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Après plusieurs textes peu intéressants cette semaine, j'ai décidé d'effectuer un retour aux sources ! Après avoir hésité entre Zola et Sand, tous les deux bien présents dans ma bibliothèque, j'ai finalement opté pour la dernière, encouragée en cela par ma chère George. Terminé la semaine dernière, depuis je tremble à l'idée de rédiger cet article car je sais que ma copine sera derrière mon épaule et que j'ai pas intérêt à raconter n'importe quoi sur un roman de George Sand !

Mais heureusement pour moi, je ne vais pas avoir besoin de me forcer pour rédiger un article positif car j'ai littéralement dévoré ce roman à mi chemin entre le Capitaine Fracasse de Gautier et Indiana, premier roman sous le pseudonyme de George Sand. En bref, de l'amour, de la philosophie, de l'aventure, des combats, de l'épée, et une figure de femme magistrale, Edmée. Une de celle qui ne vous lâche plus ensuite. Car sous ses airs fragiles, c'est une femme à la volonté de fer et à l'intelligence redoutable que nous dépeint Sand.

Au XVIIIe siècle, dans une province reculée du Berry, habitent les Mauprat. « C'est une race indomptable, incorrigible, et dont il ne peut sortir que des casse-têtes ou des coupe-jarrets. A ceux que l'éducation a le mieux rabotés, il reste encore bien des noeuds : une fierté souveraine, une volonté de fer, un profond mépris pour la vie. »

Edmée, descendante de la branche honorable des Mauprat, va prendre sous son aile son cousin Bernard, élevé par la bande de coupe-jarrets qu'est la branche aînée des Mauprat, sans morale, sans argent et sans sentiment. de véritables bandits, mais malheureusement des seigneurs aussi ce qui interdit de les déloger de leur château où ils se barricadent depuis des années.

C'est dans cette ambiance qu'a grandi le petit Bernard, dernier rejeton de la famille; c'est à l'école de la muflerie, de la violence qu'il a été élevé. Une fois sorti de cet horrible château, avec l'aide des idées de Rousseau, Edmée aura bien du travail pour le rééduquer … « Vous êtes un sauvage, Bernard. » Mais le fait que ce sauvage tombe éperdument amoureux d'elle va bien l'aider …

Petit à petit, Bernard change, avec le caractère violent et entier qui est le sien : « Je parvins à gouverner mes mouvements jusqu'à un certain point. Je ne me corrigeai jamais de l'orgueil et de la violence. On ne change pas l'essence de son être, mais on dirige vers le bien ses facultés diverses; on arrive presque à utiliser ses défauts; c'est au reste le grand secret et le grand problème de l'éducation. »

Si Edmée est tout de suite attachante, et que l'on sent qu'elle sera le personnage pivot du roman, le récit est pourtant centré sur celui de Bernard. Pour cause, le roman se présente comme un récit de Bernard lui-même, au crépuscule de sa vie. Un angle intéressant car le vieux Bernard condamne tout ce qu'il a été avant de rencontrer sa cousine Edmée, et porte un regard plus que sévère aussi bien sur ses propres actes que sur ses pensées d'alors.

Il me semble que Sand a trouvé une manière habile de démontrer les vertus et la puissance de l'éducation, qui peut combattre tous les mauvais instincts et penchants animaux de l'homme. Mais elle montre surtout que ce travail ne peut être fait que de l'intérieur. C'est son amour pour Edmée qui poussera Bernard à s'amender, à essayer de comprendre ses réactions et à changer. Mais ce ne sera pas si facile, et bien des obstacles, physiques et moraux vont séparer ces deux personnages clés.

