C’était là qu’il avait été élevé. Ou plutôt c’était ce qu’il disait avant que ne commence sa véritable éducation. C’était là qu’il avait été Remo Williams, où les religieuses lui avaient appris à se laver, à faire son lit, à être poli aussi et il gardait le souvenir des coups de règles sur les doigts, comme une tendresse pour ses désobéissances passées. Plus tard, il devait apprendre que le châtiment des péchés était aléatoire, mais les effets du péché immédiats. Ils se faisaient sentir dans votre corps et votre respiration ; ils vous privaient d’équilibre, ce qui parfois signifiait la mort. Mais la mort était aléatoire ; le déséquilibre en soi était le vrai châtiment. Dans sa nouvelle vie, les péchés étaient la panique et la paresse, le péché suprême l’incompétence.
Des hommes plantaient des graines, transpiraient sur les graines, en essayant d’allier la pluie et le beau temps. Des hommes consacraient leur vie à la terre, depuis les laboratoires ou des Américains cherchaient constamment à améliorer les graines et les engrais, jusqu’aux ateliers de métallurgie de Détroit où des hommes amélioraient ce remplaçant du bœuf, le tracteur. L’Amérique avait inventé les moissonneuses automatiques. L’Amérique avait effectué les premiers changements réels de l’agriculture depuis que l’homme avait quitté les cavernes et planté des graines dans le sol. La richesse alimentaire de l’Amérique était le fruit de son caractère. Du génie, du travail acharné et de la persévérance.
Ce qui rendait un pays développé ou sous-développé, c’était son peuple. Cependant, ces hommes qui ne savaient rien du labeur parlaient des ressources naturelles des pays sous-développés comme d’une chose appartenant, de droit divin, uniquement aux gens qui vivaient dessus par hasard, tout en prétendant que la production de ceux qui travaillaient pour l’alimentation appartenait au monde entier. Sans les véritables travailleurs du monde, le charbon, la bauxite et le cuivre sous le sable ou la jungle seraient aussi inutiles aux nations sous-développées qu’ils l’étaient à l’aube des temps.
Le jeu rend une personne faible. Il la vole de son estime de soi, car un homme qui confie son sort au hasard au lieu de ses propres talents remet son bien-être aux caprices de la fortune.
Dans ces conditions, les gens ne mouraient pas par hasard pur, mais par stupidité ou malchance, la malchance étant une autre forme de stupidité causée par l’incompétence. C’était l’essence de ce qu’on lui inculquait depuis dix ans. Dans le monde, il y avait la compétence et l’incompétence et rien d’autre. Les causes n’étaient que des ornements qui variaient d’âge en âge. La chance n’était que l’explication fumeuse de choses que les gens ne percevaient pas.
Rémo, sans arme et dangereux - 1985, adapté de "Implacablement vôtre'