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Critique de Fattorius


Comment l'économie de la Russie a-t-elle vécu les vingt années qui ont suivi le coup d'Etat d'août 1991? On se souvient que celui-ci marqua la chute de Mikaïl Gorbatchev et, plus largement, la fin de l'ère communiste. Au début 2012, les éditions des Syrtes publient un ouvrage où se rencontrent les plumes de trois économistes russes réputés et celle de Jacques Sapir, directeur du projet. Intitulé "La transition russe, vingt ans après", ce livre se concentre sur les vicissitudes d'une économie soumise aux débordements d'un certain libéralisme, qu'on a un peu trop facilement cru triomphant.



Les chapitres de Viktor Ivanter, Alexandre Nekipelov et Dmitri Kouvaline se caractérisent par un grand soin du détail, quitte à paraître un poil complexes. Viktor Ivanter offre, en lever de rideau, une démarche essentiellement historique de "la transition macroéconomique", posant quelques diagnostics relatifs au mode de fonctionnement de l'économie sous le régime communiste. Un fonctionnement marqué, entre autres, par un manque de concurrence qui a empêché l'évolution que peut susciter une émulation entre pairs. Encomplément, l'article d'Alexandre Nekipelov aborde en détail les étapes de "l'instauration d'une économie de marché" en Russie. C'est là que l'on trouve la confrontation entre plusieurs modalités possibless de transition: faut-il une méthode de choc, rapide, ou une approche gradualiste?



Du chapitre de Dmitri Kouvaline ("Les entreprises russes"), on retiendra la description des liens pas toujours évidents entre les entreprises et l'Etat. Présenté comme un mauvais payeur, il pousse les entreprises à opter pour des procédés "opportunistes", pas toujours tout à fait légaux (on pense à l'optimisation fiscale), afin de rentrer dans leurs frais et, si possible, de permettre l'enrichissement de leurs cadres. le troc entre entreprises est l'une des démarches exploitées; généralisé, se substituant même aux échanges monétaires, ce procédé pourtant vieux comme le monde suscite des manques à gagner importants pour un Etat mal préparé à cette éventualité.



L'idée du troc est du reste suggérée aussi par les autres auteurs, comme l'est celle de la critique du néolibéralisme triomphant des années 1990, qui a utilisé, selon les auteurs de ce livre, la Russie comme un laboratoire d'expériences de ses théories, présentées comme imparables. Moment pivot, la crise de 1998 marque cependant l'échec de celles-ci, ou du moins leur limite; les auteurs démontrent, au fil des pages, que sans la "thérapie de choc" appliquée au pays (des remèdes qui ont sous-estimé quelques paramètres aussi cruciaux que les particularités spécifiques au pays), la transition se serait déroulée de manière moins chaotique et moins coûteuse, en termes sociaux et de croissance. L'ouvrage souligne, enfin, que le pays a su rebondir ensuite, et rappelle le rôle de Vladimir Poutine et Evgueni Primakov en la matière.



Enfin, les auteurs tendent à démontrer que la Russie a fini par trouver sa propre voie. Cette voie, Jacques Sapir cherche à en dessiner les contours dans le dernier chapitre du livre, "Vingt années de transition", se demandant si la Russie est devenue un capitalisme d'Etat, interventionniste à sa manière. Et au terme de cette lecture, le lecteur aura fait un puissant voyage dans les rouages de l'économie russe - ce qui lui permettra de mieux comprendre l'arrière-plan de ce qu'il lit dans la presse. Ce livre est exigeant; mais il est aussi instructif, surtout à la veille des élections présidentielles russes, qui auront lieu le 4 mars prochain.
Lien : http://fattorius.over-blog.c..
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