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EAN : 9782081278363
138 pages
Flammarion (13/03/2013)
4.14/5   33 notes
Résumé :

La problématique principale déroulée dans cet essai ne manquera pas d'apparaître illégitime, et même révoltante, à plus d'un lecteur.
Elle sera d'emblée récusée par nombre de laïcs déterminés à se définir comme juifs. Pour d'autres, je ne serai qu'un traître infâme, rongé par la haine de soi. Des judéophobes conséquents ont déjà qualifié d'impossible, voire d'absurde, une telle question, parce qu'ils considèrent qu'un juif sera toujours d'une autre r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je souhaite démissionner et cesser de me considérer comme juif

Je ne vais pas ici discuter de « divergences » avec l'auteur sur son appréciation des Lumières, sur ce que pourrait être « un peuple » ou « une nation », entre auto-dénomination et imaginaire, entre inventions et effets matériels. Cela n'est de toute façon qu'accessoire en regard de l'objet de son livre, d'autant que nous partageons probablement la nécessité d'inscrire leurs inventions et leurs réalités dans l'histoire. Il n'y a ni peuple ni nation qui ne soit qu'historique, et pour les nations, leurs inventions/constructions sont récentes (XIXe siècle).

Shlomo Sand reprend en les synthétisant ses analyses antérieures et les conjuguent à des dimensions plus personnelles : de la critique de la judéité « comme une essence immuable et monolithique », de l'État d'Israël comme celui des « juifs du monde » et « non pas comme l'expression organique de la souveraineté démocratique du corps citoyen qui y réside », à la mise en cause de cette « identité démente » qui ne relève pas du libre choix et au refus des sionistes de reconnaître le principe d'une nationalité israélienne. « Pour cela, j'extrairai de ma mémoire friable des grumeaux de poussière et dévoilerai certaines composantes des identités personnelles acquises au cours de ma vie ».

L'auteur soulignera que « l'identité n'est pas un couvre-chef », que « le moi s'invente et se fixe une identité dans un dialogue permanent avec le regard de l'autre ». Il interroge la « culture juive laïque », avec un regard mélancolique sur le Yiddishland et dénonce le présent étouffé par les traditions. Son parcours plonge dans le temps long, l'histoire ancienne, les rapports entre « juifs, chrétiens et musulmans », la judéophobie en Europe. Il évoque, entre autres, la figure de Bernard Lazare, l'ancien empire khazar juif, les pogroms et les déracinements du peuple yiddish, cette culture niée à la fois par le sionisme et les courants communistes et exterminée par les nazis.

Il examine, entre autres, la fabrication de l'hébreu qui devrait se nommer l'israélien, le rejet du yiddish, la négation en soi de toute arabité des juives et juifs du proche et moyen-orient, l'invention d'un peuple-race, le mythe religieux de la descendance d'Abraham, la légende chrétienne du peuple maudit, le rôle de l'appareil éducatif et de l'appareil militaire dans la construction de l'identité, la Bible comme livre d'histoire héroïque et laïque.

J'ai particulièrement apprécié « Se souvenir de toutes les victimes » dont la dénonciation de « la revendication intransigeante de l'exclusivité juive sur le crime nazi », les suites des questions d'une enfant après la lecture de la Haggadah de Pâque, la critique de la soit-disant supériorité morale juive, ou les interrogations sur la « vocation universelle » des principes des dix commandements.

Avec force l'auteur s'interroge « sur qui est juif en Israël ?», les lois religieuses et les lois civiques, l'ethnocratie sioniste, le judéocentrisme en croissance de l'État, « être juif en Israël signifie être un citoyen privilégié qui jouit de prérogatives refusées à ceux qui ne sont pas juifs, et particulièrement aux Arabes ». Les interrogations se poursuivent avec : Qui est juif en « diaspora » ?

