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EAN : 9782370551191
255 pages
Le Tripode (09/03/2017)
3.82/5   136 notes
Résumé :
« Au début de l’été 58, dix ans exactement après notre première rencontre et trois après la fameuse nuit ivre de confessions, de silences et de parfums, je reçus une carte postale géante de New York avec une vue nocturne de Manhattan (entre nous s’était instauré un championnat de ‘‘mauvais goût’’, qui consistait à dénicher ce qu’il y avait de pire, dans l’ancien comme dans le moderne, dans ce moyen de communication), où la petite écriture précise, un peu ostentatoir... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 136 notes
Rendez-vous avec Goliarda,

Sapienza est aujourd'hui une écrivaine reconnue mais l'actrice et activiste anarchiste italienne fut totalement ignorée de son vivant, ce qui est de l'ordre du mystère pour moi…

“Ce n'est pas cette façon de se rouler, matière et âme, dans une mer huileuse de lascivité… même les montagnes, c'est incroyable, ont l'air de corps voluptueux en attente d'étreintes furieuses, seins tendus, cuisses grandes ouvertes, dos étendus sur le sable en attente de caresses.”

“Avoir des enfants vous rend froid envers les autres”. Sans doute commencerez-vous par entrer prudemment dans les eaux de Positano, vous mouillant un peu la nuque, parce qu'on vous a appris à vous méfier des chocs thermiques (et littéraires), marcherez sur la pointe des pieds, par peur des histoires vaseuses et pour éviter que l'écume des vagues opaques d'un style inconnu, préjugées peu hospitalières, ne rencontrent votre timoré nombril ; la structure du livre, de petits chapitres ramassés et tous essentiels, vous aidera dans cette immersion progressive… Mais lorsque vous vous rendrez à cette évidence que le charme opère, ce sera trop tard, vous n'aurez déjà plus pied…

Car, dans Rendez-vous à Positano, paru en 1984, il y a tout ce qu'on peut aimer dans la littérature : la vie matérielle et psychologique poétiquement, ironiquement, sensuellement traduites dans tout ce qu'elles peuvent avoir de machinal, d'inconscient et que la littérature révèle, brocarde et sublime. Cela dans un style d'une fluidité totale, sans aucune barrière, en dépit des fulgurances stylistiques et réflexives. Comme souvent avec un bon livre, ce n'est pas tant ce qui est narré qui rend l'expérience de lecture singulière et prenante mais l'art et la manière de réinventer la narration. C'est un livre qu'il faudrait pouvoir savourer, mais si l'on n'y prend garde, on finit par le dévorer… Tout n'est pas gai dans cette histoire, loin s'en faut, mais tout est livré d'une façon à la fois légère et dense, c'est peut-être là ce fameux “art de la joie” que l'écrivaine italienne portera en gestation de nombreuses années et qui sera le ciment de sa gloire posthume.

“Personne ne peut garder le silence sur soi-même toute sa vie, sous peine de folie.” C'est un roman qui nous parle parce que c'est un roman qui parle. Les dialogues dominent quantitativement l'ouvrage, et le mélange entre les pensées, les mots et les descriptions est coloré, rythmé et imagé, le moins que l'on puisse attendre de celle qui triompha au théâtre dans sa jeunesse et travailla des années pour les cinéastes, notamment Visconti.

Intimité, promiscuité ; la narratrice est une sorte de conducteur entre le lecteur et la confession d'Erica. Cette bourgeoise magnifique au destin romanesque qui envoute complètement la narratrice, entre amitié indéfectible et candide flirt saphique. Mais c'est par le retrait, l'effacement apparent de “Luzza” que finalement le lecteur apprend à connaître véritablement Sapienza, telle qu'elle se donne à lire. Notamment ses pensées souterraines, derrière les discussions avec son amie et l'exigence permanente de l'écrivaine, de nous faire sentir l'état intérieur dans lequel la narratrice s'exprime, observe, réplique ou garde le silence.