« L'homme ne naît pas méchant; il ne naît pas bon non plus, comme l'entend Jean-Jacques Rousseau [...]. L'homme naît avec plus ou moins de passions, avec plus ou moins de vigueur pour les satisfaire, avec plus ou moins d'aptitude pour en tirer un bon ou mauvais parti dans la société. Mais l'éducation peut et doit trouver remède à tout; là est le grand problème à résoudre, c'est de trouver l'éducation qui convient à chaque être en particulier. »

Roman romantique, roman gothique, histoire d'amour, histoire de famille, roman d'éducation, manifeste féministe, Mauprat est tout cela à la fois, et bien plus encore, concentrant les thèmes chers à Sand, ainsi que ses combats les plus intenses.

Un roman capital dans l'oeuvre de George Sand, et une magnifique lecture pour moi.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Bernard Mauprat, au crépuscule de sa vie, livre "l'histoire de (sa) vie" et sa longue confession tutoie aussi bien le récit gothique, le bildungsroman que le roman historique ou d'amour, le tout panaché de discours philosophiques, politiques et sociaux.

Dans le Berry du XVIIIe siècle finissant, deux branches de la famille Mauprat, de sinistre réputation, s'opposent : la branche aînée avec Tristan (chef du clan des "Mauprat coupe-jarret") et ses rejetons dévoyés sème la terreur -pillages, débauches et malversations- tandis que la cadette grâce aux vertus d'Hubert ("Mauprat casse-tête"), père de l'unique Edmée, n'est que droiture et bonté.

Sand nous entraîne alors dans un tourbillon d'aventures et de sensations et ce, dès la scène d'ouverture de ce roman luxuriant : on y assiste à la chevauchée nocturne de l'ignoble Tristan qui vient d'arracher son petit-fils Bernard aux siens pour l'élever dans sa sinistre demeure. La mort, la nuit, le fantastique, la peur, la forêt, ... c'est le Erlkönig de Schubert !

Quelques années plus tard, un accident de chasse conduit Edmée à la Roche-Mauprat, sur les terres de ses terribles cousins : échappant de peu à un viol programmé, la mignonne est sauvée des griffes de ses ravisseurs par Bernard. Le Chevalier Hubert accueille alors le preux jouvenceau dans son château avec comme ambition de transformer le sauvageon en gentilhomme éclairé.

Sur le long et douloureux cheminement de son éducation, Bernard pourra compter sur les leçons de vie de Patience, un sympathique cénobite, zadiste avant l'heure, du laconique Marcasse, taupeur fidèle et de l'abbé Aubert, prêtre des Lumières. Ces éveilleurs de conscience, précepteurs attentifs et bienveillants, feront de l'enfant sauvage un homme accompli.

Mais au delà des péripéties de ce passionnant roman d'apprentissage (attaque de château, guets-apens sinistres, procès pour meurtre...) et des évènements historiques abordés (Guerre d'indépendance des États-Unis, prémices de la Révolution à venir), ce qui fait, à mes yeux, le prix de Mauprat c'est l'éducation sentimentale qu'initie l'ardente Edmée au profit de son jeune barbare de cousin. Dans ce Pygmalion inversé ("My fair Sir"), Galatée s'empare des ciseaux pour façonner l'homme idéal : "(...) ne vous targuez jamais avec moi des droits acquis. L'affection ne se commande pas, elle se demande ou s'inspire ; faites que je vous aime toujours, ne me dites jamais que je suis forcée de vous aimer." La tête, le cœur et les sens.

A travers sa frémissante héroïne, George Sand, en activiste infatigable, libère la parole des femmes. Mi pasionaria, mi bas-bleu, elle défie les conventions et milite pour l'égalité dans le couple (unions choisies et non imposées, sexualité consentie) et, déjà, pour la déconstruction du genre.

Captivant, exaltant, Mauprat est un véritable roman de femme en ce que Sand crée avec Edmée une héroïne terriblement incarnée : quel romancier du XIXe peut se targuer d'avoir inventé une jeune fille aussi authentique qu'Edmée Mauprat ?
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Un roman très intéressant qui se déroule durant la période pré-révolutionnaire, dans la campagne berrichonne.

