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Critique de BurjBabil


Ce livre est réjouissant à tous points de vue.
Soyons brefs et efficaces : il est États-unien mais peut très bien être transposé dans notre petite société française (et d'autres dont je connais moins le système éducatif). Il suffit de remplacer l'Ivy League (Harvard, Yale, Columbia, etc ....) par X, Mines, Centrale, Sans Pot, etc, etc ...
La base communément admise (apprise plutôt car pas réellement pensée) est que la seule chose qui compte est « l'égalité des chances » sur la ligne de départ de la vie.
Hormis le fait qu'elle n'est jamais réalisée, quand bien même nous eûmes il y a quelques dizaines d'année un système éducatif relativement performant produisant des « ascenseurs sociaux » permettant de pourvoir aux postes qualifiés qui l'exigeaient, elle n'est jamais interrogée sur son fondement philosophique et moral.
En quoi une course à l'apprentissage de leçons de grammaire bien apprises, de résolution d'équation différentielle ou de maîtrise d'une ou plusieurs langues étrangères marquerait une supériorité intrinsèque de celui qui a la chance au départ d'y être mieux prédisposé ?
L'auteur remet en question le mantra du fameux « si on veut on peut » qui entraîne par effet d'équivalence logique : si tu n'y es pas arrivé, c'est que tu ne mérites rien. Que les miettes d'un salaire universel que l'on se prépare à te servir avec la bénédiction des médias que possèdent les « mieux armés » pour que tu n'imagines pas un autre genre de système...
Pour discuter assez souvent avec des professeurs, je crois que ce livre leur est indispensable car ils sont bercés par l'illusion (louable souvent) qu'ils participent par leur engagement à cette égalité de façade, cette « méritocratie » qui justifie aujourd'hui que deux mondes se côtoient sans se rencontrer. Celui qui va bientôt pouvoir se payer un voyage dans l'espace, qui passe son confinement dans une île paradisiaque, et celui à qui on enseigne à l'école de ne pas prendre la voiture pour se déplacer, c'est polluant et on peut apprendre à distance via une plateforme payante dont les actionnaires sont les premiers cités. Mais qui le méritent vu les belles années d'étude qu'ils ont fait avant d'en arriver là.
C'est ce « là » qu'interroge M. Sandel. Il montre que les enseignants, même animés de la meilleure foi du monde, ne font partie que d'une vaste machine à trier et qu'ils devraient plutôt contribuer à une réflexion sur les parts respectives du mérite et du bien commun dans une société plus juste.
Dans sa conclusion, l'auteur cite l'exemple qui m'a rappelé le récent film de Regina King : « One night in Miami »
Henry Aaron avait treize ans lorsque Jackie Robinson, un joueur noir comme lui, lui laisse espérer un avenir dans les meilleures équipes de baseball. Sans balles, sans batte, il s'entraîne avec ce qu'il a, frappant avec un bâton les capsules de bouteille que son frère lui lançait. Plus tard, il battit le record de « home run » du blanc George Herman Ruth Jr.
Il est difficile de ne pas y voir une victoire du talent sur les préjugés, le racisme et l'inégalité des chances et d'en tirer la conclusion qu'une société juste est une société méritocratique, où tous les individus ont des chances égales de se hisser aussi haut que leurs talents et leur travail le permettent.
Franchir ce pas serait pour M. Sandel une erreur.
« La morale de l'histoire de Henry Aaron n'est pas que nous devrions aimer la méritocratie, mais que nous devrions mépriser un système d'injustice raciale auquel on ne peut échapper qu'en battant le record des circuits. L'égalité des opportunités est le nécessaire correctif moral à l'injustice. Mais ce n'est qu'un principe rectificatif, et non pas un idéal adéquat pour une société bonne. »
Amis enseignants, bonne lecture et faites circuler...
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