Shlomo Sand conclut « Sortir du club exclusif » : « Supportant mal que les lois israéliennes m'imposent l'appartenance à une ethnie fictive, supportant encore plus mal d'apparaître auprès du reste du monde comme membre d'un club d'élus, je souhaite démissionner et cesser de me considérer comme juif »

Conscient de vivre « dans l'une des sociétés les plus racistes du monde occidental », après cette démission, il n'entend pas cependant renoncer à espérer. Shlomo Sand est certes fatigué « et sens que les dernières feuilles de la raison tombent de notre arbre d'action politique, nous laissant à découvert face aux critiques des sorciers somnambules de la tribu », mais il continuera « d'écrire des livres semblables à celui dont vous achevez la lecture » et nous continuerons à les lire.

Ne pas accepter une « identité » octroyée, se libérer de « cette étreinte déterministe », ne pas accepter les mythologies construites pour l'étayer, ne pas passer sous silence les crimes commis en son nom, est un cri politique salutaire. Un cri souvent poussé par les dominé-e-s dans des rapports sociaux, enfermé-e-s dans des identités inventées (« La politique moderne des identités est faite de fils barbelés, de murailles et de barrages qui définissent et bornent des collectifs, petits ou grands ») pour mieux les essentialiser ou les naturaliser, pour justifier les ordres sociaux bénéficiant aux dominant-e-s. Cette non-acceptation politique, par un être humain socialement situé du coté d'une domination (ici un israélien qui reconnaît et combat la domination et les spoliations des palestinien-ne-s) est beaucoup plus rare. Comment ne pas penser au « Refuser d'être un homme » de John Stoltenberg;
Les identités des êtres humains sont à la fois plurielles, variables, historiquement et socialement construites, nous pouvons les changer et sortir de leur « club exclusif » où certain-e-s voudraient nous confiner.

Je ne sais si Shlomo Sand partagerait cette opinion. Quoiqu'il en soit, je souligne sa démarche intellectuelle, son refus d'être identifié pour ce qu'il ne veut pas. Il n'a donc pas cessé, bien au contraire, d'être un être humain et de le revendiquer…
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Très bonne initiation aux deux grands autres livres de Sand sur la question juive actuelle. Sand est un historien accompli mais aussi un intellectuel honnête et surtout un véritable « humaniste » : contrairement à ce qu'ont pu en dire certains de ces détracteurs enfermés dans les logiques qu'il dénonce précisément (particulièrement en France), Sand n'est pas une nouvelle image de la haine de soi : il dresse un réquisitoire (ici rapide) de l'impasse d'un État ethoncratique et raciste, il s'érige contre ce que les sionistes négationnistes de ce qu'est la vraie judéité font de l'Etat d'Israël auquel il est pourtant attaché et qui pourrait devenir une vraie démocratie s'il n'était pas gouverné par des extrémistes dignes des plus sombres pages de l'histoire mondiale contemporaine. Sand a cessé d'être juif parce que ce que les « nouveaux juifs », vrais faux juifs ayant renoncé à la culture yiddish ancestrale et à la pratique cultuelle personnelle (au profit de pratiques mondaines) , qui sont aujourd'hui à la tête d'un État (qui en défendent la politique) en rien démocratique et prétendument juif ont fait de cette identité avant tout religieuse. Il se revendique israélien, ouvert, tolérant, humaniste, conspuant aussi bien les sionistes fascisants que les antisémites viscéraux (deux faces d'une même pièce de la haine de l'autre).
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Cet essai de Shlomo Sand est pour moi une excellente découverte. Une lecture culturellement enrichissante qui amène à la réflexion sur l'identité du peuple juif. Un témoignage qui lui a valu le parjure d'une grande partie de sa communauté comme il l'anticipait lui même dans l'introduction de son livre.

Son point de vue objectif concernant le colonialisme sioniste est le point fort de ce fascicule, on y apprend beaucoup d'éléments importants sur l'histoire du judaïsme avant et après la naissance d'Israel. du mépris des juifs d'Orient envers les Ashkénazes et les Séfarades mais aussi l'évolution de la langue de l'Exil (le yiddish) ainsi que de sa perception qui s'est beaucoup métamorphosée au sein même du pays. Il met en avant les agissements israéliens à l'égard des Palestiniens tout en démontrant la grande manipulation de la shoah qu'il qualifie lui même d'industrialisation de la culpabilité mise en place par les sionistes.

