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Critique de Soukiang


On connait tous le potentiel des romans à nous faire voyager tout en restant bien au chaud, chez soi, dans sa zone de prédilection, quelque soit le genre littéraire, apprendre des choses et d'autres mais encore mieux, et si les romans avaient la capacité de faire changer notre vie, à la voir différemment, à se transcender au-delà de tous les rêves et espoirs, en regardant les nuages combien de fois n'avions-nous pas eu envie d'entendre des réponses à des interrogations existentielles, à partager des confidences intimes, à vouloir attendre trop ne risquions-nous pas de passer finalement à côté de l'essentiel, si l'amour est la plus belle définition de la vie, l'amour des siens et de son prochain, j'oserai aller plus loin, et si on oublait l'avenir... ?

Une lecture d'une grande sensibilité, comme le vin qui gagne à vieillir pour une meilleure mise en bouche, il suffit de tourner quelques pages, d'apprendre à connaître les personnages et bim ! bam ! boom ! la magie opère miraculeusement, s'il est bien question de miracle quand le monde des vivants se confronte à celui des esprits, la mort n'a jamais paru aussi belle sous la plume d'une auteure déjà remarquée avec son premier roman, Et demain l'éternité, ce n'est pas tant de lire une belle histoire que d'en ressentir tous les effets salvateurs et valorisants, bien après la lecture, demain et le premier jour du reste de notre vie pourra enfin commencer !

Plus d'une fois, j'avancais l'idée folle de me pincer pour m'entendre dire que rien n'est dû hasard, souvent je me demande ce qui serait advenu avec des si et des si, on ne se refait pas, la vie inculque des valeurs et des chapitres, l'expérience fait le reste, l'âge de raison ou ingrat, à chaque étape l'être humain apprend à vivre avec les autres mais déjà se posent les fondations sur lesquelles tout un chacun construira son espace vital, loin de vouloir écrire un feel-good avec des clichés et des bons sentiments, l'auteure grassoise prend le lecteur par la main, comme une amie de longue date, sans oublier de conter une touchante et irrésistible ode à la vie, un style combinant harmonieusement légèreté et gravité sans jamais édulcorer ni remplir des pages pour meubler des silences ou des non-dits. Surtout ne pas faire comme les autres.

Je suis timide mais je me soigne, cultiver sa différence comme un jardin à entretenir, les quatre saisons peuvent bien défiler et maintenir un trait d'union entre nos espérances et nos déceptions, l'histoire de la fausse médium, Fabienne dans ses déboires affectifs et personnels n'est pas sans rappeler qu'il y a un peu d'elle en chacun de nous et réciproquement, cette alchimie mystérieuse, qui se ressemble s'assemble ou les contraires s'attirent, c'est un peu l'effet papillon et les théories de la physique quantique qui croisent Irma et sa boule de cristal, faire son deuil d'une personne reflète la personnalité et le caractère, un roman peut révéler des secrets et faire rebondir ce qu'on aurait jamais eu l'audace de déflorer, l'imagination sans limite prend une nouvelle dimension dès lors qu'elle est véhiculée dans la bienveillance ou dans l'empathie.

Le curseur qui clignote au moment je frappe ces quelques mots par exemple, combien de battements de coeur pour arriver jusqu'ici, quel parcours tracé avec des hauts et des bas ont permis d'en arriver là, il ne faut surtout pas s'arrêter en si bon chemin, le roman a la particularité d'avoir été écrit suivant un mode d'emploi singulier dans l'écriture, un chapitre par jour, c'était dans le cadre d'un concours Fyctia, les lecteurs avaient loisir ensuite de commenter, l'avantage réside dans la spontanéité et la fraîcheur des dialogues qui apportent une réelle plus-value, le personnage de Rose, la meilleure amie de Fabienne, est l'archétype de cette confidente précieuse, capable de passer du coq à l'âne le temps d'un cillement ou pour changer délicatement de sujet, l'humour est un délicieux mélange de sincère amitié et de compassion qu'on pourrait espérer d'une relation humaine, une histoire qui s'inscrit dans l'air du temps, les difficultés d'établir une durée dans une fréquentation, la trahison ou le mensonge déguisé, tous les espoirs sont permis tant qu'il y a de la vie, l'espoir attend, un roman profondément optimiste et moderne.