L'histoire est rapportée par le personnage principal, Bernard, à un narrateur inconnu, à qui il fait le récit tumultueux de son amour pour Edmée, dans des proportions telles qu'il n'est pas évident de comprendre l'intérêt de cet emboîtement, puisque Bernard, le personnage, aurait presque pu assumer de bout en bout la narration. Insistant sur la rupture fondamentale de la Révolution, y compris sur le plan esthétique, le roman reprend de nombreux traits de l'écriture et des thèmes du XVIIIème siècle, quoique l'auteur soit du XIXème. Beaucoup de pleurniche, donc, beaucoup de génuflexions intempestives devant la femme aimée, beaucoup de décisions suicidaires, beaucoup de subjonctif, beaucoup de formules annonciatrices du malheur à venir, etc... Mais surtout, une élégance de style imitant de façon très convaincante les auteurs du Grand Siècle, même dans la bouche des personnages censés incarner des brutes épaisses.

Roman d'apprentissage pour Bernard, sorte de fauve orgueilleux sauvé in extremis par la philosophie de Rousseau, Mauprat constitue une réflexion poussée sur l'éducation, sanctionnée par une morale qui se distingue toutefois des leçons du maître. Il ne faut pas croire que tout fonctionne comme sur des roulettes dans la rédemption de Bernard : il passe d'un extrême à l'autre, conserve un caractère violent qui montre que ses démons sont toujours là. Mais l'oeuvre est profondément optimiste au sens où elle défend l'hypothèse de la perfectibilité de l'homme, quel que soit son niveau de sauvagerie (et Bernard en est initialement un sacré spécimen). Il y a donc une grande satisfaction à suivre l'évolution tantôt poussive, tantôt prodigieuse de Bernard sous l'influence salutaire d'Edmée et de ses amis.

D'ailleurs, il y a là une idée qui infuse tout le récit, certainement hardie pour l'époque, selon laquelle la femme n'est pas inférieure ni même égale à l'homme, mais supérieure, et que c'est donc à lui de se hausser à son niveau (par l'éducation et les moeurs) pour l'obtenir. le pauvre Bernard passe tout le récit au bord de la crise de nerfs en ne voyant pas ses efforts récompensés, faute d'entendre le refus d'Edmée de céder à plus médiocre qu'elle ne mérite. Alors je calme tout de suite les féministes 2.0 : l'auteur, à travers la rivalité entre Bernard et M. de la Marche, aristocrate "bien comme il faut" mais à la rusticité douteuse, pour le coeur d'Edmée, défend la nécessité pour la femme de disposer "d'un homme et non pas d'un brin de muguet", qui sache accomplir les travaux pénibles (à l'époque, pousser la charrue et tuer le gibier) et entretienne force de corps et de coeur, d'autant plus à l'approche des périodes de crise que le bon sens paysan, incarné par le personnage extraordinaire de Patience, voit pointer à l'horizon. Pas question "d'accepter la faiblesse", "d'assumer sa part de féminité" ou toute autre expression de fragiles déconstruits : l'homme doit être un roc qui prodigue sécurité et stabilité à la femme, c'est son rôle d'homme. Simplement, cela ne l'exempte pas de tendre vers la noblesse morale, comme l'exige Edmée de la part de Bernard.

Je passe rapidement sur le message politique, qui prend sa source dans les affrontements du XIXème siècle. C'est une glorification de l'action révolutionnaire, inspirée des Lumières, contre un ordre inique où le clergé tient le plus mauvais rôle. L'abbé Aubert, seul ecclésiastique positif du livre, est en réalité totalement acquis aux idées de Rousseau, au point d'être à peu près en marge de l'Église. Tout le dernier tiers du livre, occupé par le procès, illustre les conflits d'intérêt et l'incitation à la délation occasionnés par ce système féodalisant en fin de vie, dans un cadre choisi qui est celui de la justice. L'évocation appuyée de la guerre d'indépendance américaine, riche de nombreux traits historiques, annonce de façon peut-être un peu manichéenne les profonds bouleversements qui vont bientôt agiter la France pour y mettre un terme, sur lesquels Bernard, âgé, pose un regard a posteriori un peu moins crédule.

