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Mobilisé pendant la 2ème guerre mondiale, Roy Shannon, jeune intellectuel irlandais, a été envoyé sur le front en Italie. Bien que dans le camp des vainqueurs, il reste fortement marqué par la violence des combats et trouve aberrante l'idée de rentrer au pays en héros. Sur le bateau qui le ramène en Irlande, se sentant incapable de reprendre simplement sa vie là où il l'avait laissée avant de partir à la guerre, il décide de faire escale en Espagne, et voyage à travers le pays. Le hasard le mène sur les rives du Haut-Tage, à quelque 200 kilomètres à l'est de Madrid, et l'intègre à une équipe de flotteurs de bois. Ceux-ci, comme chaque année à la fin de l'hiver, doivent conduire des milliers de troncs de pins en descendant le cours du fleuve jusqu'à Aranjuez. Le voyage des hautes terres à la plaine dure plusieurs mois, des gelées de mars au soleil implacable d'août. D'un campement à l'autre, ces hommes mènent une vie rude et périlleuse. Ils sont d'ailleurs à l'avenant, âpres et inquiétants, et dans les villages au bord du fleuve, on guette leur arrivée avec un mélange de crainte et d'excitation. Précédés par leur réputation de virilité brute et de détrousseurs de jupons, les flotteurs jouissent de la vie telle qu'elle s'offre à eux lors de ces étapes : fêtes villageoises, banquets, vins et jolies femmes, ils se servent avec passion sans se laisser intimider par quiconque.
Le temps du flottage des grumes, ce travail éprouvant sur le fleuve est pour certains un purgatoire, pour d'autres un sursis, entre deux étapes de vie : se remettre d'une blessure morale, se faire oublier, expier une mauvaise action, laisser décanter tout cela au fil de l'eau et arriver à la fin du voyage en sachant qu'il faudra choisir une nouvelle direction. Le voyage est initiatique, intérieur, de la confusion de l'esprit vers l'apaisement, en même temps qu'extérieur, des gorges étroites et des turbulences d'une rivière de montagne aux courbes assagies d'un fleuve de plaine. « Le fleuve qui nous emporte » illustre le paradoxe de la vie des flotteurs, qui pour eux-mêmes est à la fois une parenthèse suspendue entre deux hivers et un mouvement vers une sorte de rédemption, alors que pour les villageois le long du Tage, l'arrivée des flotteurs est un événement qui bouscule, un bref moment, les habitudes figées dans des siècles de soumission : « ils faisaient un tapage indescriptible : façon de parler en criant, agitation générale, course des enfants se glissant entre les adultes, effronterie des flotteurs. C'était la détente, dans le désordre et l'exubérance, de gens contraints par tout et toujours : les conventions rigoureusement établies, le manque d'imagination et de possibilités économiques, la surveillance implacable exercée par les voisins, la censure sociale : tous ces freins aux instincts vitaux ». Ce roman n'est pas que le roman d'un fleuve, c'est aussi celui de la terre, celle de l'Espagne profonde d'après la guerre civile. On ressent tout l'intérêt et l'affection de l'auteur pour le « petit peuple », pauvre, fruste, imprégné de foi religieuse, qui subit la loi féodale et arbitraire de quelques riches propriétaires terriens : « Deux mille ans, et tout continuait comme avant, pensa Shannon en contemplant le paysage ; l'attitude primitive de ces gens ne changerait jamais. Quel monde si naturel, si naïf encore, en pleine Europe, cette Europe d'après la Seconde Guerre mondiale ! »
Ecrite en 1961, cette chronique rurale et fluviale des gens pauvres et proches de la nature annonce pourtant la fin d'une époque : des barrages sont construits sur le fleuve, les gens se demandent quels seront les villages condamnés à l'inondation, et les flotteurs pendant combien de temps ils pourront encore exercer leur métier. Riche en péripéties, tranches de vie, réflexions et personnages attachants, cette geste picaresque révèle les valeurs qui préoccupent José Luis Sampedro : humanisme, dignité, liberté. Avec une écriture pleine de tendresse et un brin de mysticisme, il nous offre un peu d'optimisme dans un monde désenchanté...
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Démobilisé après la campagne d'Italie (1943), un jeune Irlandais saute du bateau qui le ramène chez lui. Dégoûté par ce qu'il a vécu sur le front, il aimerait d'abord se reconstruire avant de rentrer.

Le récit débute quelque part en Castille-La Manche pas loin du Tage. Alors qu'il marche sans but en rase campagne, il finit par rencontrer des flotteurs de bois qui lui accordent l'hospitalité autour d'un feu de camp. Contre toute attente, il finit par se joindre à eux pour transporter les grumes jusqu'à Aranjuez, à 200 km au sud-ouest.

Pour Shannon, les quelques semaines qu'il va passer avec « les hommes du fleuve » vont permettre une véritable renaissance. Il va vivre des moments forts, découvrir un milieu dont il ignorait les codes et jusqu'à l'existence.