“Les maisons les plus belles, comme les personnes, peuvent devenir odieuses si on ne s'en éloigne pas de temps en temps”. Les lieux et les liens contribuent à tisser une atmosphère familière et nourricière pour le lecteur : le village pittoresque, la maison d'Erica, la barque, les rituels de l'été, les chassés-croisés amoureux et même les réflexions sur la littérature (des références au Dieu gardien des flâneurs Oblomov : allez quatre étoiles rien que pour ça…) et à ce que la littérature peut consigner de la vie, comment elle peut prolonger l'existence et la mémoire.

"Le soleil apaise un peu la douleur, au moins ce qu'il faut pour la rendre supportable." On peut sans mièvrerie qualifier “Appuntamento a Positano” d'étincelant, l'étincelle dans les yeux de Goliarda lorsqu'elle admire Erica pareille à celle que les reflets du soleil donnent aux perles d'écumes sur les eaux lancinantes de la cote amalfitaine.

Bel été,
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Soyez persévérants !
Pendant pas loin de quatre-vingts pages, j'ai été déçu par ce livre, qui met tellement de temps à décrire un double coup de foudre : pour un village et pour une femme étrange. C'était déjà le cas pour l'Art de la Joie : en l'abordant j'avais oublié la mise en garde à propos du début (mise en garde que j'ai aussi oublié de transmettre, dans mes recommandations enthousiastes). Mais j'avais résisté au malaise, peut-être nécessaire pour que par contraste la suite de la narration me remplisse de bonheur.
Dans Rendez-vous à Positano, l'effet est moins fort : c'est un beau livre, à la fois joliment descriptif, puissant dans le récit central, et plein de délicatesse mêlée d'intelligence. Et le début est juste plus fade, sans heurter. Donc, soyez persévérants, évitez comme je l'ai lu ici de vous arrêter au bout de soixante pages, et d'en penser qu'il s'agit des émois d'une « actrice lesbienne », mot lus comme une injure. Goliarda Sapienza prend du temps pour introduire cette amitié raffinée, parler de ce village dont le charme lui semble ensuite dégradé par le tourisme, et de ses habitants, discrets mais si attachants.
La vie de son amie Erica* est le sujet central du livre, par le récit qu'elle en fait, et par les suites que ce récit a dans la relation entre les amies. Ne m'en veuillez pas si je refuse de dévoiler le récit, très fort et prenant, et si j'insiste seulement sur le lien que crée cette confidence. Rien que la description subtile de cette amitié profonde rend le livre prenant ; le reste (amour de Positano, petites histoires du village racontées avec tellement de coeur) est donné comme supplément de plaisir.
J'ai juste été un peu gêné par la richesse d'Erica. Goliarda Sapienza, antifasciste et socialiste aurait-elle malgré tout une fascination pour ces milieux, non seulement nobles de coeur et intellectuellement riches, mais aussi menant grand train de vie ?

*La narratrice garde le nom de l'auteure, mais ce personnage n'a pas le nom de son amie, et peu importe si sa vie est réelle ou inventée.
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Voilà un livre dont je retardais la lecture. Je n'ai plus tellement de découvertes à faire dans l'oeuvre de ma chère Goliarda. Choisir le bon moment est souvent délicat. Se décider trop tôt ou trop tard, peut nous faire manquer le sommet de la jouissance. Mais avec Goliarda c'est toujours le bon moment. Ses ouvrages sont une suite de sommets.
Mais que dire de plus? Peut-être qu'elle est passée maître dans l'art de parler de la rencontre entre humains, l'attirance, les hésitations, la joie, la peur, le bonheur toujours fragile, incertain.
Et puis Positano, un village magnifique au fond d'une crique de la côte amalfitaine, mais ses habitants sont plus magnifiques encore, et subsisteront, malgré les transformations du tourisme de masse.
Alors oubliez les clichés et les conventions, et suivez-la, la Sapienza, dans ses doutes et son intensité, et surtout dans son infinie attention aux êtres qui lui sont chers. Chez qui pourrait-on en trouver une plus juste et plus intense?
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Au sud de la ville de Naples, sur la Costiera méditerranéenne, bâti à flanc de falaise, le village de Positano est encore à la fin des années 50, avec ses rues étroites et escarpées un village retiré où les touristes n'affluent pas en nombre.
Pour les besoins d'un film en projet, Goliarda se rend dans le petit village côtier. le travail de repérages s'avère vite inutile. Selon Goliarda, Positano et tous ses alentours ne répondent pas au cadre du scénario. Autorisée à poursuivre son séjour en bord de Méditerranée, Goliarda fait un jour à l'improviste la rencontre d'Erica. Elle est à l'instant séduite par sa beauté et son élégance. Les deux femmes lient conversation et très vite, elles se découvrent une vraie affinité l'une pour l'autre. Résidant depuis sa jeunesse à Positano, Erica offre à Goliarda de venir s'installer dans sa maison. de là, va naître une amitié entre elles qui ne cessera plus.

