Derrière le joyeux luron, l'auteur de
San-Antonio se révèle un clown triste quand il nous offre un roman de la veine de "
Une gueule comme la mienne". Ce que j'avais déjà pressenti lors de la lecture de "Coma" se confirme ici. L'homme n'est pas maître de son destin. Il lutte, se débat au milieu de ses semblables, croit rencontrer le bonheur, mais, comme l'eau, celui-ci file entre les doigts, inexorablement.
C'est un homme traqué, titre d'un livre de
Francis Carco qu'il a adapté au théâtre, que nous dépeint
Frédéric Dard. Journaliste pamphlétaire sous l'occupation, après un exil dans l'Espagne de Franco, il revient à Paris qu'il n'a pu oublier. Même s'il avait été condamné à mort par contumace à la Libération pour intelligence avec l'ennemi il pouvait espérer une justice plus clémente après tant d'années passées. Néanmoins il savait qu'une autre justice, beaucoup plus expéditive celle-là, n'allait pas être aussi compréhensible. C'était celle de la Résistance. Ceux qui avaient perdu des amis, des parents, sous les balles d'un peloton d'exécution après être passé dans les mains de la Gestapo ou de la milice, ou qui étaient morts dans les camps nazis. Ceux-là n'avaient pas oublié son nom ni son action. C'est pour cela qu'il avait eu recours à la chirurgie esthétique afin de se fondre dans la foule anonyme de Paris. Espérant devenir un autre.
Malgré cet artifice un homme va le reconnaître, et là, commence véritablement le roman qui vous bousculera durant 170 pages. Je ne veux pas aller plus avant dans le récit, afin de vous laisser savourer ce livre remarquablement bien construit.
Frédéric Dard rentre dans la cour des grands, celle des
Simenon et
Boileau Narcejac, par sa qualité littéraire mais aussi par le scénario qui garde le lecteur en haleine jusqu'au mot Fin. Ce huis clos vénéneux mérite de figurer dans toute bonne bibliothèque aux tentures mordorées.