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Critique de TINUSIA


Ici, l'Apocalypse est simple, le Brouillard intime, le Ciel clandestin, la Déclaration amnésique, la Folie lucide, l'Histoire vraie, le Sens unique, …, le Zoo humain.

Ici, c'est l'ABéCéDaire du genre humain qui se décline au fil des pages de ce recueil de nouvelles. Vingt-six histoires courtes qui ne relatent pas des histoires d'amour, au sens où le titre pourrait le laisser croire.

L'échec sentimental, c'est la solitude de l'être. Un mot qui n'apparaît dans aucun des titres de ces nouvelles. Qui pourtant est omniprésent dans la vie des vingt-six personnages qui les habitent.

Ici, on mange, on boit, on coupe, on hache. Des macarons, du Musigny, des tomates, du basilic, du lait de chamelle, du thé, des testicules. On baise, on couche, on fornique. On croit s'aimer et on est sûr de se désaimer. Mais la chair est morte, comme celle que fantasme une jeune femme en regardant les mains de son compagnon qu'elle imagine boucher, « plongées dans des masses de chair »

Ici, la sexualité est ubiquiste, à fleur de peau, mais jamais extatique. « Je verse [le vin] sur mon ventre, forcément il le lèche, enfonce sa langue et ça continue comme tous les soirs. Ce n'est pas si mal au fond, c'est juste qu'avec le chinois je jouis » (Brouillard intime).

Ici, les mots sont rares, presque insolites. « …, dit l'homme tranquillement et sans accent ». (Folie lucide).

Une nouvelle que j'aime beaucoup, c'est Lunettes noires. Elle résume l'ensemble du recueil : « Entre la vie et moi il y a un nom ». Ce nom qui s'interpose entre la vie et le personnage, qui fait tout comme lui et « met des lunettes noires ». Ce nom qui rend impossible le rapport à autrui, qui définit le moi comme la seule réalité. L'autre existe-t-il ?

À la fin de la lecture de ces vingt-six nouvelles, on est [presque] convaincu que – NON – il n'y a pas « d'autre » que soi-même. Avec un peu de recul et de discernement, je me suis dit que, malgré tout, l'autre, c'est quand même bien qu'il existe et que je le reconnaisse. C'est convier la philosophie cartésienne, qui, dans l'épreuve du doute, met en question l'existence de toute chose dans la mesure où ceci pourrait n'être qu'illusion. Et pour m'obstiner à étaler ma culture, je ferai appel à Jean-Paul Sartre dont tout le monde connaît la célèbre phrase : « L'enfer, c'est les autres », qu'il a expliqué ainsi : « Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous, même pour la propre connaissance de nous-mêmes. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres nous ont fournis. Quoi que je dise sur moi, quoi que je sente de moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Je veux dire que si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors en effet je suis en enfer. Il existe quantité de gens qui sont en enfer parce qu'ils dépendent du jugement d'autrui »..

Un superbe recueil, dans lequel je me replonge très souvent. Une belle révélation que cette auteure. Lauréate des 2èmes Gouttes d'Or de la nouvelle (2008), organisée par l'association du souffle sous la plume, Khun San reste pour moi une mystérieuse nouvelliste que j'ai eu plaisir à rencontrer et découvrir.
Lien : http://litterauteurs.canalbl..
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