Je n'ai pas parlé des nombreuses descriptions de la nature, attendues chez cette écrivain attachée à sa terre natale, toujours d'une extrême sensibilité. Elles contribuent à faciliter une lecture bien cadencée entre action, analyse et longs dialogues, sans jamais tomber dans la trivialité à laquelle plusieurs passages se prêtent pourtant. Les personnages sont vraiment très attachants, sauf Edmée, à dessein ; je retiens surtout Marcasse, sorte de don Quichotte taiseux assez transparent jusqu'à la phase américaine, mais qui se révèle mémorable par la suite.

Une excellente découverte que je recommande vivement aux amateurs de romans historiques, et au-delà.
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Encore une intéressante découverte grâce à Babelio !
Il y a plusieurs romans dans cette oeuvre : elle commence comme un roman gothique très noir, rare chez George Sand. Je n'ai trouvé dans ses écrits que dans la fin de Lélia une telle violence et une telle angoisse en tant que lectrice. L'action commence dans un donjon féodal qu'on a du mal à dater dans le temps : le seigneur s'y comporte comme un véritable meneur de bande du Moyen-Âge, fidèle à son surnom de "Coupe-Jarret". La nuit est noire, les ripailles, les beuveries et les orgies s'enchaînent, on jure et on insulte, l'orage tonne, les loups crient, et les femmes ne sont que des proies pour les désirs des hommes. Edmée est en danger, la pulsion de viol est perceptible chez Bernard, ce qui en fait vraiment un personnage masculin à part dans l'oeuvre de Sand - on est loin du Germain de la Mare au diable par exemple qui est presque un saint... Non, Bernard fait peur, d'autant qu'il n'a pas de limite, il n'a pas été "policé" par la société.
C'est là le deuxième roman dans le roman, un roman d'apprentissage, un roman de formation. Edmée signifie "riche protectrice" d'un point de vue étymologique - j'ai cherché. Et c'est ce qu'elle est pour Bernard, une formatrice dévouée, comme une soeur ou comme une mère. C'est la mise en acte, en pratique, de l'Emile de Rousseau que lisent passionnément Edmée et l'abbé : il faut éduquer Bernard, non pour en faire un pédant - pas besoin du latin, une instruction longue et trop théorique, non pour en faire un homme du monde - il ne s'y sent pas à l'aise parmi les mondains hypocrites, mais pour développer son bon coeur. Il y a implicitement toute une théorie sur l'inné et l'acquis : quelle est la part de la nature ou la part du milieu dans la formation d'un caractère et d'une personnalité ? Bernard développe son intelligence mais surtout raffine ses sentiments au contact de personnes qui sont des modèles, qu'il admire. Cependant, on retrouve une forme d'ambiguïté : Bernard ne veut pas d'une mère ou d'une soeur, il cherche une amante. On retrouve un type de relation qui est souvent présent dans les écrits de George Sand, écrits de fiction ou en partie autobiographique : certes, Edmée n'est pas plus âgée que Bernard comme beaucoup de personnages féminins chez George Sand, mais elle est plus sage que lui et elle lui enseigne ce qu'elle sait.
Voici le troisième roman dans le roman, le roman sentimental. Autant dire que celui-ci est assez prévisible, d'autant que l'on sait dès le début comment le récit de Bernard devenu âgé va finir et comporte de nombreuses longueurs, avec, encore une fois, des torrents de larmes ; les personnages admirent la Nouvelle Héloïse, ceci explique cela...
Quelques traces diffuses de roman historique avec la participation de Bernard à la Guerre d'indépendance américaine décrite très rapidement ou avec les conséquences - très minimes - de la Révolution sur les personnages. George Sand développe surtout sur la peinture intellectuelle, philosophique et morale d'une époque, la fin de l'Ancien Régime,avec la diffusion des idées des Lumières, idées d'égalité et d'humanisme. Tout cela restant teinté d'une morale chrétienne, une des dernières paroles de Bernard étant d'ailleurs "aimez-vous les uns les autres".