Un beau roman initiatique
L'épopée de Shannon nous permet de découvrir l'Espagne rurale des années 40. En apparence, les stigmates de la Guerre civile (1936-1939) sont recouverts par la poussière du temps. Mais, en réalité il n'en est rien. Simplement, les ouvriers agricoles et les petits paysans ont compris qu'ils ont perdu la partie et que désormais il convient de faire profil bas si l'on veut survivre dans ce pays à la fois beau et impitoyable.

C'est avec beaucoup de pudeur que José Luis Sampedro mentionne, sans avoir l'air d'y toucher, la relative misère rurale, les mentalités arriérées, le parti-pris de l'Église pour le statu quo socioéconomique, la schizophrénie de la garde-civile dont les membres viennent du peuple et comprennent fort bien que le pouvoir des « terratenientes » ne se partage pas et permet même à ces derniers d'être au-dessus des lois...

Mais, au-delà de ce triste constat, il se dégage de ce roman un je-ne-sais-quoi de sérénité et de mystique. Après tout, la vie ce n'est pas que des luttes, c'est aussi le lien invisible qui nous lie à la nature et aux énigmes de l'existence...
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‘'Le sourire étrusque'' de José Luis Sampedro avait été un grand coup de coeur. Je voulais lire un second roman de cet auteur qui «écrit avec son âme au bout de sa plume, tout en sympathie et humanité» (Le Monde). Voilà qui est fait !

Shannon, intellectuel irlandais écoeuré par la guerre qu'il a faite en Italie et désirant retarder son retour, intègre au hasard d'une rencontre une équipe de flotteurs chargés de convoyer des troncs sur le Tage ; une mini société formée d'individus de toutes origines, aux personnalités, histoires et âges très différents ; ce sont, pour la plupart, des hommes frustes et rugueux, fuyant un passé difficile qu'ils dévoilent par bribes. Il va vivre quelques semaines, comme suspendu dans le temps, dans ce microcosme machiste, violent et solidaire qui se mêle aux villageois à chaque étape. Il va évoluer au rythme des incidents et des drames et au fil des semaines, du fleuve et du passage de l'hiver au printemps. Au terme du voyage, chacun des flotteurs devra décider de son destin.

Roman sur la résilience et roman initiatique, ce livre fait ressortir les préoccupations humanistes de l'auteur et sa fibre profondément sociale : la misère des villages, les pauvres accablés par l'arbitraire des riches, mais aussi la solidarité, le code de l'honneur… une chronique rurale et une fresque de l'Espagne profonde d'après guerre.
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En 1940, en Espagne, un récit plein d'humanité sur les oubliés de la vie, au rythme du fleuve qui emporte tout sur son passage, le bois flotté comme les hommes.
Publié en France après "Le sourire étrusque", c'est un des premiers romans de Jose Luis Sampedro.
Ce magnifique récit met en scène un intellectuel irlandais, Shannon, traumatisé par la guerre qu'il a menée en Italie et qui a décidé de s'installer momentanément en Espagne. le hasard l'emmène sur le Tage, avec les flotteurs de bois, hommes frustes qui tentent de fuir un passé lourd ou douteux, ou tout simplement de survivre... On y décèle toute la compassion de l'auteur pour ces hommes pauvres et simples, sa profonde humanité exempte de manichéisme : un très beau roman qui coule au rythme du fleuve et des étapes de l'épopée.
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Le flottage de bois, entre les montagnes du Haut-Tage, peu habitées et pourvues de sombres forêts, et les basses terres, densément peuplées, où cultures et pâtures ont détruit depuis des siècles la ressource en bois, était encore une pratique courante jusque dans les quelques années ayant suivi la fin de la Seconde Guerre Mondiale, où se situe le récit. Chaque année, mais peut-être sera-t-elle la dernière (?), des hommes se rassemblent et entreprennent cette difficile expédition depuis les contreforts pyrénéens, sous la conduite d'un chef d'équipe expérimenté. Des hommes rudes, au courage exceptionnel, mais peu regardants sur la morale et la bonne conduite, notamment avec les femmes. L'arrivée de Laura, jeune fille en errance qui va se joindre au groupe par besoin de protection, puis celle de Shannon, jeune irlandais revenu traumatisé de la libération de l'Italie par les troupes alliées, va bousculer le fragile équilibre qui s'est établi vaille que vaille au sein de la petite communauté, dirigée d'une main ferme par l'Americano, surnom qui lui a été donné à la suite d'un séjour en Amérique. le fleuve qui nous emporte, c'est le Tage bien sûr, mais également l'amour et c'est aussi la vie, la vie ayant marqué durement tous ces personnages. Cette équipée va servir de révélateur de leurs passions, de leurs limites aussi, qu'ils apprendront à dépasser pour certains d'entre eux. Une fresque magnifique, exaltant ce qu'il y a de meilleur dans l'humanité sans pour autant cacher le pire : la trahison, la lâcheté, le crime parfois.
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Quand, pour un survivant de guerre, une simple escale devient son vrai retour et quand la descente d'un fleuve le mène à sa renaissance…
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Une aventure passionnante qui ne m'a pas déçu après "Le sourire étrusque".
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