De la victimisation à la ségrégation, l'auteur à pleinement conscience de vivre dans l'une des sociétés les plus racistes du monde occidental et le prouve d'une manière remarquablement réfléchie.

Son synthétisme permet une lecture agréable et enrichissante pour son lecteur qu'il soit juif laïc, ethno-centriste, sioniste ou simple goyim. Une expérience qui m'a donné envie de découvrir l'auteur au travers de ses écrits.


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J'ai été assez déçue par ce livre qui même si il m'apporte énormément d'informations me semble totalement incohérent par moment, par exemple : l'auteur confond les arabes et les musulmans, contrairement à ses dires on m'a enseigné que l'on n'a exterminé des juifs en Allemagne, mais aussi des homosexuels, des tziganes... Donc la théorie du grand complot s'effondre lorsque j'avais 14 ans au collège! Je ne me souviens pas de tout mais ensuite j'ai du mal à croire au reste (forcément).
SI je suis parfaitement d'accord de son point de vue sur les religions en général, je ne comprends toujours pas qu'il compare le christianisme, le judaïsme et la religion musulmane (qui ne porte pas le même message sur l'égalité des sexes et sur l'importance de la vie).
J'aimerais gentiment aussi apporté aux critiques politiques qu'il fait que rien n'est jamais parfait bien sûr, mais aucun comparatif par exemple français, nous sommes censé être un état laïque est pourtant nos lois ne sont pas respectés pour des questions de religions des musulmans, en fait maintenant on a carrément jeter l'éponge.
L'auteur nous a raconté une anecdote plein de sagesse sur le fait que sa fille de 5 ans ne comprenait pas que pendant la Pâque juive on remercie DIeu d'avoir envoyer les dix plaies d'Egypte, car cela signifie tuer des nouveaux nés innocents. Donc un splendide exemple de l'horrible "logique" religieuse qui ne saute pas aux yeux des adultes, mais à ceux des enfants innocents.
Dans le genre moins sauvage, comment expliquer à ma fille que certaines mères de mon école viennent voilées chercher leur enfant (alors que c'est strictement interdit)? Comment dire certaine règles ne sont pas respectées par les plus grands car ils pensent que l'avis d'un livre poussiéreux est plus important que la vie actuelle?Je ne parle même pas d'une femme dans le tram qui avait l'avait apeuré car elle portait le voile intégrale; comme lui expliquer que non ce n'est pas un monstre( car dans son esprit ça ne peut être que ça), c'est une personne qui a choisi de porter ça car... (impossible, vu que je ne peux me l'expliquer à moi-même).
Vous l'avez compris, encore un livre qui se veut révélateur et qui reste dans le politiquement correct. Mais le fait est que dès qu'on aborde le thème des religions, c'est impossible, et c'est une vrai athée qui vous le dit.
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Il y a celles et ceux - la plupart d'entre nous - qui ont besoin du sentiment d'appartenir a une collectivité car cela les rassure et les "structure" comme disent les psychologues. Il y a aussi les gens qui, a l'inverse, ressentent toute appartenance - ethnique, nationale, politique, religieuse ou autre - comme une contrainte. Enfin, il y a les esprits qui sont capables de rejeter cette appartenance des lors qu'ils ne se reconnaissent plus dans le groupe auquel ils sont censés appartenir. Cela me parait etre le cas de l'auteur dont je respecte le courage des convictions.

