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Critique de andman


Parlant de l'Holocauste le philosophe Emmanuel Levinas a eu un jour cette phrase remarquable : “La disproportion entre la souffrance et toute théodicée se montra à Auschwitz avec une clarté qui crève les yeux”.

Depuis soixante-dix ans, beaucoup d'écrivains ont exprimé leur ressenti sur les camps de la mort. Ainsi le témoignage bouleversant de l'italien Primo Levi sur le quotidien du plus grand camp de concentration et d'extermination nazi a mis en évidence le degré de folie du Troisième Reich, “la Solution finale” élaborée dans le plus grand secret surpassant en horreur tout ce qu'on pouvait imaginer à l'époque.

Lorsqu'il se lance dans la rédaction du roman “Le village de l'Allemand”, Boualem Sansal a certainement à l'esprit l'envie d'apporter, comme ses illustres aînés, sa pierre à l'édifice du devoir de mémoire, l'envie que d'une génération à l'autre jamais on n'oublie ce que fut la Shoah.
L'écrivain algérien n'a pas choisi par hasard d'insérer au cœur de son roman le magnifique poème de Primo Levi “Si c'est un homme” et d'y ajouter des vers de sa composition. Comme dans une course de relais, ce poème sert en quelque sorte de témoin entre le miraculé d'Auschwitz et l'auteur contemporain, tous deux pareillement horrifiés et fascinés par la logistique de la formidable organisation militaro-industrielle nazie.

Si “Le village de l'Allemand” traite longuement de cet univers concentrationnaire, il souligne aussi avec force l'émergence depuis vingt-cinq ans d'une nouvelle forme de barbarie : l'intégrisme islamique qui ne cesse de prendre de l'ampleur en Afrique du Nord mais aussi dans les banlieues des villes européennes.

L'assassinat par le GIA, le 24 avril 1994, de bon nombre des habitants d'un petit village algérien est l'événement qui dans le roman sert de lien entre ces deux totalitarismes ; parmi les victimes figure en effet un ancien ingénieur chimiste promu capitaine dans la Waffen-SS et passé en 1945 au travers les mailles du filet tendu par les alliés. Depuis plus de trente ans, Hans Schiller y vivait paisiblement sous un nom d'emprunt aux côtés de son épouse.

“Le village de l'Allemand” est un roman à deux voix dans lequel le lecteur découvre alternativement le journal de Rachel et de Malrich Schiller qui depuis leur adolescence habitent en banlieue parisienne dans la proche famille.
Comment vivre normalement, comment vivre tout court, lorsque l'on apprend par le plus grand des hasards que son père manipulait à Auschwitz le fameux Zyklon B, le gaz que des millions de juifs inhalèrent ?

En prise avec l'Histoire, ce roman de Boualem Sansal publié en 2008, par sa construction et par la gravité des thèmes abordés, ne laisse aucun répit au lecteur. L'auteur rappelle avec courage que la bête immonde toujours feint le sommeil aux portes des démocraties, sans cesse à l'affût de la moindre brèche par laquelle s'engouffrer. Puissent ces dernières ne jamais baisser la garde !



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