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Critique de Luniver


Un titre un peu provocateur sur un sujet déjà bien sensible.

L'essai commence par une réflexion générale sur les nations, notion relativement récente et difficile à définir, les multiples et récurrents débats sur l'«identité nationale» qui éclosent un peu partout en est la preuve. Pour bâtir ces nations, on a eu recours à diverses constructions, dont l'identification d'un « peuple-race » mythique originel, présent sur les terres depuis toujours, et dont chaque habitant de la nation serait le descendant direct (la France a les Gaulois, les Allemands les Germains, ...), faisant fi de l'histoire remplie d'invasions, et donc de métissage, en tout genre.

Le nationalisme juif s'est développé en même temps que les autres, dans le courant du 19ème siècle. C'est la Bible qui a servi de base : dépouillée de tous les aspects religieux et surnaturels, les faits décrits sont néanmoins considérés comme historiquement fiables. de même, l'Exil (durant lequel le peuple juif aurait été forcé de quitter Israël), doctrine plutôt chrétienne qui y voyait une punition pour le « peuple déicide », est conservé, même s'il est difficile à situer : parfois à la seconde destruction du temple de Jérusalem, parfois aux conquêtes arabes dans la région. Quoi qu'il en soit, les faits sont têtus et s'acharnent à ne pas correspondre aux théories émises.

Par Schlomo Sand, la solution est beaucoup plus simple : si le judaïsme s'est répandu, ce n'est pas parce que la population entière a été exilée, ce qui est contredit par le manque de documents et de preuves archéologiques, mais simplement par un mécanisme de conversion. La religion juive a connu des périodes de prosélytisme particulièrement actif, et donc de conversions en masse de populations, attestées par des écrits (Cicéron notamment), et seule solution crédible pour expliquer les explosions démographiques : un peuple qui aurait un taux de fécondité extraordinairement élevé par rapport aux autres groupes tout en partageant les mêmes conditions de vie ne tient pas vraiment la route. Les habitants en Palestine se convertissant pendant ce temps, au christianisme d'abord, à l'islam ensuite.

Ce livre soulève beaucoup d'interrogations sur Israël, qui se définit comme l'état des Juifs : la légitimité de retourner dans la « mère-patrie » prend du plomb dans l'aile. Définir qui est juif et qui ne l'est pas devient difficile également : les demandes de naturalisation aboutissent d'ailleurs parfois à des situations rocambolesques.

Un livre intéressant, qui permet de déconstruire les mythes et la récupération de l'histoire à des fins politiques. Seul petit reproche, un ton parfois sarcastique envers chercheurs ou politiciens israéliens, qui nuit à l'impression de sérieux que dégage le reste du texte.
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