Encore un mot sur deux personnages que j'ai trouvé particulièrement intéressant, Patience le philosophe proche de la nature, et Marcasse, le chasseur de taupes au grand coeur.
Décidément, moins George Sand est fleur bleue, plus je l'apprécie.
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J'ai une relation particulière avec Mauprat, parce que ma mère me l'a lu tout haut quand j'étais petite, pour me consoler d'être malade alors que j'étais en vacances. Les textes de Sand sont aérés, aisés, d'un tissage relâché ; il est difficile d'y délimiter des paragraphes intenses ; cela en fait à l'inverse des merveilles à écouter.
L'histoire a été racontée en détail dans les autres critiques. Elle est fondée sur un système binaire entre un pôle « sauvage » (la branche Coupe-Jarret des Mauprat) et un pôle « civilisé » (la branche Casse-Tête). Bernard de Mauprat n'appartient en réalité ni à l'un ni à l'autre : il a été emmené encore petit chez les Coupe-Jarret ; il est ramené jeune homme chez les Casse-Tête. Revenu à une civilisation où il est plus heureux, il conserve en lui une sauvagerie qui le marginalise. Il a pour sa cousine Edmée, chez qui il vit désormais, un amour violent qu'il tente de domestiquer.
Le château des Coupe-Jarret, tout à fait anachronique, même à la fin du XVIIIe s où l'action est censée se passer, est le lieu d'un romanesque échevelé dont j'ai gardé toute ma vie les images : Edmée qui apparaît à Bernard à la lueur du feu, les combats pendant l'orage sur les tours, la fuite dans les souterrains, les lueurs dans la nuit, le serment arraché par la peur.
Le reste du roman est constitué d'une lutte entre Bernard et Edmée. A la force de Bernard, Edmée répond une force égale (« A Mauprat, Mauprat et demie ! »). Je la vois sans cesse sur son cheval, avec sa cravache, qu'elle quitte de temps en temps, pourtant. Ainsi lorsqu'Edmée est victime d'une tentative d'assassinat, c'est naturellement vers Bernard que se portent les soupçons.
Je voudrais ajouter deux choses qui nuancent ce qui a été dit par les autres critiques :
- Bernard est marginalisé et en cela, il est à plaindre. le roman est sans cesse ambigu à cet égard. Lorsqu'il dit à Edmée - qui le repousse en soi et surtout parce qu'il est un Coupe-Jarret - « je ne sens pas qu'il y ait du mal en moi », il revendique, à juste titre, un être moral individuel et lui cloue pour une fois le bec d'ailleurs ; cette phrase est restée pour moi celle qu'articule toute personne repoussée à cause de son appartenance communautaire ;
- malgré toutes ses paroles raisonneuses, Edmée est inapte au fond à dire son propre amour. Elle n'y parvient que lors du procès final, réécriture sandienne - a-t-on dit - du procès du Rouge et le Noir. Là où une femme a le courage que Mme de Rénal n'a pas, de dire qu'elle aime cet homme qu'on accuse d'avoir tenté de la tuer ; et d'essayer ainsi de le sauver.
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Le roman s'ouvre dans une atmosphère médiévale lugubre : Bernard grandit avec ses oncles dans le ténébreux château de Mauprat, où ils mènent une vie de violence et de cruauté. Mais sa vie bascule lorsqu'il fait la rencontre de l'ermite Patience et de la jeune erudite Edmée…
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Flamboyant roman d'apprentissage, de chevalerie, d'amour et de rédemption, Mauprat est le récit d'une longue traversée de l'ombre vers la lumière. A travers le destin de Bernard, George Sand nous narre aussi le 18ème siècle et le violent passage de l'obscurantisme médiéval vers les Lumières.

