Melchior nous fait quitter le Berry cher à
George Sand pour la Bretagne. Nous n'y restons pas longtemps car nous embarquons bien vite avec James (prononcer “jam” et non “djaïmess”) Lockrist qui part courir le monde à la recherche de la fortune. Contre toute attente (et sans trop d'explications), James devient richissime, s'installe en Inde et épouse une riche anglaise qui lui donne six fils et une fille. Et comme elle a bien fait son devoir pour pérenniser la lignée, elle peut mourir en couches et laisser son prénom, Jenny, à sa fille (prononcer “djéni” et non “génie”). Las ! Après la mère, ce sont les fils que la mort emporte les uns après les autres vers l'âge de quinze ans. Arrivée à l'âge fatidique, Jenny commence à montrer les premières atteintes du mal. Prescription du médecin : il faut qu'elle se marie… (Je me demande bien quelle maladie peut-être guérie par le mariage… à part le célibat.)
Il faut aussi qu'elle quitte l'Inde pour une région ayant un meilleur climat, la Bretagne, par exemple (ceux qui rigolent, méfiez-vous : vous pourriez vous retrouver au fond de la rade de Brest avec des boulets aux pieds. On ne rigole pas avec la mafia bretonne !).
Bref. le nabab décide de faire la seule chose sensée pour sauver sa fille : lui trouver un mari. Or, dans le même temps, James reçoit des nouvelles de son frère resté en Bretagne. Celui-ci est décédé ainsi que la plupart de ses enfants (comme quoi, même avec le meilleur des climats…). Il n'a laissé derrière lui qu'une veuve, des dettes et un fils, Melchior. le jeune homme est marin comme son père, son oncle et tout Breton de roman qui se respecte. Il a passé l'âge canonique de 25 ans sans se marier et sans trépasser pour autant. Puisque le jeune homme a l'air brave et honnête, James décide de lui faire épouser sa fille. C'est bien connu : rien de tel qu'un mariage entre cousins pour relever une lignée qui flanche. Coup de chance : le navire sur lequel Melchior sert fait justement escale en Inde. Il est aussitôt invité à faire la connaissance de son oncle (Melchior, pas le navire). La jeune fille, elle, veut que son cousin l'épouse par amour et non par intérêt. Elle monte donc un petit stratagème. Il ne donnera pas tout à fait les résultats escomptés, car Melchior cache un terrible secret...
Melchior est un des tous premiers textes de
George Sand puisqu'il a été publié la même année qu'
Indiana, le roman qui l'a fait connaître. C'est une histoire un peu tirée par les cheveux. La plupart des péripéties paraissent arriver là par commodité mais sont peu vraisemblables. L'histoire est surtout là pour raconter le changement des sentiments de Melchior mais tout cela est présenté sans grande finesse. de la finesse, Sand en avait, par contre, dans ses portraits de jeunes filles. La plupart de ses collègues masculins de la même époque ne parvenaient à en faire que de pâles figures cantonnées au rôle de demoiselle en détresse. Sand dépeint Jenny comme une jeune fille qui a encore toute les charmantes illusions de la jeunesse mais qui accepte bravement de se confronter à la réalité. Elle n'est pas nunuche, ni trop coquette, ni timorée. Elle est timide autant que devait forcément l'être une jeune fille de 15-16 ans à l'époque.
La fin de la nouvelle est assez inattendue même si elle n'est pas vraiment originale.
En résumé : Melchior est une nouvelle qui se laisse lire sans désagrément, comme toutes les oeuvres de Sand mais qui n'est ni très originale ni très marquante.
Challenge soldaire 2019 "Des classiques contre l'illettrisme"