Ce que j'aime avec
Fabien Sanchez, c'est qu'aucun de ses livres n'est pareil à un autre.
Certains auteurs ont un style bien à eux, à chaque fois reconnaissable, ainsi qu' un faisceau d'obsessions identiques de livres en livres, pas lui. de son premier recueil de nouvelles
Ceux qui ne sont pas en mer à celui-ci
Un train est passé, en passant par des recueils de
poèmes et un autre superbe roman
le sourire des évadés,
Fabien Sanchez explore le champ de l'écriture,
non pas pour distraire, mais pour nous mettre le nez dans ce qui nous préoccupe tous ; il parle du quotidien mais dans un langage de plus en plus recherché, allégorique, riche de sens et de nuances, l'on a l'impression qu'il reste à la surface des choses et des êtres comme pour mieux
en exprimer les zones cachées et les profondeurs.
Le regard qu'il pose sur les sentiments humains est toujours bienveillant, mais l'on sent bien que lorsqu'il parle des autres, il ne parle pas pour eux, mais pour nous, et de lui-même ; il y a chez lui un souci de la vérité des sentiments et une exigence stylistique, comme si le style voulait leur rendre hommage, et que de cet hommage, naisse une oeuvre d'art.
Car ce qui importe chez lui, comme il l'a déclaré, ce n'est pas tant de raconter une histoire, sinon la manière dont on la raconte. le style est tout, et
Fabien Sanchez n'en manque pas.
Sa prose s'enrichit de livre en livre, gagne en maturité, en maitrise ; mais pas en sagesse, et heureusement, elle reste au service de personnages écorchés vifs, jamais tièdes, toujours denses, profonds et inspirés, au point que l'on se demande s'ils ont existé ou ne sont que pure invention, car dans la vie de tous les jours, on ne trouve pas toujours des personnages aussi vivants, inspirés que Mathias le narrateur, ou son ami François, ou Jean Gadenne (faut-il voir dans ce nom un clin d'oeil à l'écrivain
Paul Gadenne ?) le drogué du village ou cette femme blessée Beatrice Kleinfinger dont Mathias tombe amoureux, sorte d'antithèse (le mot est barbare) d'Emma Bovary.
Rien n'est superflus, tout va toujours à l'essentiel, ou l'effleure, quand il ne tourne pas tourne autour.
Ce court roman se lit d'une traite, le souffle court, et l'on arrive à la fin, hors d'haleine, riche d'émotions, et un brin planant au-dessus du réel., qui, comme l'écrivait
René Char, ne se traverse que soulevé.
Fabien Sanchez a déclaré : J'écris aujourd'hui pour arracher sa part d'ombre à ce que l'ombre a autrefois caché dans son indicible clarté.
L'ombre et la clarté sont les deux pôles de ce huitième livre de l'auteur, et entre les deux, il y a des personnages qui sont le reflet de l'indicible, et qui, le reflétant, deviennent les figures incarnées de nos multiples visages.
Chez
Fabien Sanchez, je n'est pas un autre ; je est tous les autres.
Ici, je le cite, pour conclure :
Ce qui nous rend tous identiques est que nous sommes tous singuliers.