C'est un roman comme on en lit peu, un cri de révolte qui sonne vrai. Révolte contre la vie telle qu'on l'a faite, contre le corps, l'amour, le travail, le sexe, l'enfantement, les hôpitaux, le psychisme, le pouvoir, le temps : tout ce qui ne bouge plus.
L'écriture d'
Emma Santos épouse ce prodigieux mouvement, irrégulièrement ponctuée, mais toujours très rythmée. Ce sont des phrases qu'on ne peut pas rattraper. On les trouve très fortes au fil de la lecture, mais lorsqu'on s'arrête pour en noter une, on se rend compte que c'est inutile, que ça ne dit rien du feu qui anime cette langue. Même celle-ci : "j'ai accouché de mes milliers de solitudes dans un asile", ou celle-là : "ils sont au lit même debout", ainsi prélevées, perdent une bonne partie de ce qui fait leur grâce.
Bien sûr
La Malcastrée est un livre qui a des choses à dire, un livre sensé, mais c'est d'abord une vitesse particulière, qu'on n'éprouve que dans la continuité de la lecture.
Emma Santos déploie, par la langue, une énergie dont le secret est de se rendre toujours insaisissable. Preuve (s'il en faut) que ce texte ne pose jamais. (Il ne se pose pas, alors comment pourrait-il poser ?)
C'est un miracle lorsqu'un tel livre voit le jour. Il y en a peu, ou bien ils sont perdus, inachevés.