Dans Rendez-vous à Positano, Goliarda Sapienza célèbre, dans une écriture élégante et lumineuse, l'amitié mais aussi la beauté féminine. Les mots sont magnifiques qui décrivent les paysages escarpés, les chemins qu'il faut traverser pieds nus, la vaste étendue de la mer toute proche qui vous saisit tout entier, la chaleur du soleil et du vent qui donnent sa couleur et son parfum à la peau, etc. Mais dans le creux de cette belle harmonie, se nichent des silences, des douleurs liés à la féminité et au féminin, des secrets que seul l'attachement viendra mettre à jour, révélant le bonheur de vivre une amitié mais aussi ses contraintes, ses difficultés lorsqu'il s'agit de la protéger, de la préserver.

Rendez-vous à Positano (Appuntamento a Positano) est une histoire touchante, sensuelle, écrite avec une très belle justesse dans le style et le portrait de ses personnages.
Un très beau moment de lecture.
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Rendez-vous à Positano est un fragment de vingt ans de la vie de Goliarda Sapienza. Récit d'une rencontre, d'une amitié totale, d'un amour qui ne se formule pas si clairement mais qu'elle écrit sans réserve et qui forme une facette de son oeuvre autofictive dense (pas tant pas le nombre de ses ouvrages que par leur force). La lire me laisse à chaque fois un peu plus impressionnée : par son charisme et l'atmosphère que ses mots parviennent à rendre palpable.

Positano, Erica et Goliarda sont les trois personnages de ce texte : la sensation que chacun·e permet aux autres d'exister pleinement. Il y a un quelque chose dans l'oeil de Goliarda Sapienza qui est bien éloigné des manières traditionnelles de regarder et d'interagir, entre le détachement apparent et l'implication totale, sans demi-mesure possible. Pas de grandes péripéties ici, mais un absolu dans l'émotion. Les escaliers du village prennent vie, et l'on se laisse émerveiller par les histoires et la personnalité de cette Erica mise en mots, quand bien même sa réalité pourrait nous laisser de marbre.

Les livres de cette grande autrice présagent d'une existence trépidante et profondément engagée, alors qu'il s'en dégage un calme assourdissant et une perception du temps malléable. Goliarda Sapienza paraît briser les carcans sociétaux et relationnels d'un souffle, même lorsqu'il n'en est rien. Elle est déconcertante. Elle m'intimide presque mais, surtout, me fait du bien.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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critiques presse (1)
Telerama
08 mars 2017
Eblouie par la station balnéaire italienne et par l'une de ses habitantes, l'auteure de L'Art de la joie leur consacra son dernier roman. Un récit intense, comme sa vie et son oeuvre.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
C’est la difficulté de raconter sa vie aux autres : les choses douloureuses sont prises globalement et deviennent insupportables, alors qu’il n’en est pas ainsi. Parce que dans la douleur aussi il y a de la vie, et puis les douleurs sont diluées dans le temps, avec des parenthèses de parfait bonheur, de sérénité et de satisfactions.