J'ai adoré cette histoire magnifique, prodigieusement narrée et habitée de personnages inoubliables. Traversé par le socialisme et la philosophie de Rousseau, Mauprat est aussi une puissante satyre de la religion et de la justice. On y suit les difficultés de Bernard pour s'extirper des déterminismes, tout en étant sans cesse renvoyé à ses origines par les autres. Il y a un peu de Martin Éden chez ce personnage, qui, en se battant pour se hisser à la hauteur d'Edmée, constatera aussi que la violence est partout, et peut revêtir les formes les plus raffinées.
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George Sand nous emmène en terre berrichonne à travers ce roman aux descriptions fascinantes. Mention spéciale pour le château de Mauprat, dommage qu'il n'existe pas ! On sillonne les routes et les forêts mystérieuses tout autant qu'on sillonne l'âme de Bernard ce héros qui par amour va renouer avec son humanité. le texte est une ode à l'éducation, au féminisme, au libre arbitre. Les thèmes sont extrêmement modernes, George la visionnaire !
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Je ne sais pas pour vous mais Mauprat, moi, cela ne me rappelait rien. La mare au diable, ou La petite fadette ou encore Consuelo, oui, mais ce titre, il me semble bien ne jamais l'avoir entendu auparavant. Et c'est une agréable découverte car Mauprat est un roman tout à la fois captivant, émouvant et enrichissant. Mauprat est le nom de la famille qui est au centre de ce roman. Il s'agit, comme les décrit la quatrième de couverture, « de petits seigneurs berrichons, incultes et cruels, qui ne seraient pas déplacés dans un roman de Sade et perpétuent au dix-neuvième siècle les pires usages du monde féodal ».

La famille Mauprat est en réalité divisée en deux branches : les Coupe-Jarret , la branche aînée qui, c'est un euphémisme de le dire, a mal tourné, et les Casse-tête, sages et justes, héritiers de l'esprit des Lumières. le narrateur, Bernard Mauprat, dernier héritier des Coupe-Jarret, est un homme âgé qui revient sur sa vie, longue et agitée. L'histoire débute alors qu'il a dix-sept ans et vit avec ses horribles oncles, les Mauprat Coupe-Jarret, depuis qu'il a perdu ses parents à l'âge de sept ans. Son oncle Hubert Mauprat, de la branche cadette des Casse-tête, avait essayé de le recueillir quelques années avant, afin de l'enlever des mains de ces infâmes bandits, mais en vain.

Nous sommes dans le Berry, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, peu avant la révolution française. La fille d'Hubert Mauprat, enlevée par ses infâmes oncles, est amenée par ceux-ci à Bernard Mauprat, afin qu'il fasse preuve de sa virilité. Mais Bernard, bien qu'élevé par ses oncles, ne partage pas leur penchant pour la violence, les exactions et autres crimes qu'ils commettent régulièrement, et tombe amoureux d'Edmée. Il s'évade avec elle de l'affreuse demeure de la Roche-Mauprat, après lui avoir fait promettre qu'elle n'appartiendrait jamais à aucun autre que lui-même. Bernard ramène Edmée chez son père, qui installe Bernard chez lui et l'adopte enfin.

