dans une partie nettement biographique sur le parcours de cette comète qui illumina le monde de la musique, génie incompris, voire dérangeant pour une Amérique musicalement traditionaliste, guindée, coincée dans des styles immuablement figés, lui, l'enfant pauvre, à la croisée de plusieurs cultures, dont l'enfance fut désespérément marquée par la trop grande absence de sa mère.

Pour ce musicien noir hors normes la reconnaissance vient finalement d'un vieux continent qui se cherche une identité dans des courants musicaux fortement imprégnés de nouveau monde, où émerge un British blues dont Eric Clapton - pour ne citer que lui - fait figure de référence. Son chemin croise également notre Johnny national, ainsi qu'un Brian Jones déjà sur la mauvaise pente, en qui il retrouve une sensibilité égale à la sienne.

L'auteure insiste sur les conditions imposées par un manager véreux, sorte de clone du Colonel Parker qui s'illustra auprès d'Elvis, attribuant à celui qu'elle appelle « l'immonde Jeffery » l'entière responsabilité de la lente mais inexorable descente aux enfers d'Hendrix, à coup de tournées épuisantes physiquement et psychologiquement, amenant lentement l'artiste à abuser des produits qui lui seront fatals.

Le style m'a quelque peu dérouté, l'enthousiasme débordant de Lydie Salvayre aboutissant parfois à une certaine emphase qu'elle reconnaît ne pas apprécier chez les autres, usant de termes provocateurs pour décrire le jeu de scène de l'artiste. Elle n'hésite pas à multiplier les comparaisons avec des compositeurs classiques, et à ponctuer ses réflexions de références littéraires, voire philosophiques, qui m'ont paru s'éloigner de la description de personnage timide et réservé qu'elle fait par ailleurs du musicien.

J'ai, en revanche, été touché par les dernières lignes, qui évoquent dans une sorte d'accéléré morbide ce que furent les ultimes tentatives de Jimi Hendrix pour continuer sa route, ses derniers espoirs, ses dernières illusions dans une possibilité de s'accomplir musicalement de façon plus satisfaisante, avant de tirer sa révérence, un 18, en septembre 1970 cette fois.
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