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Critique de Emiliec28


J'ai reçu ce livre pas plus tard qu'aujourd'hui, en rentrant du travail il m'attendait. (Merci aux éditions Filature(s) et à Babelio pour ce cadeau et l'occasion de rencontrer l'auteur) je l'ai commencé de suite et j'ai du mal à contenir ma rage, mon dégoût et mon impuissance. Une violence banale et inadmissible : lynchage, humiliation et meurtre sur fond de rap et de réseaux sociaux.
Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'autre livre que je lis actuellement : Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon, tout y est des codes masculinistes, l'hégémonie masculine à l'échelle des cités, ce besoin de montrer qu'on domine et tous les codes qui vont avec : drogue, alcool, rap et même la voiture. Voilà ce que coûte le pratiarcat aux hommes, à la société.
En guise d'illustration parfaite de mes propos, p.32 : "lors de son entretien, il a raconté qu'après avoir balancé le corps il avait retenu ses larmes. (un homme ne montre pas ses émotions) Il faisait partie de la famille de la rue et ne pouvait pas être un fragile. (Force et virilité mises à l'honneur, devoir se dominer, être un guerrier)" plus loin, p.35 "puis il a expliqué qu'en cité il y avait une règle - on porte ses couilles - et qu'il avait été victime de cette règle" encore plus loin, p.43 : "la prison était une sorte de passage obligé. Elle faisait de vous un homme aux yeux des autres" (le patriarcat, broie les hommes aussi, souffrance inutile pour prouver quoi ?)
Le dégoût qui s'intensifie quand je lis que les journalistes pour brouiller les cartes, pour donner aux gens ce qu'ils attendent, pour minimiser l'acte, font passer la victime pour un dealer, sans faits, sans preuves. Histoire de briser les proches un peu plus, histoire de dire aux gens biens pensants que cette violence ne les concerne pas, que ce n'est pas pour eux. Leurs enfants vont biens tant qu'ils ne toucheront pas à la drogue. Histoire de les rassurer : mais non la société n'est pas malade, ce sont ces jeunes, spécifiquement, qui le sont. Je ne suis qu'à la page 26 et j'ai le coeur au bord des lèvres, ça promet.
L'auteur nous fait part de son désarroi et de son impuissance face à ses jeunes qui ne répondent à la violence que par la violence, qui n'ont d'autres horizon que ce bout de quartier dans lequel ils ont grandis et les codes qui vont avec. Il cherche des débuts de solution, des pistes.
Il me faudra lui poser la question de sa conscience de l'influence de la société patriarcale dans cette violence des cités. Je ne suis pas sûre qu'il ait envisagé la situation sous ce prisme, ça se voit dans sa façon d'écrire et d'appréhender les choses : les marches blanches sont, de toute évidence l'apanage des femmes, des mères, douleur de femme de perdre un enfant ? Mais où sont les pères dans toutes ces histoires ?
Chaque milieu social a ses propres codes, dans les cités c'est la prison, la violence, les règlements de compte, le territoire, et l'honneur à défendre. Ne pas paraître "faible" voilà ce qui fait de vous un homme dans ce milieu là. Et non la seconde victime n'a pas été tuée par le quartier elle a été tuée par le patriarcat, par les codes masculinistes. Comparer avec d'autres zones du monde n'a pas de sens. Les codes se retrouvent partout.
Il semble dire que le rap peut engendrer de la violence, je pense qu'il ne fait que renforcer quelque chose de pré-existant, il maintient les codes, les transmet aux générations suivantes. Il est notamment question de Moha la squale, de la fascination de Sofiane pour lui. Ce rappeur qui réussit pour sa mère mais qui viole les autres femmes, tout un exemple. L'auteur souligne que la précarité intellectuelle renforce la fragilité aux réseaux, ils manquent de discernement pour tout.
Dans cette histoire sordide, Mathieu, la victime, était devenu de moindre importance dans la hiérarchie de la cité et pour son ami Kader : il avait choisi l'amour, des codes différents. Il n'était plus le profil d'homme qu'on pouvait respecter.
Vient l'histoire de Souad, la mère de Sofiane, reniée pour avoir aimé, tristement banal. Voilà comment le système brise des vies, encore et encore, ça a des répercussions sur toute la famille, sur les enfants et, sans surprise Sofiane répète le schéma.
Vient l'histoire de Moussa, issu d'un viol, sa mère battue par son beau-père, et lui aussi. Il reproduira également tous les schémas, jusqu'au viol. L'auteur fait alors une réflexion pertinente : l'Etat devrait être sur le banc des accusés, j'irai plus loin encore : toute la société. Cette réflexion m'a fait penser à celle de Karine TUIL dans "Les choses humaines"

L'auteur se prend visiblement la violence en pleine tronche, encore et encore, il en souffre, voudrait que les jeunes sortent de cette spirale mais il a du mal à identifier tous les facteurs, il est lui même le fruits de nombreux préjugés et clichés bien enracinés : chapitre 18, il en comprend pas qu'une femme puisse regretter d'avoir eu son enfant mais il suffit de réfléchir : quel bonheur en a retiré Souad ? Abandonnée par tous ceux qu'elle aimait, trahi par le père de son fils, ce dernier qui devient violent. Croit-on encore vraiment si naïvement aujourd'hui que la maternité est obligatoirement une source de bonheur ? Que rien ne peut l'estomper ?

La fin de l'ouvrage m'a un peu plus gênée, l'auteur parle beaucoup de lui, de son ressenti, je m'attendais à un autre but, il n'y a qu'à la toute fin en deux ou trois paragraphes qu'on comprend qu'il veut accuser le numérique, l'image, de rendre tout ça possible, c'est un peu flou. La violence n'était-elle pas là avant ? Pourquoi la mettre en lumière et ne rien proposer de concret ? Il me tarde de rencontrer l'auteur, j'ai beaucoup de questions :)
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