Commence alors une longue période pendant laquelle Bernard vit aux côtés d'Edmée. Celle-ci exige que Bernard s'instruise, ce qu'il fait avec l'abbé Aubert, ami de la famille. Edmée promet à Bernard de l'épouser lorsqu'il sera devenu un gentilhomme cultivé et apte à vivre en société, c'est-à-dire tout d'abord, à s'y comporter de façon mesurée. Mais les doutes assaillent fréquemment Bernard. Il s'impatiente et craint qu'Edmée ne change d'avis ou ne soit pas sincère. D'autant que celle-ci est depuis longtemps promise à M. de la Marche. Bernard s'ouvre parfois à Edmée, ce qui est l'occasion d'échanges passionnés mettant à l'épreuve les sentiments exacerbés des deux cousins. C'est d'ailleurs suite à l'un de ces épisodes qui représentent pour lui une torture, que Bernard décide de s'engager auprès de Lafayette, et de partir combattre pour l'indépendance de l'Amérique. Bernard ne rentrera que six ans plus tard en France. Et c'est alors qu'un événement grave viendra tout remettre en question, au moment même où tout se présentait pour le mieux, Edmée ayant en effet attendu Bernard pendant ces longues années.

Je ne vous en dirai pas plus pour préserver la fin de l'intrigue, dont on suit les rebondissements avec intérêt. En effet, on s'attache rapidement aux personnages de Bernard et Edmée, comme à ceux tout aussi intéressants de Patience, Hubert, et Marcasse. Mauprat est un roman très riche, aux multiples facettes, que J.P Lacassagne caractérise ainsi dans sa préface : « un roman indéfinissable, dense et captivant que l'on a pu lire comme un roman d'aventures, un roman d'éducation, un roman d'amour, le premier des grands romans champêtres ou des grands romans sociaux » .

En effet, le roman se veut parfois romantique, -et c'est là que se situent à mon avis les quelques longueurs, avant le voyage en Amérique notamment-, parfois aventurier, avec un horrible château, une évasion, quelques poursuites à cheval, et d'effrayants moines qui se retrouvent dans une auberge sordide. C'est aussi un roman social, lorsque Edmée devise avec ses amis proches et refait le monde, ou lorsque Patience développe des idées égalitaristes. On y retrouve d'ailleurs l'influence de Jean-Jacques Rousseau, que George Sand cite à plusieurs reprises, puisqu'il est particulièrement admiré par Edmée. Celle-ci a d'ailleurs beaucoup apprécié La nouvelle Héloïse et s'emploie à développer les qualités que Rousseau aime chez une femme : « elle aimait à reconnaître avec lui que le plus grand charme d'une femme est dans l'attention intelligente et modeste qu'elle donne aux discours graves ». Enfin, c'est un roman d'éducation qui comporte de très belles pages sur l'intérêt de la culture, comme lors de l'initiation de Patience à la poésie.

Vous l'aurez compris, une très belle lecture que je vous conseille, et qui donne envie de se replonger dans les classiques !

Mauprat, George Sand, Folio classique n°1311, Paris, 1981, 476 p.

Blog le livre d'après, http://lelivredaprès.com/mauprat-de-george-sand/
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A 80 ans, Bernard Mauprat décide de conter l'histoire remarquable de sa jeunesse et de sa famille. Deux branches fort dissemblables existaient chez les Mauprat : la branche aînée à laquelle appartenait Bernard et qui régnait sur la château de la Roche-Mauprat ; la branche cadette uniquement représentée par le chevalier Hubert de Mauprat et sa fille Edmée. Les Mauprat de la branche aînée, surnommés les Coupe-Jarret, faisaient régner la terreur sur les paysans de la campagne berrichonne. Bernard fut orphelin à 7 ans et fut expédié chez son grand-père Tristan à la Roche-Mauprat. C'est donc dans la violence, la terreur et les brimades que l'enfant grandit.