Mais une fois au moins il faut tout raconter de soi, si on a la chance de trouver quelqu’un en qui on a confiance. Personne ne peut garder le silence sur soi-même toute sa vie, sous peine de folie. De fait, je dois te remercier : si je ne t’avais pas rencontrée, je serai presque sûrement à l’asile aujourd’hui. Et puis la vie est toujours un roman non écrit si elle reste ensevelie en nous, et je crois dans la littérature. Seul ce qui est écrit reste et avec le temps devient vie, la seule vie lisible, bien que ce soit à partir d’innombrables points de vue et, même si ça peut paraître un paradoxe, la seule véritable dans l’absolu. Ce petit sermon t’est dédié, Goliarda, à toi et à ton problème dont tu as voulu me faire part : donne-toi au métier de raconter, ne te laisse pas effrayer par la misère qui poursuit toujours celui qui s’apprête à entreprendre ce métier, et ne t’attriste pas. Qui sait d’ailleurs pourquoi, à chaque fois qu’on parle de toi, tu deviens triste ! Ça t’inquiète de ne pas avoir la certitude d’être Gertrude Stein ? Tu m’as dit toi-même qu’une Peverelli*, c’est toujours mieux qu’une écrivaine castrée par trop de conscience critique. Sortons de cet absolu catégorique et pour une fois au moins soyons pragmatiques. Essaie, au moins. Et sache que ce conseil que je te donne est intéressé : malgré toutes mes défaillances, je suis assez narcissique pour désirer ne pas disparaître complètement une fois morte. Peut-être qu’avec le temps, dans vingt, trente ans, tu écriras sur moi. Où que je me trouve alors, il me plairait de revenir à travers ton esprit et de me montrer aux autres. On ne vit pas que pour soi, c’est peut-être ce qui nous distingue des animaux… Voilà que tu me fais un petit visage apeuré à la Iuzza. Laisse tomber ce diminutif et lance-toi dans le royaume des adultes, en quelque lieu qu’il doive te conduite.

* Luciana Peverelli (1902-1986) était un auteur à succès de romans sentimentaux policiers
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“ce n’est pas cette façon de se rouler, matière et âme, dans une mer huileuse de lascivité…même les montagnes, c’est incroyable, ont l’air de corps voluptueux en attente d’étreintes furieuses, seins tendus, cuisses grandes ouvertes, dos étendus sur le sable en attente de caresses.”
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Superbe petite possédée, Wally : elle voltige d'un bout à l'autre de la grande piste de danse, et déjà quelques effluves de haschich et de marijuana palpitent parmi des bouffées d'émotion, d'enthousiasme, parfum si semblable à celui du foin qui vient d'être fauché, et qui comme un vent permanent égayait les murs, les tonnelles, les marches inondées de soleil au matin et du lait immaculé de la lune en ces nuits de ciel sans limite.
Page 28
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Comme si elle avait senti mon malais, elle se lève et vient vers moi, les bras ouverts. Quand nous nous embrassons, tout devient clair. Erica a vraiment changé ; pas seulement : c’est la première fois qu’elle m’embrasse et de façon si chaleureuse et enveloppante qu’elle a de quoi faire basculer cette sensation de mal de mer en un nœud d’angoisse, comme de perte imminente. Sottises, me dis-je tout de suite, en m’abandonnant à cette embrassade, je m’attendais à l’Erica habituelle, affectueuse certes mais formelle, et toute cette chaleur, cette plénitude qui émane de ses membres et des lumières nouvelles sur sa peau, dans ses yeux, m’a prise à contre-pied ; je suis jalouse, il est clair que la métamorphose est due à la présence d’un homme de haute taille qui entre-temps s’est levé et maintenant sourit patiemment, attendant que l’effusion entre les deux femmes s’arrête.
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Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre sur ce trio positanien insouciant et oublieux du monde qui, comme toujours, commettait pendant ce temps des crimes et en préparait de plus raffinés au-delà de ces monts, frontière métaphysique entre le rêve et le réel créé, qui sait pourquoi et par quel dieu farceur, pour s'amuser à jeter de temps en temps quelques poignées de paix aux hommes. Mais seulement pour leur rappeler combien on pourrait être heureux, et avec peu, de façon à centupler la peine après, au moment du réveil.
Page 197
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