Les défenseurs de Polanski n'ont pas tous invoqué la liberté de l'art, ni la séparation entre l'auteur et la personne. Certains ont tenté de minimiser les faits qui lui étaient reprochés, à l'instar de l'essayiste Alain Finkielkraut arguant, à propos de la victime de Polanski : "Cette jeune fille, qui avait en l'occurrence 13 ans et 9 mois, elle n'était pas impubère, elle avait un petit ami, elle a eu cette relation avec Polanski." Une affirmation qui en dit long sur l'Imaginaire de son auteur et de certains de ses semblables, imaginaire qui sous-tend de tels actes aussi bien que leur légitimation. (106)
Fréquent, [l'amalgame] entre censure et critique fait ce qu'il dénonce en voulant réduire les adversaires au silence, au mépris du principe même de la liberté d'expression, qui mise sur le débat contradictoire pour éclairer les opinions. (193)
Un engagement idéologique radical peut constituer une stratégie de reconversion d'auteurs aux trajectoires déclinante pour maintenir une position dans le champ intellectuel, et, sans qu'une telle évolution autorise une lecture téléologique de l'œuvre antérieure, on peut y retracer des lignes de continuité. (195)
Panthéonisation, cérémonies célébrant les dates de naissance et de mort, transformation de leurs demeures en lieu de pèlerinage, ces entreprises de culte qui ont fondé la construction des identités nationales laïques, faisant des artistes et des écrivains les saints et prophètes modernes, officialisent et donc légitiment le transfert de capital symbolique associé à l'œuvre à la personne de son auteur. [...] Ces entreprises n'ont pas que l'imaginaire collectif pour champ d'action : typiques de l'économie des biens symboliques qui permet la conversion du capital symbolique en capital économique, elles stimulent tout un marché de produits culturels associés (rééditions, biographies, essais sur l'œuvre) et de tourisme culturel. (166-167)
Il ne s'agit pas tant d'une étude sociologique de ces polémiques que d'une radioscopie des arguments et d'une mise en perspective philosophique et socio-historique des enjeux qu'ils recouvrent. (10)
L'imputation pénale a [...] précédé l'appropriation des œuvres par leurs auteurs. Or la responsabilité pénale exprime la croyance collective dans la responsabilité morale de l'auteur. (50)