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Pillard-Valère (Illustrateur)
EAN : 9782903721886
95 pages
Lettres vives (31/01/2000)
4.8/5   5 notes
Résumé :
Composé de douze petits textes qui prennent racine dans une matière brute, voire primitive, en ce territoire encore intouché où l'érotisme de la nature, l'obscénité de la mort, la nudité du corps, le ventre des mères, la fièvre de l'amour et la violence des sensations racontent une histoire qui semble remonter à des millénaires et pourtant ressemble curieusement à la nôtre.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je m'étonne de la confidentialité de ce livre (juste quelques lecteurs). Sa diffusion a sûrement été restreinte mais je pense qu'il mérite que l'on cherche à le dénicher d'occasion. Je rapproche l'écriture de Sampiero dans ce livre de celle de Christian Bobin pour le plaisir (étonnement, ravissement?) que j'ai éprouvé à les lire. En simplifiant à l'extrême, Bobin pour la limpidité quand Sampiero est plus cru et rugueux, plein des tanins et du péril de la vie ordinaire. Je vais rajouter quelques citations qui vous motiveront peut-être à aller à sa découverte.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
         
Elle coiffe la neige. Elle peigne de très longs cheveux qu'elle a eu, très jeune, tout blancs. C'est son immensité apprivoisée, couchée, soyeuse, au bout des doigts, c'est tout son amour devenu cette grande eau calme, sa chevelure. Elle coiffe la neige comme un hiver reçu en pleine poitrine, en plein visage, dans la douceur d'être là, elle coiffe toute sa mort comme une présence dont elle n'a plus peur, dont elle n'a plus rien à craindre, à dire. Elle coiffe la neige, les doigts bleuis, mais c'est le mauvais sang, la fatigue, une magnifique blessure de vivre. Entre ses doigts et ses cheveux glisse une sorte d'amour. Une multitude couchée dans le sang. Une chaleur d'avant la mort, d'avant la vie.
Elle coiffe la neige et son enfance, le cri du loup, les yeux du renard dans les fourrés, le nez pointu, humide de la belette, le sang de ses règles — cerise dans le bec du merle — elle coiffe la neige, et tous ses coffres, ses mystères, ses secrets, la neige qui n'est plus froide, ni blanche, mais bleue avec des reflets or : les yeux de l'homme qu'elle aime et dont le corps est froid maintenant sous terre, si chaud dans la mémoire de ses cheveux. Elle coiffe la neige, c'est comme un long miroir, le calice de son ombre, toute sa vie là, ses moindres gestes, ses moindres frissons, ses mains sont belles dans ce mouvement-là, et tout son visage, elle est dans l'éternité de son âge, suspendue à l'électricité dans l'air qui déclenche le mouvement de sa fourrure.
Elle coiffe la neige, les saisons, le temps qui passe, doux et bel amant penchant la tête sur son épaule : elle ne veut rien d'autre que cette douceur, cet abandon à la prière muette. Elle coiffe la neige, oui, c'est cela, elle prie, si prier est cette lenteur retrouvée, cet écarquillement de soi, douceur des larmes dans les mains, la voix, douceur de n'être rien dans la plus sereine et la plus intime des secondes. Elle coiffe la neige, le blanc cadran de l'horloge, les chiffres tombent comme dans Alice au Pays des Merveilles, elle entre dans l'immémorial.
Elle coiffe la neige, c'est une longue marche dans les champs, un dépouillement, elle coiffe le ciel blanc de son coeur, la terre oubliée des moissons où l'horizon pourtant s'incline, se recueille, comme avant le déferlement, elle coiffe la neige qui sait tout à coup qu'elle est la neige, la neige pour fondre et mourir, mais elle n'est pas triste, seulement attentive. ...         
         
'Trois portraits de mains', 1 (extraits, pp. 79-80)
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épreuve de la pluie
 
La pluie est une présence. On écrit cette phrase et on se sent moins seul. Je ne parle pas d'une solitude qui suppose l'attente d'un amour. Je parle de celle plus drue et plus noire de l'origine. La solitude inouïe d'être séparé. D'être là. D'être.
On écrit cette phrase et l'on tremble.
C'est parce que l'on rassemble en soi les fragments de la nuit pure, et qu'en fermant les yeux, toutes les images se referment.
C'est parce qu'une floraison à l'envers est venue clore nos lèvres et qu'aucun son ne jaillit hormis ce crissement de l'encre.
Rien, à peine. Une main sur une étoffe. Une rumeur de coquillage posée sur l'oreille quand les fleuves nous rentrent dedans, en chuchotant, écarquillant les veines, ouvrant le coeur au saccage de tous les flots.
Ce coquillage n'existe pas. Ou alors c'est la page blanche. Y posant l'oreille, on entend les loups, les chevaux, le galop des hommes sur la terre pour en faire le tour, l'apprivoiser, terre plus ronde que le ventre des femmes, enfouissant nos mains, nos pieds pour une autre naissance, portant la pourriture à sa douceur extrême : toute enveloppe nous lâche, nous abandonne et c'est cela la nudité, encore, qu'aucun vêtement ne cache, la nudité du silence le plus simple chez quelqu'un qui sait à peine parler. La nudité qu'aucun mot n'enferme et qu'il est impossible de nommer. La sainte nudité, l'enfant du monde en notre ventre, hommes et femmes comme les branches d'un même arbre dans le rosier de la lumière.
La pluie coule sur le corps du jour et le lave telle une amoureuse. Elle offre ses mains à ses épaules, à son dos, il se frotte contre elle et quand il s'incline, c'est la nuit qui s'allonge ici, des millions de feuilles jonchent le sol : un peu de rouille dans la bouche. C'est la même nudité que la pluie. La même nudité que le front des morts, le sel des étoiles, le mouvement de l'océan contre la falaise, le sable immense d'un désert, une terre labourée, la toison des brebis, la main ouverte d'un amour, la lèvre du ventre et la lèvre du visage, la même nudité que celle du dieu séparant les eaux pour son propre baptême, créant avec son ombre la ligne de partage entre le ciel et la terre, le blanc et le noir, le dedans et le dehors, couchant sur le corps de l'homme le relief de la femme, fermant toute chose dans l'oeuf de son contraire, pour l'éternité, la même nudité que le néant dans le regard des pauvres qui nous brûle de tout ce que nous n'avons pas donné.
 
pp. 29-30
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Longtemps, j'ai sucé le lait des femmes, entre leurs seins, entre leurs jambes, avant de naître ici, à manger des baies sauvages, et toutes sortes de fruits, le ciel, la pluie, j'ai porté à mes lèvres toutes sortes de sangs, celui des arbres et de la terre, celui de la nuit, le sang de l'Ogresse. La table était ce portail clos tenu contre la lampe, à peine un petit cercle blanc où la foudre des objets venait éteindre l'esprit. La table s'abreuvait de choses fuyant la forme, dans ce bref instant où elles sont nues, sans apparence encore. Parfois l'émotion reconnaissait un visage, l'appelait par son nom le plus doux. La main devenait tzigane, arbre, bijou pur.
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Je me demande ce que je sais faire à part raturer les souches, lire du bout des doigts des phrases que je suis seul à entendre.
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Rejoindre l'origine déplace l'origine.
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Video de Dominique Sampiero (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dominique Sampiero
Jacques Bonnaffé lit "Lap remière tarte", texte extrait du livre de Dominique Sampiero, Territoire du papillon, à paraître aux Éditions Alphabet de l'espace le 11 janvier 2010, un livre-dvd avec aussi Élodie Guizard.
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