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Critique de clesbibliofeel


Edition établie, présentée et annotée par Brigitte DIAZ, édition 2004.

A 42 ans, en 1847, George Sand commence "Histoire de ma vie" dont la rédaction prendra huit ans. Cette version élaguée vous évitera d'avoir à lire..., les quelques vingt volumes de l’édition complète originale !... Et cela me semble la meilleure façon d’aborder cette auteure majeure, les romans ayant plutôt mal vieillis... Sauf si on cherche à imager l’ambiance particulière du Berry au XIXème siècle, ce qui est mon cas, le berceau de ma famille se situant dans l’Indre avant que mon arrière-grand-père ne « s’expatrie » en Touraine.
On retrouve dans « histoire de ma vie » un condensé de leçon d’histoire de la fin du XVIIIe siècle et du début XIXe siècle... Selon George Sand « l’oubli est un monstre stupide qui a dévoré trop de générations ».
Dans cette version très élaguée du texte d’origine, le chapitre II a été totalement diminué du passage sur la généalogie de l’auteur. Qu’à cela ne tienne on peut retrouver ces pages admirables sur Gallica et c’est tant mieux pour l’espoir de lutter contre l’oubli en utilisant les outils nouveaux à notre portée immédiate.
On retrouve, ou découvre pour certains, le caractère bien trempé de George Sand, par exemple concernant le roi de Pologne, son ancêtre, « ce n’est pas un honneur bien rare d’avoir un peu de son sang dans les veines, car il eut, dit-on plusieurs centaines de bâtards ».
La généalogie de George Sand (Aurore Dupin de son vrai nom) est effectivement tout à fait étonnante et racontée de la plus belle des façons dans ce livre :
Marie-Aurore de Saxe est la grand-mère de George Sand. Elle est la fille de Maurice de Saxe, lui-même fils du roi de Pologne.
Une grand-mère qui a veillé à l’éducation de sa petite fille trop tôt orpheline de son père et dont la mère, n’appartenant pas à ce monde (fille de troupe de théâtre, une des plus basses « castes » de l’époque) a été vite rejetée et vaincue par les difficultés. Une grand-mère qui est décrite : « royaliste sans l’être », on ne renie pas ses origines si facilement !
Toute l’enfance d’Aurore est marquée par cette Marie-Aurore de Saxe, grande dame-aristocrate-croyante qui a fréquenté la société des lumières dont Buffon, dont Voltaire et qui se remaria avec Louis-Claude Dupin de Francueil (32 ans plus âgé).
"M. Dupin de Francueil, le même que Jean-Jacques Rousseau, dans ses Mémoires, et Mme d’Epinay, dans sa Correspondance, désignent sous le nom de Francueil seulement, était l’homme charmant par excellence, comme on l’entendait au siècle dernier."
Marie-Aurore avait déjà rencontré le grand Jean-Jacques chez Mme Louise Dupin nommée par l'auteure de Chenonceau (en fait elle a vécu à Chenonceau et n'a jamais porté ce nom), seconde épouse de son beau-père. Difficile de s’y retrouver, mais le plus important est de comprendre sur quel terreau fertile a poussé le génie de la future George Sand.
"Une autre preuve irrécusable que ma grand-mère eût pu revendiquer devant l’opinion publique, c’est la ressemblance avérée qu’elle avait avec le maréchal de Saxe, et l’espèce d’adoption que fit d’elle la Dauphine, fille du roi Auguste, nièce du maréchal, mère de Charles X et de Louis XVIII. Cette princesse la plaça à Saint-Cyr et se chargea de son éducation et de son mariage, lui intimant défense de voir et fréquenter sa mère."
George Sand (Aurore Dupin) a donc une branche de sa famille du côté du roi de Pologne et l’autre vers de grands argentiers, son arrière grand-père Claude Dupin ayant été un des hommes les plus riches de son temps – il avait ainsi pu acquérir de nombreuses propriétés dont le château de Chenonceau.
« ...Les généalogies plébéiennes ne peuvent lutter contre celle des riches et des puissants de ce monde. »
Ses fulgurances aident à comprendre, hier et encore aujourd’hui, le réel : « ...il y a, dans la vie des pauvres, des entraînements, des malheurs et des fatalités que les riches ne comprennent jamais et qu’ils jugent comme les aveugles les couleurs. »
C’est ça George Sand, un talent d’écrire et de comprendre car elle connaît l’un et l’autre monde. On la croit quand elle dit ne pas aimer la parole, elle qui a tant écrit dans sa vie.
Parlant de Balzac : « Son commerce était fort agréable, un peu fatiguant de paroles pour moi qui ne sais pas assez répondre pour varier les sujets de conversation ».
Une note de bas de page indique notamment que la correspondance de George Sand a été admirablement éditée par Georges Lubin (classique Garnier, 1964-1991, 25 volumes.....). Les écrits de George Sand se sont avant tout sa vie exceptionnelle, avec sa correspondance énorme, ses récits de voyage et ses romans.
Ce récit de sa vie depuis l’enfance est une première pour une femme !
Années riches d’émotions du couvent des anglaises de 14 à 16 ans, avec les diables, les sages et les bêtes... Devinez ! Elle sera très vite chef de file des diables... Avant une période mystique due à sa sensibilité hypertrophiée. Mais Jésus ne lui suffit pas, elle crée sa divinité qu’elle nomme « Corambar ».
Le seul voyage évoqué (les voyages à cette époque étaient plus compliqués et donc rares) est un « voyage aux Pyrénées ». À la vitesse du pas du cheval, ce n’est pas rien, et curieusement la première ville évoquée est Cauterets (c’est une ville où j’ai de superbes souvenirs de vacances, et encore je ne savais pas que j’étais sur les pas de George Sand !), cela donne sous « la plume » de George :
« Les blocs se penchent et surplombent. Le précipice se creuse, le gave s’enfonce et gronde... ».
On a une impression visuelle à travers les mots, ce que j’avais déjà éprouvé dans « le voyage à Majorque ». Les conditions même des voyages à cette époque devaient rendre le vécu plus dense, indépendamment du caractère de feu d’Aurore Dupin et de son jeune âge qui, déjà mariée depuis 3 ans, n’a pas 21 ans...
Cinq années après, elle rencontre au cours d’un séjour à paris où elle se rend de plus en plus souvent, Jules Sandeau, qui sera à l’origine de son pseudonyme.
J’ai aussi beaucoup apprécié le récit du début ou de la suite de liaisons qui sortiront définitivement Aurore du cercle des liens aristocratiques qu’elle avait commencé avec son premier mari, Casimir Dudevant (et dernier mari car Aurore sera une femme libre et vivra dorénavant sa vie au gré des rencontres artistiques et ses amours auront la seule particule qui vaille à ses yeux, le talent, que ce soit dans la peinture, la littérature, la musique, voire la politique mais version diable contre l’injustice et les sages de l’autorité).
« Ceux-là, en me connaissant, ne se sont plus étonnés du contraste d’un esprit si porté à s’assombrir et si avide de s’égayer ; je devrais dire d’une âme si impossible à contenter avec ce qui intéresse la plupart des hommes, et si facile à charmer avec ce qu’ils jugent puéril et illusoire ».

Vous pouvez lire les autres articles de "mes livres essentiels" sur le blog "Bibliofeel" ou "clesbibliofeel". A bientôt !

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