La patience de découvrir progressivement les attentes et les craintes des deux personnages principaux, c'est s'inviter dans une danse basée sur la confiance et le champ de tous les possibles, l'imprévisibilité apporte de la nouveauté dans la routine, l'imperfection valorise l'autre quand elle est partagée et comprise, sans effets de manche, l'autre bonus d'une construction alternant chapitres courts et dialogues enlevés c'est de libérer ses muscles et ses crispations, mieux qu'une séance de psycho et son éternel divan (soyez sûr que je respecte cette profession par ailleurs), Virginie Sarah Lou nous offre une séance gratuite avec quelques heures de lecture en montrant plutôt que de démontrer, pas de phrases moralisatrice, le libre-arbitre encore et toujours, rien n'est jamais évident dans la difficulté, il suffit juste de s'entourer de belles personnes et le reste suivra ... ou presque !

Les coincidences n'existent peut-être pas dans les polars ou les thrillers, on avance plutôt la place du hasard calculé ou d'une volonté intrinsèque, force est synonyme de puissance, dans l'émotion qui est une rencontre heureuse d'atomes et de variables, seules les constantes conditionnent les être humains à répéter voire à rejouer la même séquence, jour après jour, les barrières morales s'effondrent les unes après les autres, tous les circuits sont au voyant vert, la beauté d'un roman doit bouleverser et faire naître une boule au fond de son estomac, celle-ci grossira un peu plus à chaque page jusqu'au point de rupture des digues, inévitablement des flashs surgiront, qui un père, qui une mère, des proches qui ne vous auront jamais paru aussi proches dans cette balade au coeur de nos émotions les plus pures qui soient, les mouchoirs à portée de main, ce ne sont pas les métaphores et les références culturels qui manquent, la narration à la première personne nous fait confondre réalité et fiction, tellement les mots parviennent au tabernacle des sentiments universels, du deuil impossible à la recherche du temps perdu, de la perte de ses illusions à l'espérance les plus audacieuses, un hymne à la vie, l'auteur a puisé dans ses expériences ou vécus personnels pour dresser un portrait des moeurs actuelles, une fable moderne sur l'amour 2.0 mais pas seulement, un bijou condensé pour ouvrir de nouvelles perspectives, loin des voies de garage sans issue, les personnages secondaires apportent de l'eau au moulin, les surprises font écho à des plages plus contemplatif, le rythme infernal des obligations et des contraintes donnent du baume au coeur et c'est déjà beaucoup !

Pertinence du propos d'autant plus percutant qu'elle cristallise des instants inespérés, cette sensation unique et agréable à la fois, un travail de longue haleine là où cette histoire en met le temps d'une soirée, jusqu'au bout de la nuit pour croiser les doigts, pour crier aux absents qui nous entourent, proches ou inconnus, combien ils nous manquent et ne seront jamais oubliés, le poids de la culpabilité du vivant s'éloigne, l'envie de croquer et d'embrasser la vie comme elle vient, apporter de la couleur là où le gris prenait trop ses aises, ici la poussière s'accumule pour former des moutons, respect et bonheur contagieux à tous les étages chapitrés, pourquoi faire compliqué quand la simplicité gagne à tous les coups, l'âme grandit dans la sagesse et l'écoute de l'autre, qui la promise, qui le prince charmant ou encore la recherche du bonheur, pleurer n'est pas l'apanage des faibles, guider son prochain peut amorcer sa propre destinée, un feel-good mais pas que, pour le plaisir et pour continuer à croire et c'est maintenant.

Disponible en broché directement sur le site de Editions Nouvelle Bibliothèque, Et si on oubliait l'avenir... ? de Virginie Sarah-Lou est une de mes lectures marquantes de cette année, parce que l'émotion éprouvée et ressentie n'a pas de prix, dans la vie comme dans la lecture, irremplacable et unique moment qui nous appartient et que l'on partage sans filtre avec les autres, ici ou là-haut.
❤️
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