Le courage lucide de Shlomo Sand qui se veut Israélien non-religieux et non pas juif israélien non-religieux annonce-t-il une tendance d'évolution des mentalités avec de profonds changements a la clé dans cette région du monde ?
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critiques presse (2)
NonFiction
22 avril 2013
Fatigué de se sentir faire partie d’une caste, Shlomo Sand semble jeter l’éponge ; mais c’est pour réaffirmer ses engagements laïcs et humanistes.
Lire la critique sur le site : NonFiction
NonFiction
22 avril 2013
Tout en s’attaquant à la politique actuelle de l’Etat d’Israël, Shlomo Sand revient sur ce qui pourrait constituer une identité juive laïque.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Dans un film français d'une durée de neuf heures, intitulé Shoah,il est toutefois, bien plus difficile d'excuser que pas un seul train ne soit mentionné provenant de France ! N'est guère évoquée la relative indifférence de la majorité des habitants de la "ville lumière", et, parmi ceux-ci, des intellectuels qui tuaient le temps au café de Flore ou aux Deux-Magots, pendant que les enfants juifs étaient emmenés au Vélodrome d'Hiver.
...
De plus, en tant que spectateur israélien de l’œuvre d"un réalisateur qui se définit comme juif, j'ai du mal a accepter que sur toute la durée d'un film sur la mémoire, si attaché au détail, ne soit jamais évoquées d'autres victimes que les juifs dans cette gigantesque industrie de la mort. Ainsi, bien que la majeure partie du film ait été tournée en Pologne, on laisse le spectateur dans l'ignorance que cinq millions de Polonais y ont été assassinés : deux millions et demi d'origine juive et deux millions et demi de catholique.
...
Si l'on évoque les proportions le nombre de Roms(tziganes) assassinés, sur l'ensemble de leurs communautés, s'avère très proche de celui des victimes juives ; Portant ils n'ont pas droit a une mention dans la Shoah lanzmannienne.
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A l'université, j'enseigne a des étudiants d'origine palestinienne : ils s'expriment dans un hébreu limpide et sont censés, selon la loi, être considérés comme des Israéliens à part entière, or les registres du ministère de l'Intérieur les identifient définitivement comme des "Arabes", et non pas comme des "Israéliens". Cette marque d'identité ne procède nullement de leurs choix volontaire ; elle leurs est imposée, et il leur ait impossible d'en changer. On imagine quel tollé se déclencherait en France, aux États-Unis, en Italie, en Allemagne ou dans d'autres démocraties libérales si les autorités imposaient a ceux qui s'identifient comme juifs de faire figurer cette définition sur leurs pièce d'identité, ou encore de faire mention de cette identité dans le recensement officiel de la population.
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J'ai conscience de vivre dans l'une des sociétés les plus racistes du monde occidental, mais en Israël on le trouve dans l'esprit des lois, on l'enseigne dans les écoles, il est diffusé dans les médias. Surtout, c'est là le plus terrible, les racistes ne savent pas qu'ils le sont et de ce fait ne se sentent nullement obligés de s'excuser. En conséquence Israël est devenu une référence particulièrement prisée par une majorité de mouvement d’extrême droite dans le monde dont jadis l’antisémitisme était bien connu.
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Dans l'État laïc en voie d'être créé, le mariage civil fut donc interdit, seules furent consacrées les unions religieuses. Un juif ne peut qu'épouser une juive, le musulman ne pourra qu'épouser une musulmane, et cette loi durement ségrégative s'applique aussi aux chrétien et aux druzes. Un couple juif sans enfants ne peut adopter une enfants "non juif" (musulman ou chrétien) qu'en le convertissant au judaïsme selon la Loi rabbinique ; l'hypothèse de l'adoption d'un enfant d'origine juive par une couple musulman n'est pas envisageable.
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A L'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), on organisa un colloque universitaire, le premier en France, sur le nazisme et l'extermination. Les représentants de la communauté juive, qui participaient à la préparation du colloque et à son financement, s'alarmèrent de l'invitation faite à une conférencière tzigane et s'opposèrent fermement a sa venue. Après de rudes efforts et grâce à l'intervention active de l'historien Pierre Vidal-Nacquet, la conférence de la chercheuse "non juive" fut autorisée. Cet incident m’écœura. J'avais d'abord été étonné car, au début des années 1980, je ne connaissais pas encore la revendication intransigeante de l'exclusivité juive sur le crime nazi.
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Videos de Shlomo Sand (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Shlomo Sand
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Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Shlomo Sand, historien israélien Alain Dieckhoff, sociologue
Visuel de la vignette : Ólafur Steinar Rye Gestsson/ Ritzay Scanpix / AFP
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