Un soir, alors que Bernard a 17 ans, l'oncle Laurent ramène une jeune femme égarée dans la forêt, une future victime de la perversité et de la concupiscence des Mauprat. Bernard, séduit par l'immense beauté de la dame, décide de la garder pour lui. C'est alors qu'il réalise qu'il s'agit de sa parente Edmée. Il décide de la sauver après lui avoir fait promettre qu'elle se donnerait à lui avant tout autre homme. Durant leur évasion, le château de la Roche-Mauprat est assailli par les gendarmes ce qui permet aux deux jeunes gens d'échapper à la vindicte des Mauprat Coupe-Jarret. Bernard est alors recueilli par Hubert de Mauprat dans son château de Sainte-Sévère où l'on va tenter de l'éduquer.

Mauprat” est un roman protéiforme, c'est tout à la fois un roman gothique, un roman d'amour, un roman féministe et un roman de formation. George Sand nous place d'emblée dans une ambiance gothique, le personnage à qui Bernard Mauprat raconte sa vie nous décrit ainsi la Roche-Mauprat : “Depuis ce temps, quand les bûcherons et charbonniers qui habitent les huttes éparses aux environs passent dans la journée sur le haut du ravin de la Roche-Mauprat, ils sifflent d'un air arrogant ou envoient à ces ruines quelque énergique malédiction ; mais quand le jour baisse et que l'engoulevent commence à glapir du haut des meurtrières, bûcherons et charbonniers passent en silence, pressant le pas, et de temps en temps font un signe de croix pour conjurer les mauvais esprits qui règnent sur ces ruines.” L'auteur utilise les codes du roman gothique dont semble-t-il elle était friande (la préface nous indique en effet que George Sand lisait Ann Radcliffe). On trouve dans “Mauprat” des ruines inquiétantes, des seigneurs corrompus et cruels, des pièces secrètes, des moines pervers et des innocents en danger. L'histoire d'amour s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans le genre gothique puisque les sentiments de Bernard et d'Edmée sont douloureux et totalement exacerbés. Et leur amour devra franchir bien des obstacles, bien des empêchements avant de pouvoir triompher.

George Sand ne se contente pas de respecter les codes du genre gothique et les fait dévier. Tout d'abord grâce à son héroïne, Edmée, qui est bien loin des personnages féminins des romans noirs du 19ème siècle. C'est une femme au fort tempérament, à l'éducation élevée et qui ne s'effraie pas facilement. Edmée décide de sa vie et ne la subit aucunement. Elle devait épouser M. de la Marche pour qui elle avait seulement de l'affection. L'arrivée de Bernard lui fait annuler son mariage. Son amour ne l'aveugle pas non plus puisqu'elle se refuse à Bernard tant qu'il ne sera pas éduqué. Edmée est un beau personnage féminin qui traduit le combat de George Sand pour le droit des femmes.

Ce qui nous éloigne du roman gothique, c'est également la partie éducation de Bernard Mauprat. Ayant fait preuve de bonté et de générosité, Bernard peut être sauvé de ses mauvaises habitudes. Edmée fervente adepte de Jean-Jacques Rousseau, croit en la force de l'éducation pour lisser le caractère de son parent. Je trouve cette partie du roman beaucoup moins réussie et je m'y suis ennuyée. Ces passages manquent de rythme et George Sand me semble bien meilleure dans l'action et le romanesque. Je dois avouer n'être pas très adepte de Rousseau mais George Sand ne l'est finalement pas non plus. Elle termine son roman en expliquant que l'homme ne nait ni bon ni mauvais, qu'il n'est pas toujours libre de choisir entre le bien et le mal et que parfois ses instincts ne sont pas maîtrisables.

Malgré un passage à vide durant l'éducation de Bernard Mauprat, j'ai plutôt apprécié le roman de George Sand pour son romanesque marqué et ses idées féministes et socialistes.
Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Beaucoup de longueurs dans cette oeuvre dont l'intérêt réside surtout dans le jeu avec les codes romanesques (mêle roman historique, roman sentimental, roman philosophique…). Edmée est un personnage assez pénible mais Bernard est attachant. Patience relève l'ensemble. Selon moi, ce roman n'est pas un incontournable de George Sand.
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